Qui sème le vent
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Ca y est, ça va être l’heure, l’heure de laisser le vent pousser ou tirer les bateaux du Vendée Globe à travers les océans. Et à cette heure où l’on ne parle plus que du vent (un peu des vagues aussi), il me semble utile de rappeler d’où il vient. D’où vient et où va ce vent, objet de toutes les attentions des compétiteurs.
Déjà, sur les pontons, on ne parle que de lui. Ca spécule. La rumeur enfle en même temps que les interrogations des skippers. Certains croient savoir. D’autres laissent croire qu’ils ne savent pas. On voudrait déjà jouer de l’intox. On est mystérieux.
QUI souffle le vent récolte la tempête.
Cette biblique métaphore n’est pas toujours facile à déchiffrer. Mais ici nous voulons identifier le QUI atmosphérique. QUI est à l’origine du vent ?
Au large, c’est facile. Le vent a nécessairement deux parents… faut-il préciser deux parents hétéros. L’anticyclone et la dépression. Et c’est selon les caractères plus ou moins bien trempés de ces deux là, que le vent trouvera sa force, son style, son humeur. C’est selon leurs positions respectives que le vent trouvera sa voie.
Sa force : elle lui vient tout droit du contraste entre le père et la mère qui doivent se tenir à proximité l’un de l’autre. Le vent sera entre les deux. Si les deux sont tièdes, le vent sera faible. Si l’anticyclone est costaud et la dépression creuse, le vent sera fort. Pour évaluer cette force, on compte le nombre de lignes isobariques qu’il y a entre les deux. Comme pour une pente en montagne on parle de gradient. Ce faisceau de lignes parle directement au skipper qui sait, au moins par expérience, traduire sa densité en force de vent.
Son style : est-ce que sa façon de tourner, de virer à droite ou de backer à gauche, se fera doucement ou brutalement ? La douceur viendra d’une belle courbure des isobares qui entourent chacun des géniteurs mais aussi d’un lent déplacement de ceux-ci. La brutalité viendra d’isobares présentant des angles cassants au passage des perturbations par exemple, mais aussi d’un déplacement précipité d’un centre dépressionnaire ou anticyclonique. Pour suivre et s’imprégner du rythme de la danse interminable que font les dépressions et les anticyclones autour du bateau, les skippers doivent analyser en permanence les cartes qui se suivent à pas réguliers. En les animant en accéléré, le petit film ainsi formé, est toujours très instructif.
Son humeur : arrivant sur tel ou tel endroit, le vent est il stable ou instable ? Quand on le connaît, quand on sait d’où il vient, c’est finalement assez facile à prévoir. S’il vient des pays froids et qu’il survole des basses couches plus chaudes que lui, il va y avoir de la turbulence… le plus chaud du bas voulant monter à sa place, ça va brasser d’autant plus fort que le contraste de température entre le bas et le haut est important. S’il vient des pays plus chauds, au contraire, le fait de se refroidir par la base en arrivant sur une mer plus froide, va dans le sens de la stabilité. Le skipper doit analyser les cartes d’altitude pour savoir s’il fait, relativement, plus chaud en haut ou en bas, et savoir à quelle humeur s’attendre ? C’est important, les rafales compliquent sérieusement navigations et manœuvres.
Sa voie : c’est parce que la terre tourne sur elle-même que toute l’atmosphère est parsemée de tourbillons. C’est aussi un effet mécanique de cette rotation qui explique que le vent tourne autour des dépressions dans le sens inverse des aiguilles d‘une montre dans l’hémisphère nord, dans le même sens dans l’hémisphère sud. Pourvu qu’il reste encore longtemps des montres avec aiguilles !!!
Chacun l’aura compris, les skippers ont tout intérêt à s’intéresser autant aux parents qu’à l’enfant. Le déplacement et le comportement respectifs de l’anticyclone et de la dépression leur apprendra plus sur la nature du vent qu’ils fréquenteront que la représentation de flèches et de barbules sur une carte.
Et comme la vie n’est jamais simple, il faudra comprendre les histoires de familles et leurs secrets comme les anticyclones qui se regroupent pour être plus forts, les dépressions secondaires qui prennent souvent plus d’importance que leurs aînées, les perturbations qui hésiteront à avancer ou se diviseront pour mieux attaquer.
Bien voir qui sème le vent pour éviter de récolter la tempête.