
Grande comme trois fois la France, l'Alaska ne compte pas un million d'habitants. L'immense littoral demeure donc aussi sauvage qu'inaccessible. La seule manière de l'explorer consiste à naviguer ou à réserver l'une des cabanes disponibles à la location et… de s'y rendre en hydravion.
« Ponton réservé aux avions ». Partout ailleurs, cet écriteau en lettres rouges, sur une passerelle du port de Kodiak, serait une farce. Pas ici. En Alaska, l'absence de route fait la part belle aux bateaux et… aux hydravions. Ces appareils capables d'atterrir sur l'eau constituent le moyen le plus rapide et le plus utilisé pour se déplacer le long de la côte Pacifique et dans les archipels qui bordent la côte.
C'est ainsi que les « Alaskiens » rejoignent, pour le week-end, la pêche ou la chasse, les chalets construits dans les endroits les plus reculés du 48e état des USA. Parés ? Embarquement pour une semaine buissonnière en pays grizzli.
Voyage en quatre-quatre volant amphibie
Ce matin, nous avons rendez-vous avec « l'hydravion taxi » pour une baie de l'île de Kodiak où nous avons loué un chalet flottant et sa vedette à moteur. Après une ultime vérification - les cannes à pêche et les bombes à poivre « anti-ours » sont bien dans les sacs – nous nous hissons dans le minuscule quatre-quatre volant qui nous attend « à quai ».
Quelques tours d'hélices, une rapide check-list et les amarres sont larguées. Le plan d'eau est lisse, l'avion « court » et soudain, s'élève au-dessus de la ria, puis de la forêt. Depuis les airs, l'étonnante géographie de l'archipel se dévoile : couvert de forêt, il se découpe à l'infini sur le cobalt du Pacifique. Les laminaires – les kelps typiques de ces latitudes – flottent à la surface si claire des eaux.
À frôler les montagnes, nous passons le faîte de l'île avant de plonger vers la baie qui nous attend, face au continent, sur le détroit de Chelikhov. Après avoir décrit un cercle à basse altitude, le pilote se place dans l'axe d'un groupe de maisons devant lequel est ancrée une cabane. Notre cabane. En quelques secondes, l'avion se pose et, sur l'ère, vient mourir sur la grève. Nous débarquons à pieds secs.
Une cabane sur l’eau
Une fois l'avion reparti, nos hôtes nous installent dans le « nid » que nous nous sommes choisi. Clapotis, sauts de poissons, cris d'oiseaux. Notre univers se résume au grand bruissement des eaux, de la forêt et du ciel. Les aigles patrouillent. Les pics tambourinent. Les Martins piquent le menu fretin. Et sur la berge, soir et matin, les ours bruns sont au rendez-vous. La vie est partout, puissante, multiple. Elle profite de l'été avant que la saison ne tourne et change ce paradis en désert gris et glacé.
Loutres et phoques pêchent sous nos fenêtres. Nous y partons aussi, forts des conseils du guide avec lequel nous nous sommes initiés, la semaine passée, à la capture des saumons et des flétans. Le soir, nous les cuisinons, à demi assommés de fatigue. Au soleil calme d'Alaska, nos soirées, comme nos jours s'émerveillent. Un monde parfait.