Naufrage d'un bateau amarré à quai : accident de navigation ?

Dans cette affaire, un bateau restaurant a fait naufrage à Paris sur son lieu de stationnement à la suite d'une fuite d'eau courante survenue par la rupture d'une canalisation sous l'effet de gel.
Dans cet arrêt rendu le 5 avril 2016 (n° de pourvoi: 14-24571), la Cour de cassation pose une question intéressante qui amène à se demander si les assurances corps fluviales doivent être interprétées en raisonnant par analogie avec ce qu'admet le droit des assurances maritimes centré autour de la notion de fortune de mer.
Les juges considèrent qu'aux termes de l'article L. 174-1 du code des assurances, l'assurance sur corps fluviale garantit les pertes et dommages matériels atteignant le bateau ou ses dépendances assurées et résultant de tous les accidents de navigation ou événements de force majeure sauf exclusions formelles et limitées prévues au contrat d'assurance.
La Cour de cassation rejette le pourvoi qui arguait que les accidents de navigation ne recouvrent pas tout événement accidentel mais supposent que l'accident soit en lien avec la navigation d'un bateau. Au contraire, les juges décident que constitue un accident de navigation le naufrage d'un bateau amarré à quai, serait-il dû à la rupture d'une canalisation.
Pour rappel, la fortune de mer, ce n'est pas le risque causé par l'état de la mer, ni même le risque causé par la navigation. Le risque est maritime dès l'instant que la valeur assurée est exposée à des événements qui se produisent sur la mer ou qui surviennent par la mer. Dans ces conditions, la notion d'accident de navigation visée par le droit fluvial à l'article L. 174-1 du Code des assurances peut ne pas se réduire aux événements liés à l'évolution des bateaux et renvoyer aux dommages survenant "sur et par l'eau".
C'est cette interprétation qu'a retenue la Haute Juridiction en observant que constitue un accident de navigation, au sens du droit fluvial "le naufrage d'un bateau amarré à quai, serait-il dû à la rupture d'une canalisation".
Par ailleurs, le second intérêt de l'arrêt est de rappeler que les conditions d'une exclusion de garantie doit être prouvé par l'assureur. Dans cette affaire, les juges ont constaté que les conditions générales du contrat prévoyaient une clause d'exclusion de garantie pour « défaut d'entretien ou insuffisance de l'armement ou de l'équipement du bateau assuré », et retient que le seul fait qu'une canalisation d'arrivée d'eau se soit rompue par l'effet du gel ne révèle pas à lui seul l'existence d'un défaut d'entretien, le naufrage s'étant produit à l'issue d'une vague de froid particulièrement inhabituelle.
Dès lors que l'expert a vérifié lors de sa visite du bateau, pompes, portes étanches et système d'alarme et n'a relevé aucun défaut d'entretien, il résulte que l'assureur ne rapportait pas la preuve d'une cause d'exclusion de sa garantie.