Je n'ai pas pu naviguer à 100 % dans le Sud

Me voici enfin en Atlantique. Ce passage de Horn n'a pas été le plus beau de ma carrière: j'ai passé le cailloux de nuit et je n'ai rien vu. C'était frustrant, il n'y avait pas beaucoup de vent, une mer désordonnée et compliquée. Et surtout j'avais en tête ce problème de drisse qui me poursuivait depuis l'Océan Indien et que j'ai eu l'occasion de raconter depuis. Je suis quand même monté quatre fois au mât dans le Pacifique sans résultat. Je ne voyais aucune solution: à tel point que j'avais envisagé une escale au Horn.
Finalement cette escalade au mât je l'ai faite au meilleur moment mais c'était la dernière limite. En haut du mât, j'ai écarquillé les yeux pour voir si je voyais des glaçons mais je n'ai rien vu. Imaginez que je sois passé le long d'un iceberg, sous pilote automatique, le tout en étant en haut de mon mât en train de filmer la scène : je pense que j'aurais fait le buzz.
Au final, je suis passé dans un trou de souris: le vent est rentré depuis, j'évolue au près et alterne entre le génois et le solent. Garder le grand gennaker dans ces conditions aurait juste été dramatique. Je n'aurais jamais réussi à le rouler dans les conditions que j'ai depuis vendredi et surtout je n'aurais jamais réussi à monter au mât.
Je suis content d'avoir réglé ce problème de drisse mais cette navigation dans le Sud a été frustrante pour moi. Je n'ai jamais été à 100%. Avec ces problèmes de drisse, je n'ai jamais vraiment eu la bonne configuration de voile. Ce Sud a été dur, je n'ai pas été à l'aise. Mais maintenant, tout cela est derrière moi, j'ai le sourire et surtout le bateau est en configuration pour attaquer l'Atlantique. Virbac Paprec 3 va bien. Le bateau est près pour affronter le dernier gros tronçon de ce Vendée Globe.
Côté navigation, j'ai eu pas mal de près ces dernières heures. J'ai un peu hésité au niveau de la stratégie puisque les fichiers météo américains et européens divergeaient. Le fichier GFS faisait partir à la côte au niveau de l'Uruguay pour récupérer le flux d'une dépression qui va passer sur la zone. Mais je n'étais vraiment pas sûr du coup et c'était une météo à 6 ou 7 jours qui n'est pas totalement fiable.
Du coup, l'option plus ouest que j'ai choisie est-elle une option de suiveur derrière les deux leaders?Non car j'ai une troisième place à défendre devant Alex Thomson qui navigue remarquablement bien. Et je ne voulais pas prendre de décision à l'emporte pièce pour essayer de revenir coûte que coûte. Il y aura sans doute des phénomènes météo qui me permettront de revenir, il faut que je sois patient. La route est encore longue jusqu'aux Sables et il va y avoir des coups à jouer. Même si je ne le leur souhaite pas, devant, ils peuvent avoir des ennuis, comme j'ai pu en avoir dans le Sud. Personne ne communique sur les petits soucis à bord, c'est frustrant. Je trouve qu'il est important au contraire de raconter ce qui se passe et de le partager avec la terre, ça fait partie de la course.
JP sur Virbac Paprec 3