80 noeuds au large des Baléares

Par Eric Mas

C'est en octobre que Pen Duick VI a affronté une tornade en Méditerranée. A cette époque, la mer est encore très chaude et les invasions d’air froid venant du nord sont de plus en plus marquées. C’est ce contraste thermique qui amplifie les interactions entre océan et atmosphère et permet le déclenchement de phénomènes violents.

Que s’est-il passé ce jour là ? La situation météo de surface était caractérisée à midi par une dépression 1013hPa dans le sud des Baléares, une dépression 1007hPa se creusant dans le golfe de Gênes et une dorsale 1020hPa s’installant sur l’Aquitaine. Situation classique , justifiant un avis de coup de vent pour le Mistral en train de s’établir entre Marseille et Corse et un vent de NE force 5 à 6 au nord de Majorque.

 

Mais pendant ce temps, en altitude, un flux d’ouest froid et instable traversait la péninsule Ibérique puis la Méditerranée Occidentale. Un front fortement orageux s’organisait. En arrivant sur les Baléares les cellules orageuses se sont largement développées et ont trouvé, en cet endroit, les conditions propices à l’organisation de phénomènes extrêmes. Il faisait chaud en surface, l’aéroport de Palma avait enregistré 26° en fin de matinée avant que les violentes averses, parfois avec de la grêle, ne fassent, en plein midi, chuter la température de 9°. Le contraste thermique entre basse couche et altitude était important. Mais il y avait aussi le cisaillement du vent qui de NE en surface se vrillait jusqu’à l’ W à 5000m.

 

Ces conditions étaient propices aux développements de grains violents, il n’est donc pas surprenant que le vent ait pu monter à 50 nœuds pendant une vingtaine de minutes. Pour expliquer le 80 nœuds en vitesse maximale instantanée, mesuré par Penduick VI, il faut une tornade, c’est à dire un violent tourbillon d'axe vertical. C’est en fait une colonne d'air en rotation ayant la forme d’un entonnoir qui relie la mer à la base du Cumulonimbus. Si la visibilité est bonne ce phénomène est visible grâce à la condensation de la vapeur d'eau au cœur du « tuba » et par les embruns soulevés par le vent. On parle alors de trombe marine et de son buisson qui est l’excroissance à sa base constituée de gouttelettes d’eau arrachées à la mer. Mais Penduick était déjà dans le grain quand cette trombe est passée à sa proximité et il devait être très difficile d’apercevoir ce phénomène sous les violents averses.


Ce type de trombe est appelé GUSTNADO, abréviation de "gust front tornado" parce que c’est une tornade qui se développe sur le front de rafales, c’est à dire sur le front constitué par l’air froid qui tombe de l’intérieur du cumulonimbus. Comme une tornade à terre, ce phénomène dure quelques minutes (jusqu’à une dizaine) et, s’il a une largeur d’une trentaine de mètres peut faire sentir ses effets à plus de cent mètres. Il se déplace à la vitesse du front qui le pousse, souvent une vingtaine de nœuds.

La probabilité de passer à proximité d’une tornade est donc très faible. Il n’est pas étonnant que Pen Duick III situé 6 MN plus loin, n’ait eu « que » le vent du front de rafales, déjà établi à 50 nœuds.

 

Tout navigateur doit se rappeler qu’il ne faut pas se contenter d’une connaissance superficielle de la météo. En particulier, la consultation d'un fichier GRIB et l’étude de la situation de surface ne suffit pas. Il ne faut pas oublier que l’atmosphère a une épaisseur et qu’il est indispensable de savoir ce qui se trame au-dessus de nos têtes. Les déclencheurs d’instabilité sont surtout en altitude. Un bulletin météo qui annonce des rafales importantes par rapport au vent moyen doit éveiller toute méfiance.

 

METEO CONSULT ajoute à ses bulletins un commentaire sur la fiabilité des situations… à considérer avec grande attention.
 

L'équipage de PEN DUICK VI sait tout cela et sait gérer le risque météo grâce à son expérience et à la solidité de son bateau....  Mais nous sommes très nombreux à ne pouvoir nous comparer à eux. Double vigilance donc, pour les navigations d'arrière saisons en Méditerranée.

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…