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Toujours le même scénario en tête de la flotte : François Gabart et Armel Le Cléac’h naviguent pratiquement bord à bord.
Rien à faire, François Gabart (Macif) et Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) ne se quittent plus dans la traversée du Pacifique Sud. Vendredi après-midi, à l’approche de la porte des glaces Nouvelle-Zélande, Gabart pointait 2 milles devant son frère siamois. Les deux hommes naviguaient alors entre 16 et 17 noeuds poussés par des vents de nord-ouest de l’ordre de 20 noeuds. Même progression pour Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) qui compte 547 milles de retard sur Macif.
L’analyse des Suisses
Derrière, Alex Thomson (Hugo Boss), qui n’abdique jamais, a repris la quatrième place à Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat). Un skipper helvète qui ne se fait guère d’illusion pour le moment sur la situation en tête de la flotte : « Je vais faire en sorte de limiter les dégâts et d’avoir de la chance comme François (Gabart) et Armel (Le Cléac’h) en ont eu, ce qui leur a permis de creuser l’écart. C’est une question de réussite. Aussi bien, on ne les reverra plus jusqu’aux Sables d’Olonne. Aussi bien, ça va tamponner et on va remettre les cartes sur la table. Moi, je ne me fixe rien, j’essaie de faire ma route correctement ». A l’arrière, dans la bande de quatre toujours emmenée par Jean Le Cam (SynerCiel), Dominique Wavre (Mirabaud), comme son compatriote Stamm, analyse les événements actuels : « François Gabart et Armel Le Cleac’h effectuent une course remarquable, et je suis très impressionné par leur maîtrise tactique, stratégique et technique. C’est très impressionnant. Le fait qu’ils soient si proches, depuis si longtemps, est assez extraordinaire. Par contre, il existe une chance que leur proximité les pousse à prendre des risques inutiles et à faire des bêtises à cause de la pression que cette proximité engendre ».
Une météo clémente
En queue de peloton, tout va bien. Arnaud Boissières (Akéna Vérandas) est en passe de franchir la porte Australie-ouest. Bertrand de Broc (Votre Nom Autour du Monde avec EDM Projets), Tanguy de Lamotte (Initiatives-Coeur) et Alessandro Di Benedetto (Team Plastique), eux, bénéficient de conditions météo clémentes qui leur permettent d’avancer dans l’Océan Indien à une vitesse de croisière comprise entre 12 et 14 noeuds.
LES VOIX DU LARGE
François Gabart (Macif) : « J’aperçois Armel, pas en permanence, mais vu qu’il est à 5 milles de moi, je vois souvent son bateau. C’est assez génial, d’ailleurs. Mais nous ne sommes pas non plus en configuration régate, je n’adapte pas mes décisions, mes manœuvres et ma navigation à ce que je le vois faire, j’ai ma course à courir. Vous avez peut-être l’impression que mon anglais s’est amélioré en peu de temps, mais je pense que c’est surtout que les conditions de navigation sont meilleures et du coup, je suis moins tendu et plus reposé, c’est ça l’explication ».
Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) : « Dans les Cinquantièmes, on replonge un peu dans le Sud, par 53° Sud. Il fait nuit depuis une heure et demie. On fait route vers la porte Nouvelle-Zélande, les conditions se sont un peu calmées après 48h difficiles. Le vent va de nouveau entrer un peu et on va accélérer pour atteindre les 180° Est... On va pouvoir ajouter deux lettres pour atteindre l’Ouest et se rapprocher de la maison ! Les nuits sont courtes (ndlr : dans cette partie du monde), maximum 5-6 heures. J’essaye de garder mes repères en heure TU, je mange toujours à midi... Il fait nuit mais c’est bientôt l’heure du repas de midi ! Maintenant, on va avancer assez vite vers l’ouest donc les heures vont se décaler assez vite. On a la chance d’avoir la lune qui revient un petit peu. On avait des nuits noires depuis l’entrée dans l’océan Indien. (Sur son moral) Après 48 heures à se faire secouer au reaching et au travers avec 30-35 nœuds de vent, on est content quand ça se calme. On est toujours à 20 nœuds de moyenne donc c’est sympa et les conditions sont plus agréables ; le ciel s’est dégagé, le front est passé, on a un peu de soleil... ça fait du bien. On peut se reposer un peu, faire le tour du bateau sans passer son temps à quatre pattes. J’ai pu dormir en enchaînant des siestes de 40 minutes à une heure. Le bateau marchait sous pilote, la nuit est arrivée avec des conditions qui vont changer, il fallait être frais et mes batteries sont rechargées. (Son pronostic pour Brest-PSG) Je pense que Brest-PSG va être un beau match, les Brestois auront à cœur de bien jouer, j’espère qu’ils vont gagner. Mon pronostic : 1-0 pour Brest. (Son duel avec Gabart) J’essaye de penser à autre chose qu’à MACIF. On navigue à vue depuis 36h et je le vois à l’AIS à une dizaine de milles ? C’est un bon repère en termes de vitesse et de trajectoire. Mais j’essaye de faire ma route, bien que nos logiciels soient quasiment les mêmes, voire les mêmes. Pour l’instant il n’y a pas de grosse option, on verra plus tard s’il est possible de tenter quelque chose ».
