80 noeuds au large des Baléares
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C'est en octobre que Pen Duick VI a affronté une tornade en Méditerranée. A cette époque, la mer est encore très chaude et les invasions d’air froid venant du nord sont de plus en plus marquées. C’est ce contraste thermique qui amplifie les interactions entre océan et atmosphère et permet le déclenchement de phénomènes violents.
Que s’est-il passé ce jour là ? La situation météo de surface était caractérisée à midi par une dépression 1013hPa dans le sud des Baléares, une dépression 1007hPa se creusant dans le golfe de Gênes et une dorsale 1020hPa s’installant sur l’Aquitaine. Situation classique , justifiant un avis de coup de vent pour le Mistral en train de s’établir entre Marseille et Corse et un vent de NE force 5 à 6 au nord de Majorque.
Mais pendant ce temps, en altitude, un flux d’ouest froid et instable traversait la péninsule Ibérique puis la Méditerranée Occidentale. Un front fortement orageux s’organisait. En arrivant sur les Baléares les cellules orageuses se sont largement développées et ont trouvé, en cet endroit, les conditions propices à l’organisation de phénomènes extrêmes. Il faisait chaud en surface, l’aéroport de Palma avait enregistré 26° en fin de matinée avant que les violentes averses, parfois avec de la grêle, ne fassent, en plein midi, chuter la température de 9°. Le contraste thermique entre basse couche et altitude était important. Mais il y avait aussi le cisaillement du vent qui de NE en surface se vrillait jusqu’à l’ W à 5000m.
Ces conditions étaient propices aux développements de grains violents, il n’est donc pas surprenant que le vent ait pu monter à 50 nœuds pendant une vingtaine de minutes. Pour expliquer le 80 nœuds en vitesse maximale instantanée, mesuré par Penduick VI, il faut une tornade, c’est à dire un violent tourbillon d'axe vertical. C’est en fait une colonne d'air en rotation ayant la forme d’un entonnoir qui relie la mer à la base du Cumulonimbus. Si la visibilité est bonne ce phénomène est visible grâce à la condensation de la vapeur d'eau au cœur du « tuba » et par les embruns soulevés par le vent. On parle alors de trombe marine et de son buisson qui est l’excroissance à sa base constituée de gouttelettes d’eau arrachées à la mer. Mais Penduick était déjà dans le grain quand cette trombe est passée à sa proximité et il devait être très difficile d’apercevoir ce phénomène sous les violents averses.
Ce type de trombe est appelé GUSTNADO, abréviation de "gust front tornado" parce que c’est une tornade qui se développe sur le front de rafales, c’est à dire sur le front constitué par l’air froid qui tombe de l’intérieur du cumulonimbus. Comme une tornade à terre, ce phénomène dure quelques minutes (jusqu’à une dizaine) et, s’il a une largeur d’une trentaine de mètres peut faire sentir ses effets à plus de cent mètres. Il se déplace à la vitesse du front qui le pousse, souvent une vingtaine de nœuds.
La probabilité de passer à proximité d’une tornade est donc très faible. Il n’est pas étonnant que Pen Duick III situé 6 MN plus loin, n’ait eu « que » le vent du front de rafales, déjà établi à 50 nœuds.
Tout navigateur doit se rappeler qu’il ne faut pas se contenter d’une connaissance superficielle de la météo. En particulier, la consultation d'un fichier GRIB et l’étude de la situation de surface ne suffit pas. Il ne faut pas oublier que l’atmosphère a une épaisseur et qu’il est indispensable de savoir ce qui se trame au-dessus de nos têtes. Les déclencheurs d’instabilité sont surtout en altitude. Un bulletin météo qui annonce des rafales importantes par rapport au vent moyen doit éveiller toute méfiance.
METEO CONSULT ajoute à ses bulletins un commentaire sur la fiabilité des situations… à considérer avec grande attention.
L'équipage de PEN DUICK VI sait tout cela et sait gérer le risque météo grâce à son expérience et à la solidité de son bateau.... Mais nous sommes très nombreux à ne pouvoir nous comparer à eux. Double vigilance donc, pour les navigations d'arrière saisons en Méditerranée.