La rafale n’est pas toujours celle qu’on croit

Depuis peu "Le Rafale" fend les airs et s’exporte fièrement. Depuis longtemps "La Rafale", pour les marins, s’emporte et se vend trop bien. Elle s’affiche dans tous les bulletins météo, elle délie toutes les langues, elle taquine tous les anémomètres. Quand, au bistrot, on raconte ses exploits, c’est toujours elle que l’on invoque : « Nous avons eu jusqu’à 43 nœuds ».
Mais il y a mistoufle
Officiellement, alors que le vent normal correspond à une moyenne sur 10 minutes, la rafale est une accélération brusque moyennée sur une demi-seconde. C’est une vitesse maximale instantanée.
Le marin lui parle d’un renforcement brutal et passager. La rafale n’est pas si instantanée que ça puisqu’elle change le comportement du bateau. Le voilier se couche respectueusement sous la rafale. L’anémomètre en tête de mât n’est plus à la verticale, il subit des accélérations et mesure n’importe quoi, ou presque.
Mais bon, le marin ressent cette accélération et doit savoir l’exprimer. Il parlera de «rafales» en ayant estimé que la vitesse instantanée dépasse de 10 à 15 nœuds le vent moyen, de «fortes rafales» lorsque la différence atteint 15 à 25 nœuds et de «violentes rafales» lorsqu'elle dépasse 25 nœuds.
Autant dire qu’on ne devrait pas parler si souvent de rafales. Mais surtout on ne devrait pas faire l’amalgame avec la rafale officielle, celle à pompon rouge que mesurent les sémaphores de la Marine Nationale perchés en haut de leur point de vue, et celle, plus consistante, qui descend au ras de l’eau.
En réalité chacun voit rafale à sa porte
Le prévisionniste a pris l’habitude, dans ses bulletins extrêmement détaillés, de mentionner toute accélération du vent, aussi faible soit-elle. L’idée est de donner au régatier une idée de l’humeur du vent. Ses sautes seront-elles insignifiantes ou bénéfiques ou handicapantes ? Cette pseudo-rafale se veut indice.
Le sémaphoriste qui respecte rigoureusement le code OMM (Office Mondial Météorologique) communiquera la vitesse maximale mesurée sur ½ seconde dans l’heure précédente. Sachons interpréter, minimiser, les rafales mesurées au sémaphore qui est situé en altitude et souvent sur un cap pour étendre sa vue de la mer, au détriment d’une mesure représentative du vent de surface en mer.
Le marin enfin qui vit la rafale comme une accélération beaucoup plus consistante du vent, plutôt mal définie mais qui produit un effet sur son fier navire. On ne ressent pas la rafale de la même façon sur un Optimist et sur l’Hermione.
Sur l’eau chacun guettera la rafale et fera avec une panoplie très large. Depuis la risée, qui n’est pas que moquerie, apportant 2 ou 3 nœuds de plus pour nous aider à s’extraire de la pétole jusqu’à la violente importune qui appuiera avec force sur le bateau.
Dans tous les cas, la mer s’exprimera pour annoncer le passage de la rafale. Dans les calmes la risée s’annonce par de petites rides et un changement de couleur de la mer. Dans le coup de vent, au contraire, il peut arriver que la mer s’étale jusqu’à s’aplatir sous l’effet de la bourrasque.
Si "Le Rafale" fait trop de bruit (110 décibels à l’atterrissage), "La Rafale", quand elle ne vient pas d’une mitraillette, a raison de se faire entendre.
GUST : j’aime bien le mot anglais pour dire rafale. Plus sec, plus instantané, moins répétitif.