Qui sème le vent

Par Eric Mas

Ca y est, ça va être l’heure, l’heure de laisser le vent pousser ou tirer les bateaux du Vendée Globe à travers les océans. Et à cette heure où l’on ne parle plus que du vent (un peu des vagues aussi), il me semble utile de rappeler d’où il vient. D’où vient et où va ce vent, objet de toutes les attentions des compétiteurs.

Déjà, sur les pontons, on ne parle que de lui. Ca spécule. La rumeur enfle en même temps que les interrogations des skippers. Certains croient savoir. D’autres laissent croire qu’ils ne savent pas. On voudrait déjà jouer de l’intox. On est mystérieux.

 

QUI souffle le vent récolte la tempête.

Cette biblique métaphore n’est pas toujours facile à déchiffrer. Mais ici nous voulons identifier le QUI atmosphérique. QUI est à l’origine du vent ?

 

Au large, c’est facile. Le vent a nécessairement deux parents… faut-il préciser deux parents hétéros. L’anticyclone et la dépression. Et c’est selon les caractères plus ou moins bien trempés de ces deux là, que le vent trouvera sa force, son style, son humeur. C’est selon leurs positions respectives que le vent trouvera sa voie.

 

Sa force : elle lui vient tout droit du contraste entre le père et la mère qui doivent se tenir à proximité l’un de l’autre. Le vent sera entre les deux. Si les deux sont tièdes, le vent sera faible. Si l’anticyclone est costaud et la dépression creuse, le vent sera fort. Pour évaluer cette force, on compte le nombre de lignes isobariques qu’il y a entre les deux. Comme pour une pente en montagne on parle de gradient. Ce faisceau de lignes parle directement au skipper qui sait, au moins par expérience, traduire sa densité en force de vent.

 

Son style : est-ce que sa façon de tourner, de virer à droite ou de backer à gauche, se fera doucement ou brutalement ? La douceur viendra d’une belle courbure des isobares qui entourent chacun des géniteurs mais aussi d’un lent déplacement de ceux-ci. La brutalité viendra d’isobares présentant des angles cassants au passage des perturbations par exemple, mais aussi d’un déplacement précipité d’un centre dépressionnaire ou anticyclonique. Pour suivre et s’imprégner du rythme de la danse interminable que font les dépressions et les anticyclones autour du bateau, les skippers doivent analyser en permanence les cartes qui se suivent à pas réguliers. En les animant en accéléré, le petit film ainsi formé, est toujours très instructif.



Son humeur : arrivant sur tel ou tel endroit, le vent est il stable ou instable ? Quand on le connaît, quand on sait d’où il vient, c’est finalement assez facile à prévoir. S’il vient des pays froids et qu’il survole des basses couches plus chaudes que lui, il va y avoir de la turbulence… le plus chaud du bas voulant monter à sa place, ça va brasser d’autant plus fort que le contraste de température entre le bas et le haut est important. S’il vient des pays plus chauds, au contraire, le fait de se refroidir par la base en arrivant sur une mer plus froide, va dans le sens de la stabilité. Le skipper doit analyser les cartes d’altitude pour savoir s’il fait, relativement, plus chaud en haut ou en bas, et savoir à quelle humeur s’attendre ? C’est important, les rafales compliquent sérieusement navigations et manœuvres.

 

Sa voie : c’est parce que la terre tourne sur elle-même que toute l’atmosphère est parsemée de tourbillons. C’est aussi un effet mécanique de cette rotation qui explique que le vent tourne autour des dépressions dans le sens inverse des aiguilles d‘une montre dans l’hémisphère nord, dans le même sens dans l’hémisphère sud. Pourvu qu’il reste encore longtemps des montres avec aiguilles !!!

 

Chacun l’aura compris, les skippers ont tout intérêt à s’intéresser autant aux parents qu’à l’enfant. Le déplacement et le comportement respectifs de l’anticyclone et de la dépression leur apprendra plus sur la nature du vent qu’ils fréquenteront que la représentation de flèches et de barbules sur une carte.

Et comme la vie n’est jamais simple, il faudra comprendre les histoires de familles et leurs secrets comme les anticyclones qui se regroupent pour être plus forts, les dépressions secondaires qui prennent souvent plus d’importance que leurs aînées, les perturbations qui hésiteront à avancer ou se diviseront pour mieux attaquer.

 


Bien voir qui sème le vent pour éviter de récolter la tempête.

 

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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