« La perte de ma troisième place est un petit enterrement pour moi, pour mes rêves »
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Le Blog de Jean-Pierre Dick, le skipper de Virbac Paprec 3.
Bonjour à tous. Cette fin de Vendée Globe n’est pas simple pour moi. Je suis animé par beaucoup de considérations contraires : certaines sont liées à la sécurité, d’autres liées à des éléments financiers et d’autres enfin à une dimension plus humaine. J’ai le choix d’appliquer le principe de précaution pur et dur : tu as des chances de te retourner donc tu arrêtes. C’est vrai qu’un accident serait un drame. Je ne veux pas y passer. Mais cette issue est peu probable : j’ai pris toutes les précautions qui s’imposaient. Et puis cette grande boucle, cette grande aventure de 10 ans de ma vie, j’ai envie de la boucler.
Je veux aller au bout car sur le plan personnel et émotionnel, il est important de finir un projet, à plus forte raison quand il s’agit d’un tour du monde. Je regarde donc si je peux me glisser dans un trou de souris pour revenir aux Sables d’Olonne. Pour cela, je vais avoir une approche en deux temps : tout d’abord me retrouver dès vendredi soir dans des conditions plus musclées du fait d’un front qui passe. Ca donnera une bonne indication de ce qui m’attend et de ce que peux faire avec Virbac Paprec 3, y compris dans un Golfe de Gascogne musclé.
L’avantage, c’est qu’après avoir perdu ma troisième place, j’ai de la marge avant le peloton des poursuivants et donc aussi le temps de laisser passer une dépression et de profiter d’une fenêtre météo pour aller aux Sables.
Finalement, cette attitude de prudence qui est la mienne aujourd’hui n’est pas l’application du « principe de précaution » mais celle du « principe d’attrition » qui permet de rééquilibrer le principe de précaution, qui bloque la société et l’individu, et d’agir selon une maxime de liberté contrôlée et raisonnée. Appliquer le principe d’attrition reviendrait à regagner les Sables avec une grande prudence, sans beaucoup de toile tout en étant prêt à arrêter dès que les conditions deviennent dangereuses. J’y suis prêt : j’ai reçu les conseils de beaucoup de personnes d’expérience : Marc Guillemot, Rolland Jourdain mais aussi Dominique Wavre qui avait, lui, dû faire face à une quille bloquée sous le vent.
Appliquer le principe d’attrition reviendrait à naviguer vers le Portugal et voir, une fois là-bas, si le passage du Cap Finisterre est jouable ou s’il faut s’arrêter. C’est ce principe qui va dicter la décision que je vais prendre dimanche sur la suite de mon aventure : s’arrêter ou continuer. Le choix sera de toute façon difficile.
Voilà un peu mon état d’esprit aujourd’hui. La perte de la 3è place ce vendredi est un petit enterrement pour moi, pour mes rêves. Alex Thomson m’a écrit un message sympa mais c’est dur à avaler.
Maintenant, il faut aussi que je pense à moi et à l’après course. Roland Jourdain avait eu beaucoup de mal à se remettre de son abandon à Hobart sur son deuxième Vendée Globe. La peur d’avoir des regrets peut, à un moment, faire pencher la balance de ma décision mais jamais je ne prendrai de risque inconsidéré.
JP sur Virbac Paprec 3