
L'Hermione a pris le large devant plusieurs dizaines de milliers de personnes amassées sur les rives de la Charente. L'impressionnant voilier est la réplique de la frégate sur laquelle La Fayette rallia les insurgés américains en 1780.
L'Hermione, c'est une histoire de passion - 17 ans pour un chantier porté par des bénévoles et des artisans spécialisés - saluée par un public enthousiaste. Même l'heure de départ du bassin de Rochefort, au coeur de la nuit de samedi à dimanche, n'a pas découragé les spectateurs: près d'un millier de personnes étaient massées sur les quais vers trois heures du matin. Cette opération aurait dû se dérouler samedi après-midi, mais le bateau-porte, qui sépare la cale de construction où se trouvait la réplique des eaux de la Charente, n'avait pas pu s'ouvrir car il était obstrué par de la vase, et il avait fallu attendre la marée suivante. Le public a ensuite suivi la frégate toute la journée de dimanche. Pour cette première navigation, "l'Hermione", parée de ses gréements, mais sans la totalité de ses voiles ni de sa mâture, en partie démontée pour passer sous le viaduc de la Charente, a été précédée d'une parade nautique de 120 bateaux dont une cinquantaine de vieux gréements, et chaudement saluée par une chaîne humaine postée sur les rives de l'estuaire de la Charente.
Arrivée à 19H00 au large de l'île d'Aix où elle passera sa première nuit, la frégate va désormais intensifier sa préparation au grand voyage à travers l'Atlantique par des semaines d'entraînement. Avant son retour à la mi-novembre à son port d'attache pour les derniers réglages et le départ historique, en avril 2015, sur les traces de La Fayette.
Ce n'est pas encore le grand départ pour les États-Unis sur les traces de Gilbert du Motier (1757-1834), marquis de La Fayette. Mais cette première sortie est un premier aboutissement pour ce défi lancé en 1997 par quelques passionnés: reconstruire l'Hermione à l'identique, en faisant revivre l'arsenal et les métiers de l'époque.
La frégate de la liberté
En 17 ans, la construction du navire de 65 mètres de long et 47 mètres de haut a mobilisé des artisans venus de France, Grande-Bretagne, Allemagne, Espagne et Suède, ainsi que des dizaines de bénévoles. Les plans du navire ayant disparu, il a fallu rechercher ceux du "navire-jumeau" de l'Hermione et travailler sur la base des rares peintures de la frégate, coulée en 1793.
Représentant le gouvernement, la ministre de l'Écologie, Ségolène Royal, ancienne présidente de la région Poitou-Charentes, a déclaré qu'en ce jour "le rêve devient réalité" et, saluant "la frégate de la liberté", elle a cité le marquis de La Fayette: "Pour que vive la liberté, il faudra toujours que des hommes se lèvent et secouent l'indifférence et l'indignation."
L'académicien Erik Orsenna, président du Centre international de la mer, s'est dit "fier d'avoir contribué à ce projet dont la France avait besoin". Selon lui, l'aventure de la construction de cette réplique "démontre que le patrimoine ne nous scotche pas dans le passé, mais nous projette dans le futur".
Pour Yann Cariou, ex-officier de marine de 57 ans, qui prendra le commandement de la frégate pour la traversée jusqu'à Boston aux États-Unis, la première sortie était surtout "l'occasion de voir comment réagit le navire et d'apprécier ses qualités manoeuvrières" car "personne n'a fait naviguer un navire comme ça depuis deux siècles".
En 1780, il avait fallu 38 jours au jeune marquis de 23 ans pour traverser l'Atlantique et annoncer aux insurgés américains le soutien de la France contre les troupes de la Couronne britannique, scellant son destin de héros de l'Indépendance américaine.