
Le podium de la Mini-Transat est désormais complet: Benoît Marie, Giancarlo Pedote puis Rémi Fermin sont à Pointe-à-Pître. La transatlantique en 6.50 se courrait cette année de Sada (Espagne) à Pointe-à-Pitre. Retour sur la course sans complexe du vainqueur.
Benoît Marie, 25 ans, a le sourire et l'enthousiasme chevillés au corps mais il ne cache pas une grande fatigue. "Ce n'est pas tant nerveux que physique, explique-t-il. Chaque geste me demande plus d'efforts qu'avant la course." Benoît Marie explique avoir tutoyé la ligne rouge. "J'ai parfois eu peur, même très peur lorsque je suis tombé dans les pommes cinq jours avant l'arrivée. J'ai vraiment cru que je n'avais pas les capacités physiques nécessaires pour la course, répète-t-il. Je suis resté 24 heures sur la défensive avant de reprendre mes moyens et de retrouver un comportement plus offensif." En route pour la dernière ligne droite. Le skipper a franchi la ligne d'arrivée à Pointe-à-Pitre ce dimanche après 18 jours, 13 heures, 1 minute et 5 secondes de navigation, à 8.25 nœuds de moyenne, pour sa première victoire en solitaire. « C’est un rêve de quinze ans qui se réalise, apprécie le jeune marin. J’avais dix ans quand mon entraîneur d’optimist m’a parlé pour la première fois de la Mini-Transat, une course qu’il avait eu la chance de faire et qu’il considérait comme la plus belle de l’univers. Il m’a transmis sa passion et il a cru en moi. Alors, en 1999, j’ai été voir mon premier départ de Mini-Transat et j’ai dit à mon père : c’est ce que je veux faire plus tard. » Pour y parvenir, le jeune ingénieur a affronté deux ans de travail acharné et de sacrifices, à dormir dans un camion ou dans son bateau. " J’ai le sentiment que l’avenir ne peut être que plus facile ! assure-t-il. J’ai encore du mal à réaliser mais je sais que j’ai mis le pied dans l’antichambre de la course au large. Pour l’avenir, j’aimerais avoir la chance de vivre de la voile et de m'y consacrer à 200%."
Une course sans complexe
Considéré comme un sérieux outsider au départ de Douarnenez, Benoît Marie a su déjouer les pièges de l'Atlantique. « La première nuit en mer après Sada était assez select avec un vent fort et une mer formée. C’était bourrin. Alors je me suis dit : c’est n’importe quoi, il faut que tu préserves ton bateau car tu as encore 3.700 milles à parcourir jusqu’en Guadeloupe. J’ai enlevé mon spi, je suis resté à une douzaine de nœuds – ce qui était largement suffisant - en m'éloignant de la côte. Je me disais que les autres allaient sans doute prendre les devants mais qu’au moins je me protégeais d’un trop grand risque de casse. » Et dans les jours qui suivent, Benoît Marie constate que sa navigation en bon marin lui a été bénéfique. A hauteur de Lanzarote, il naviguait même dans le bataillon de tête. « En passant les Canaries derrière deux pointures de la course au large, j’ai perdu tous mes complexes ! » Il le note dans son carnet de bord et file vers la Guadeloupe. Les observateurs suivent alors un duel haletant mais Benoît Marie explique n'en avoir pas eu conscience. « Depuis trois jours, je n’avais plus de positions, explique-t-il à l’arrivée. Je savais que j’étais bien placé, que mon bateau allait vite à ces allures. Je me suis surtout efforcé de faire des trajectoires propres, de ne rien lâcher… Il fallait surtout ne rien avoir à regretter. » Le marin n’a appris sa victoire que dans la baie de de Pointe-à-Pitre, grâce à un bateau de spectateur. Il devance donc de moins de trois heures, Giancarlo Pedote, donné grand favori et meneur de la flotte sur la quasi-totalité de la transatlantique. Mais ce dernier a été handicapé par la casse de son bout-dehors sur la dernière ligne droite. « Je sais que Giancarlo Pedote a souffert de son avarie mais je n’ai pas été épargné par la casse », répond Benoît Marie. Soucieux de préciser qu’il a mené son projet seul, il concède toutefois avoir profité des conseils avisés des techniciens de son environnement professionnel l’équipe de Jean-Pierre Dick (Absolute Dreamer). « J’ai eu de la casse mais j’ai pu tout réparer. »
Désormais au soleil de Guadeloupe, Benoît Marie met son succès sur le compte de son attitude positive, indispensable pour affronter un départ reporté d’un mois en raison d’une météo capricieuse. Le jeune marin admet avoir parfois pensé que le départ n’allait jamais être donné. « L’attente pouvait être fortement démobilisatrice et plus on attendait, plus c’était dur de se mettre en mode course. J’ai vraiment pris soin de ne jamais me disperser. » Cette force lui a permis de gagner une course mythique. "J’ai savouré chaque minute, a-t-il commenté à l'arrivée en Guadeloupe. J’ai navigué 3697 milles au portant, j’ai juste fait du près pour sortir de Sada. C’était absolument jouissif." Il se souviendra longtemps des tortues, des dauphins et des surfs à 20 noeuds.