Mike Golding (Gamesa) : « Une nouvelle fois, les conditions sont compliquées et très variables. En une heure, j'ai eu presque 28 noeuds de vent puis un tout petit 12 noeuds. Le vent est plein vent arrière. J'ai tendance à accorder un peu plus de crédit au modèle EC parce que le GFS me positionne actuellement dans un vent de 35 noeuds. Pour être franc, je ne vois pas du tout ce que Jean essaye de faire. A 150 ou 160 milles devant moi, peut être qu'il y a effectivement quelque chose que je ne vois pas, mais j'ai fait tourner un routage pour lui et on pourrait bien se retrouver à nouveau ensemble sous la Tasmanie. En même temps, je n'arrive pas à trouver la bonne combinaison de voile. J'avais le grand gennaker mais je ne suis pas très satisfait du résultat et de ma progression au classement de 04h00. Le pilote automatique a décroché à un moment, on s'est retrouvé complètement couché. Ce n'est pas vraiment un problème de pilote, il était peut-être juste un peu surchargé. Je l'ai mis sur le vérin hydraulique, ça devrait le soulager. Le gouvernail est extrêmement lourd mais c'est certainement à cause de ces vagues, je ne pense pas que ce soit le pilote automatique qui fasse sa mauviette ».
Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) : « Le vent et la mer ont bien molli, on est dans une petite transition avant que le vent ne re-rentre d’ouest. C’est assez instable, j’essaye de tirer les bons bords. Je viens de lâcher le ris et comme j’ai de nouveau perdu ma colonne (ndlr : colonne de winch, réparée récemment) c’est de nouveau du travail de forçat... Il faudra que je la répare mais pour l’instant j’ai la tête à mes hydrogénérateurs. Je fais les choses par ordre de priorité. (A propos du plaisir de naviguer) Ça dépend des moments. Là, en ce moment, il y a 90% de plaisir de naviguer et 10% de frustration. Mais quand je viens de finir de réparer l’hydrogénérateur mais qu’il s’arrache de nouveau dix minutes après, là c’est 100% frustration et plus envie de naviguer ! (Sur son duel avec Alex Thomson) Nos positions fluctuent en fonction des bords qu’on tire. J’aimerais bien remettre un peu en route la machine et recommencer à régater correctement… Mais, c’est sûr que d’être devant l’Anglais c’est pas mal ! (Sur la fatigue) On sent bien le mois de course. La récupération est beaucoup plus compliquée. Sitôt qu’on se met dans le rouge pour une raison ou pour une autre, c’est la misère pour récupérer ».
Arnaud Boissières (Akéna Vérandas) : « Les conditions se sont vraiment améliorées depuis ce matin, je ne suis plus à quatre pattes mais à deux. Je suis un peu courbaturé de partout, la moindre manœuvre est un peu plus compliquée mais il y a un bon 20 nœuds, le ciel est partiellement dégagé. En revanche, il fait frisquet. J’ai deux couches de polaires et mon bonnet. L’avantage c’est que tout est à ras du sol et comme je ne suis pas très grand c’est pas plus mal. Quand on se met debout pour aller dehors, c’est un peu le parcours du combattant. Mais c’est plutôt rigolo de se retrouver à marcher comme un petit papy. Être à mi-course, je n’y avais même pas pensé. Ce n’est pas essentiel, ce qui compte c’est passer les caps et franchir les portes. Ce qui m’importe, c’est de naviguer le plus sereinement possible et d’être à l’arrivée ».
Javier Sansó (Acciona 100% EcoPowered) : « Hola qué tal? Les conditions sont ce qu’elles sont, on ne peut pas y faire grand chose, on essaie juste d’y faire face et de garder le rythme. En tout cas, je trouve que globalement, ça avance bien depuis quelque temps. Il y a un système de basse pression qui est en train de se développer juste au-dessus de nous, ça risque de pas mal changer la donne, il va falloir sérieusement garder un œil dessus. Je ne suis pas sûr de bien voir pourquoi Jean Le Cam est parti au sud. Mais moi, personnellement, je suis ravi d’être où je suis actuellement. Mais peut-être que c’est parce que je reviens de loin, derrière, donc je ne peux qu’être satisfait d’avoir rattrapé mon retard sur ce groupe. Acciona a rencontré de petits problèmes mais le bateau va plutôt bien, et les soucis existants peuvent être réparés. Si les 24 ou 48 prochaines heures sont suffisamment calmes, au moins je pourrai m’occuper de ça ».
CLASSEMENT
Positions du 21/12 à 16 heures : 1.François Gabart (Macif) à 11 184 milles de la ligne d’arrivée; 2.Armel Le Cléac´h (Banque Populaire) à 2,5 milles du leader; 3.Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) à 547,6 m; 4.Alex Thomson (Hugo Boss) à 887,2 m; 5.Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) à 892,9 m; 6.Jean Le Cam (SynerCiel) à 1 708,7 m; 7.Mike Golding (Gamesa) à 1 879,8 m; 8.Dominique Wavre (Mirabaud) à 1968 m; 9.Javier Sanso (Acciona 100% EcoPowered) à 2 043,2 m; 10.Arnaud Boissières (Akéna Vérandas) à 2 789,9 m; 11.Bertrand de Broc (Votre Nom Autour du Monde avec EDM Projets) à 3 236,8 m; 12.Tanguy de Lamotte (Initiatives-Coeur) à 3 426,1 m; 13.Alessandro Di Benedetto (Team Plastique) à 4 468,9 m. Abandons : Marc Guillemot (Safran); Kito de Pavant (Groupe Bel); Samantha Davies (Savéol); Louis Burton (Bureau Vallée); Jérémie Beyou (Maître CoQ); Zbigniew Gutkowski (Energa); Vincent Riou (PRB).