
Le Figaro Nautisme : Comment devient-on vice-président d’un groupe qui réunit des marques aussi prestigieuses que The Moorings, Sunsail ou encore Leopard Catamarans ? Par passion de la mer ?
Franck Bauguil : C’est avant tout une histoire de passion pour la mer et les bateaux mais aussi de rencontres et d’opportunités. J’ai grandi en Bretagne, à Pontivy. Pour les vacances, la destination familiale était Saint Philibert. Dans ma famille, personne ne naviguait. Nous sommes originaires de Carcassonne et ce sont les hasards de la vie qui nous ont amenés en Bretagne. Mais, au contact des copains d’école, j’ai découvert la voile et les bateaux : ce fut une révélation. En dériveur, d’abord, puis en planche à voile avec des « spots » comme la pointe à Saint Philibert où nous testions nos flotteurs recoupés pour aller tâter de la vague. On profitait des bateaux des parents des copains pour partir pour nos premières croisières vers Houat ou Hoëdic dans cette merveille qu’est le golfe du Morbihan. J’ai ensuite enchainé avec les entrainements d’hiver à Lorient sur un Jeanneau, puis pendant mes études j’ai fait la fameuse course de l’EDHEC et le Tour de France à la Voile... C’est à ce moment-là que j’ai eu l’opportunité de partir aux Etats-Unis pour mes études. Je me suis retrouvé en Pennsylvanie, qui n’est pas à proprement parlé la Mecque de la voile... J’ai donc peu navigué à cette période. Après mon MBA, j’ai commencé à travailler dans la finance, toujours aux Etats-Unis. Ma copine de l’époque était une sportive de haut niveau et pratiquait le dressage en équitation. Et pour s’entraîner, elle devait aller... sur la Chesapeake Bay. Un week-end, elle m’a proposé de visiter une petite ville des environs : Annapolis. C’était pendant le salon nautique ! Sur les pontons, je découvre pour la première fois des catamarans de croisière - qui n’étaient franchement pas nombreux - et en discutant, je rencontre un skipper Français (Bernard Boireau) qui me présente à Eric Bruneel, alors manager export pour Fountaine-Pajot, et qui me dit rechercher un agent sur les USA... C’est ainsi que je me suis associé avec Eric Smith (Bay Yacht Agency), concessionnaire Jeanneau à Annapolis et que j’ai commencé à vendre des catamarans Fountaine Pajot aux Amériques. D’abord pendant mes week-ends alors que ma copine s’entrainait au dressage à quelques kilomètres de là puis rapidement à plein temps. Nous étions en 1992. La passion pour le bateau l’a emportée. J’ai démissionné de mon job dans la finance. En avril 1996, j’ai quitté mon affaire (qui deviendra plus tard Atlantic Cruising Yachts) et j’ai rejoint The Moorings. J’y suis toujours presque 30 ans plus tard...
Le Figaro Nautisme : Comment s’est construit le groupe tout au long de ces années ?
Franck Bauguil : Assez logiquement : nous avons d’abord recherché à disposer des bateaux les mieux adaptés à nos attentes de loueurs. C’est ainsi qu’est née la gamme des catamarans Léopard voile puis moteur. En 2005, The Moorings a été racheté par des investisseurs qui possédaient déjà... Sunsail, notre concurrent direct ! A l’époque, The Moorings était très rentable - la société l’est encore largement aujourd’hui - et Sunsail l’était un peu moins. L’idée a été de transposer nos réussites chez eux, sans dénaturer leur identité. Dans le groupe, nous avons également Le Boat, qui est un loueur de bateaux fluviaux. Là aussi, le développement des produits a été passionnants, avec des problématiques totalement différentes. A l’époque, cela représentait tout de même 1500 bateaux. Mon rôle, c’est de faire en sorte que les bateaux soient à la fois hyper agréables à vivre pour nos locataires, et faciles à entretenir pour nous. Pour y parvenir, on travaille main dans la main avec les chantiers, en arrivant toujours avec des cahiers des charges très précis. Pour vous donner une idée, quand j’ai commencé à m’occuper du développement des produits, nous pouvions arriver chez le constructeur avec 800 modifications... Et comme chacune avait une vraie raison d’être, les constructeurs ont toujours été très à l’écoute et prêts à intégrer nos demandes.
