
Un vent qui passe allégrement de 17 à 27 nœuds, des bascules jusqu’30° : les conditions que rencontrent, depuis trois jours, les solitaires de la Transat Bretagne – Martinique sont loin de ressembler à cette image commune des longs bords tout schuss et tout droit que l’on associe généralement à la navigation dans les alizés. Certes, les bateaux vont vite mais les efforts des skippers pour garder une trajectoire constante et éviter les sorties de piste sont intenses. Au moins autant que les bagarres que l’on retrouve à tous les étages.
Allo ? Non mais allo ? T’es un alizé et tu ne souffles pas régulièrement ? C’est comme si tu étais un grain sans vent. Non mais allo quoi ! Plus sérieusement – même en ce lundi 1er avril –, ce qu’il se passe depuis 72 heures au milieu de l’Atlantique, n’a rien de très habituel. Le vent est extrêmement variable, tant en force qu’en direction et donne du fil à tordre aux marins. « C’est compliqué, ça bouge dans tous les sens » confiait Anthony Marchand (Bretagne – Crédit Mutuel Performance), ce matin à la vacation. « Le vent prend 30° en 10 secondes et forcit de 10 nœuds dans le même laps de temps. J’ai rarement vu ça à cette fréquence. Impossible de dormir sur ses deux oreilles dans ces conditions, il faut être prêt à bondir sur le pont en permanence » expliquait, pour sa part, Erwan Tabarly (Armor Lux – Comptoir de la Mer).
Et pour cause, au-delà du départ au tas, ce que redoutent plus que tout, en ce moment, les navigateurs de la Transat Bretagne – Martinique, c’est la casse matérielle, comme l’explique Gildas Morvan (Cercle Vert) : « Ce n’est pas grave si le bateau se couche, par contre, ce que l’on craint, c’est d’abîmer ou de déchirer le spi. Régulièrement, je l’inspecte pour vérifier qu’il n’y a pas de petits accrocs causés par les barres de flèches. C’est vrai qu’on en a de rechange mais il vaut mieux avoir toutes ses cartouches pour finir ». Même son de cloche du côté de chez Adrien Hardy. « Dans les refus, le spi se met à faseiller et il claque parfois violement. Ca fait toujours un peu peur. Voilà maintenant dix jours qu’il est en l’air. Il commence à fatiguer. Le risque, du coup, c’est de le perdre. Et comme c’est le plus performant que j’ai, je voudrais bien pouvoir le garder jusqu’au bout » a indiqué le skipper d’Agir Recouvrement, qui peut se vanter d’avoir réalisé le plus gros gain de la flotte des dernières 48 heures.
Il est, en effet, parvenu à transformer les douze milles de retard qu’il avait sur Yoann Richomme (DLBC – Module Création) en quatre milles d’avance. S’il s’avoue un peu surpris d’avoir réussi à gagner autant, grâce notamment à des longues heures à la barre et à un petit décalage au sud, il sait que ce n’est pas le moment de relâcher ses efforts. « On peut vite se retrouver à contre temps dans des conditions aussi instables » a-t-il précisé. Quoi qu’il en soit, le duel est lancé. Yoann s’est mis à glisser davantage pour rester au contact et entre ces deux là, le jeu de marquage ne fait que débuter. Idem, un peu plus à l’arrière, entre Damien Guillou (La Solidarité Mutualiste) et Simon Troël (Les Recycleurs Bretons). « C’est sympa. On assiste à de jolis combats sur l’eau. Les skippers ont clairement leur objectif, leur jeu à eux. Ils se défoncent bien et se bagarrent fort » mentionne Gilles Chiorri, le Directeur de course. A 1 500 milles de l’arrivée, ça promet, parce qu’évidement, le rythme ne va faire que s’intensifier dans les jours qui viennent. A commencer par demain puisqu’un renforcement de l’alizé est prévu et que celui-ci devrait même adonner.