Où et quand François Gabart a probablement gagné le Vendée Globe ?
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L'atlantique a tenu ses promesses et a permis d'ouvrir le jeu. C'est sur le bon usage de la météo que la victoire doit se jouer.
Le 4 janvier François a pu prendre de l’ascendant sur son rival. Alors qu'ils ne s'étaient pas lâchés tout le long du parcours contraint par les portes des glaces autour de l’antarctique, la stratégie a pu reprendre le dessus.
Par 52S 54W, à l’est des îles Falkland, dans des vents d’ouest, au sortir d’une dépression, Armel Le Cleach choisit de serrer plus le vent et de remonter autant que possible vers le nord. Il maintient son cap pendant plus de 24h et enfonce le clou dans la journée du 5 en insistant sur un tribord amure qui, dans du vent de nord, le mène encore plus à l’ouest. Armel justifie son option en exprimant son analyse et son souhait de pratiquer une route moins engagée que celle de François pour conserver plus de liberté dans une situation qui s’annonce complexe.
Cette stratégie, qui est en fait une non décision, puisqu’il souhaite rester ouvert à toute éventualité, est basée sur le fait que les prévisions reçues à bord sont très changeantes donc peu fiables. Il est vrai que les dépressions et perturbations qui s’agitent alors entre le Brésil et l’anticyclone de Sainte-Hélène ont un comportement qui ne met pas à l’aise les modèles de prévisions numériques. Mais, puisque la dépression est féminine, le marin devrait garder à l’esprit le misogyne dicton « Souvent femme varie. Bien fol qui s’y fie ». Ne criez pas Mesdames, je ne récupère ce cruel scepticisme de François 1er que pour la beauté de la démonstration météo.
Alors qu’il sait qu’il y a beaucoup de près à courir dans du vent de N à venir, Armel se hasarde sur le chemin le plus court semblant oublier que la seule chose solide sur laquelle il faudrait s’appuyer est l’anticyclone de Sainte-Hélène. En effet, si l’on ne peut pas se fier à l’évolution de la situation à court terme, ce qui est sûr c’est que « en moyenne » le vent de nord deviendra nord-est puis progressivement alizé d’est. Le régatier sait qu’il vaut mieux être au vent de l’adversaire c’est à dire, ici, le plus à l’est. Ce n’est qu’en fin de journée du 5 avec plus de 160MN (300km) d’écart latéral qu’Armel semble réaliser le danger. Trop tard.
En route vers les hautes pressions de Sainte Hélène, les rivaux tirent des bords presque parallèles. Aucun n’a d’avantage, mais tout le monde sait que lorsque le vent de nord commencera à donner un peu dans le nord-est, François aura gagné. Plus proche des hautes pressions il verra le premier l’état de la mer s’arranger, le vent devenir plus régulier et pourra allonger la foulée avant Armel. C’est ce qui se passe le 9 janvier.
Quand le 10 janvier à midi, François peut effectuer son dernier virement de bord pour remonter plein nord dans ce qui est enfin de l’alizé, Armel s’est aligné sur sa route, 130MN derrière. 130MN qu’il ne pourra même pas effectuer car, malchance en plus, le vent refuse déjà pour lui et il devra virer en ayant encore 50MN d’écart sous le vent. Le piège s’est définitivement refermé. Par rapport à l’arrivée aux Sables d'Olonne le retard n’est que de 90MN au moment où Armel vire à son tour. Mais il est sous le vent et doit serrer plus son près, donc être moins rapide !!!!
François a un angle au vent plus favorable. François s’échappe.
Bien sûr il peut se passer encore beaucoup de choses en Atlantique Nord, mais ce 13 janvier François a 250MN d’avance alors qu’il reste 4000MN à parcourir. Un avantage de 6% pour de tels régatiers, c’est énorme .