Le Figaro Nautisme : On parle de plus en plus d’usage dans le nautisme en opposition à la propriété classique. Qu’en pensez-vous, c’est l’avenir ?
Franck Bauguil : L’usage plutôt que la propriété n’est pas franchement un concept nouveau. Cela a été inventé par The Moorings dans les années 70 et cela s’appelle la gestion-location. Selon le temps que vous allez passer à bord de votre bateau chaque année, il vaut mieux soit le louer, soit investir dans un programme de gestion, soit l’acheter. Si vous naviguez 2 semaines par an, mieux vaut louer. Entre 3 et 6 semaines de navigation par an, le système le plus intéressant est l’achat en gestion. Enfin, si vous naviguez au moins 2 mois par an, il faut acheter votre bateau ! En sachant que selon vos moyens, vous pouvez tout à fait imaginer acheter un bateau avec un ami, la famille, etc. C’est ce que fait une part non négligeable de nos propriétaires. Dans nos programmes de gestion, la plupart de nos clients part en mer entre 4 et 5 semaines par an, depuis l’une de nos nombreuses bases.
Et pour les plus petits bateaux, le système des clubs -un abonnement mensuel pour une utilisation donnée du bateau - me parait parfaitement adapté.
Le Figaro Nautisme : Comment voyez-vous l’évolution des bateaux sur lesquels nous partirons en croisière dans 10 ou 15 ans ?
Franck Bauguil : Je ne crois pas aux révolutions [rires]. Même si ? Quand je compare les premiers catamarans sur lesquels j’ai travaillé il y a 25 ans aux bateaux actuels, il y a quand même eu une vraie révolution ! Les carènes modernes offrent aujourd’hui des performances équivalentes, voire supérieures à celles d’autrefois, tout en proposant à bord un niveau de confort digne des plus belles maisons.
Pour les 10 à 15 ans à venir, je vois plutôt des évolutions que des bouleversements. C’est surtout sur les monocoques que le potentiel de transformations est vraiment important. Par exemple, remplacer les biminis par des hard-tops intégrant des panneaux solaires, qui pourraient devenir à terme un nouvel espace de vie. Il faut également généraliser les bossoirs - comment peut-on imaginer en 2025 toujours hisser son annexe à bord avec une drisse ? C’est surréaliste ! Enfin, autre exemple d’évolution indispensable : ouvrir les intérieurs pour laisser entrer la lumière et avoir une vue sur les mouillages de rêve et pourquoi pas une cuisine de jour dans le cockpit. C’est quand même pour cela qu’on navigue, non ?
Le Figaro Nautisme : The Moorings, Sunsail et Leopard Catamarans en chiffres ?
Franck Bauguil : Nous avons 750 bateaux en exploitation chez Sunsail et Moorings répartis sur 22 bases dans le monde. Chaque année, environ 12 000 départs ont lieu d’une de nos bases. C’est autant d’histoires et de vacances de rêve partagées par 6 à 7 personnes en moyennes. Ça fait du monde [rire].
En ce qui concerne Léopard, nous avons 3500 catamarans voile et moteur qui naviguent aujourd’hui à travers le monde.
Le Figaro Nautisme : Votre dernière navigation et la prochaine ?
Franck Bauguil : Je vis à Miami où j’ai mon propre bateau dont je profite dès que possible pour aller dans les Keys pour quelques heures ou la journée. Ma dernière navigation en voilier était au Cap en Afrique du Sud où sont construits les Léopard pour tester le dernier né de notre gamme, le Léopard 52. Nous avons eu droit à 45 nœuds de vent et 5 à 6 mètres de houle : une navigation sportive mais franchement sympa !
Quant à la prochaine navigation, je ne sais pas encore. Peut-être cet hiver aux Bahamas ? Et bien sûr, le weekend prochain à Miami sur mon bateau histoire de patienter.