Rencontre avec des rameurs hors du commun
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L’équipage de Moon River, en escale à Antigua, a fait la rencontre de navigateurs à la rame. Adèle Smith nous raconte l’odyssée de ces quatre Britanniques.
Le 4 décembre dernier, une équipe de soldats de la Coalition en Afghanistan, dont deux amputés, a entrepris de traverser l’Atlantique à la rame. Partis des Canaries dans le cadre de la course Tallisker Whisky Challenge, les quatre Britanniques sont arrivés mardi soir à Antigua. Adèle Smith a rencontré Scott Blaney, 27 ans, ancien garde de Buckingham Palace, blessé à Helmand en 2007. Adèle Smith - Pourquoi avez-vous entrepris une telle odyssée ? Scott Blaney - Nous levons des fonds pour soutenir les anciens soldats de la Coalition en Afghanistan, blessés comme nous. Nous sommes quatre dans le bateau, un double amputé, moi, amputé de la jambe droite, et deux autres militaires. Nous sommes arrivés troisièmes (16 équipes en compétition) et avons parcouru 3000 miles (4800 km) en 48 jours, c’est une formidable aventure. Comment vous êtes-vous préparé ? Le capitaine Mark Jenkins (coéquipier) m’a contacté quatre mois avant le départ pour me demander si j’étais libre. J’ai dit oui, alors il m’a dit : « On va traverser l’Atlantique ensemble à la rame, vas t’entraîner ». Je me suis surtout musclé le dos et ce qui me reste des jambes, j’ai un peu appris à lire les cartes marines car je ne connaissais absolument rien de la mer. Et j’ai appris à enfiler une combinaison de survie en un temps record pour une éventuelle urgence. Comment se passe une journée typique en mer ? On rame deux heures à deux, jour et nuit, et on se repose deux heures. Pendant les heures de repos, on se brosse les dents, on se lave, pas de douche évidemment. On essaie de dormir un peu dans la cabine à l’arrière du bateau (9 m sur 1.8). 48 jours à ce rythme, c’est épuisant ! On mange des rations lyophilisées de 800 calories à chacun des trois repas avec des en-cas pour les fringales. Ce n’est pas mauvais du tout : on avait du poulet au curry, des spaghettis bolognaises, du chili con carne. Pour se distraire, on écoute de la musique mais c’est tout. Le repas du soir est à 18 heures. Pour les besoins, c’est par-dessus bord et croyez-moi ce n’est pas facile ! Quel est votre souvenir le plus marquant de cette traversée ? On a eu des vagues énormes et il y a eu des moments où je n’en menais pas large. Le pire, ça a été le chavirage en plein océan. J’étais dans la cabine et j’ai entendu un vacarme énorme. Le bateau a été touché si violemment par une vague qu’il s’est retourné. Mes coéquipiers Cayle et James ont été éjectés de leurs sièges et sont tombés à la mer. Le bateau s’est vite retourné, mais ça a été terrifiant. Comment avez-vous fait pour vous accrocher ? Penser à mes camarades blessés m’a permis de garder le moral tout au long de la traversée. J’ai aussi une équipe, des coéquipiers très solidaires. Chaque fois que quelqu’un faiblit, les autres sont là pour l’encourager. Ils vous rappellent pourquoi vous faites ça, ils font des blagues. Ça détend l’atmosphère ! Quelle leçon tirez-vous de cette expérience ? J’ai beaucoup appris pendant ces 48 jours, je pense qu’on est beaucoup plus fort mentalement qu’on ne le croit.