
Figaro Nautisme : Comment se spécialise-t-on dans la vente de bateaux d’occasion dans un groupe composé de marques aussi prestigieuses que The Moorings, Sunsail et Leopard ?
Cyril Lelievre : Je suis entré chez The Moorings en 1991 pour développer la vente de charters auprès des agences de voyage européennes. Ce travail en BtoB m’a permis de visiter de nombreuses bases de location et de naviguer très souvent dans les plus belles zones du monde et, pour être honnête, j’adorais ça ! Je suis passionné de bateaux depuis l’enfance. J’ai commencé, comme beaucoup, avec l’Optimist puis j’ai régaté... J’ai même, à une époque, façonné des planches à voile en tant que shaper et travaillé comme skipper professionnel. La voile et la mer sont vraiment mes deux passions.
En 1999, Franck Bauguil, alors responsable des ventes, m’a proposé d’organiser la revente des bateaux d’occasion pour la zone Europe/ Méditerranée. L’objectif était d’accompagner nos propriétaires en gestion dans la revente de leurs bateaux en fin de contrat, afin qu’ils puissent plus facilement repartir sur un nouveau programme d’achat. À l’époque, hormis aux États-Unis, ce service n’existait dans aucune de nos bases d’Europe, d’Asie ou des Seychelles.
Je me suis inspiré du modèle américain, déjà parfaitement rodé. J’ai commencé seul, puis avec le rapprochement Sunsail/Moorings, l’activité a pris de l’ampleur. Aujourd’hui, avec une équipe de 5 brokers, nous couvrons toute la Méditerranée, l’Asie, l’Afrique et le Pacifique Sud, ce qui représente en moyenne 75 bateaux revendus chaque année (et une centaine aux Antilles). Ce sont exclusivement des bateaux sortant de flotte.
Figaro Nautisme : Quelle est la tendance du marché du bateau d’occasion actuellement ?
Cyril Lelievre : Le marché semble un peu morose si j’en crois mes confrères, mais ce n’est pas ce que nous observons de notre côté. Pour nous, l’année est bonne, que ce soit en volumes de vente ou en prix de revente. Nous ne sommes plus dans la dynamique exceptionnelle de l’après-Covid, mais la demande reste solide.
Ce qui change réellement, c’est le profil des acheteurs : ils sont plus informés avec des idées bien arrêtées, plus exigeants et attendent un niveau de service irréprochable, ce qui est tout à fait légitime.
Figaro Nautisme : Quels conseils donneriez-vous à un acheteur d’un bateau sortant d’une flotte de location ? Quels sont les points sur lesquels il faut être vigilant ?
Cyril Lelievre : L’avantage majeur de nos bateaux tient à la combinaison du prix et de l’entretien. Nous proposons des unités dans la fourchette basse du marché, mais qui ont été suivies de manière rigoureuse. Un bateau de charter doit être opérationnel, sans faille : les semaines de location ont un coût, et l’état du bateau doit être irréprochable. Lorsqu’il est revendu, il a été loué quelques semaines auparavant et est donc pleinement fonctionnel.
Les acheteurs l’ont très bien compris. Lorsque j’ai démarré, nous vendions sous la cote Argus. Aujourd’hui, ce n’est plus du tout le cas.
Un moteur de 3 000 heures, ce qui correspond souvent à une sortie de flotte, est loin d’être en fin de vie s’il a été entretenu correctement. Je peux en témoigner : j’ai moi-même acheté un bateau sortant de flotte pour mon usage personnel. Il a 20 ans, affiche 9 000 heures moteur et tourne toujours parfaitement. Mon bateau avait même eu un gros talonnage. La réparation faite à l’époque est encore impeccable. Le gréement ? Les experts préconisent de le changer tous les 10 ans. Quand on achète un bateau d’occasion, il faut bien sûr être vigilant, mais dans notre cas, nous avons tout l’historique du bateau, les avaries qu’il a pu connaître, son entretien, les réparations... Vous pouvez donc être en confiance !
Figaro Nautisme : Vous vendez des bateaux qui sont situés dans toutes les bases de Sunsail ou The Moorings. Acheter à l’étranger, est-ce compliqué ?
Cyril Lelievre : Déjà, je pense qu’acheter un bateau d’occasion est une très bonne idée. Encore une fois, je l’ai fait moi-même [Rires !]. Vous pouvez acheter une unité qui a 5 ans - la durée de vie d’un bateau se compte en dizaines d’années - pour la moitié de son prix neuf. Acheter à l’étranger ne pose aucune difficulté : nous gérons l’ensemble de la partie administrative. Le véritable sujet, c’est la zone de navigation souhaitée. Si votre objectif est de naviguer aux Antilles, il n’est pas cohérent d’acheter un catamaran basé en Thaïlande.
Ensuite, même si certains bateaux peuvent sembler plus attractifs à l’autre bout du monde, le coût du convoyage, des déplacements pour expertiser l’unité, ou encore la conversion du système électrique en 220 volts atténuent largement la différence de prix.
Figaro Nautisme : Combien de bateaux avez-vous vendu ? Et quel est celui qui vous a le plus marqué ?
Cyril Lelievre : Le bureau a vendu environ 1 500 bateaux. Parmi eux, certaines histoires m'ont marqué. Je pense notamment au renouvellement de la flotte « Corporate » de Sunsail dans les années 2010. C’était une flotte de 80 Sun Fast 37 équipés compétition et loués pour les entrainements d’hiver et les régates dans le Solent. Ils avaient navigué pendant 10 à 15 années continues, dans des conditions intenses, et à la journée, le confort intérieur n’étant donc pas la priorité... Les ventes ne démarrant pas bien, j’ai décidé d’en présenter un au salon du Mille Sabords... en Bretagne, une expédition pour un Niçois ! J’étais censé recevoir une unité « présentable » mais quand je suis arrivé la veille de l’ouverture, j’ai découvert un voilier bien dans son jus : intérieur trempé, fonds remplis d’eau salée, armement et cartes moisies, cuisine sale, etc... Avec l’aide de quelques amis locaux, il a fallu beaucoup d’efforts et de savoir-faire pour rendre ce bateau présentable en quelques heures ! Mais au final il s’est vendu pendant le salon et ça a déclenché les ventes suivantes ! Ce Mille Sabords était un joli défi pour un broker !
Figaro Nautisme : Votre dernière navigation et la prochaine ?
Cyril Lelievre : Je navigue toujours régulièrement depuis les bases Moorings et Sunsail. Ma dernière navigation était en Croatie, sur un Leopard 45, avec des amis et ma famille. Des vacances de rêve !
Ma prochaine grande navigation sera liée au carénage de mon propre bateau. Je partirai de Cannes pour rejoindre Port-Saint-Louis-du-Rhône, en solitaire, en prenant le temps de profiter de toutes les belles zones de notre région.
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