
Franck Cammas, Michel Desjoyeaux et Olivier de Kersauson ont lancé ce mecredi une équipe française pour la Coupe de l'America. Les trois compères sont bien décidés à battre les Américains, détenteurs du trophée, sur leur propre terrain de jeu.
La Coupe de l'America, dont la dernière édition s'est jouée en septembre dernier, attire les marins du monde entier. C'est une compétition qui se joue en équipage, entre deux finalistes (le tenant du titre et le challenger), selon les règles décidées par le précédent vainqueur. Après des années de longs monocoques, la Coupe de l'America est passée aux multicoques à foils qui semblent voler au-dessus de l'eau et atteignent des vitesses impressionnantes. Plus de 80 kilomètres / heure. C'est un défi à la fois sportif et technologique. Comme le rappelait Franck Cammas le soir de son sacre de marin de l'année, la compétition est considérée comme la plus difficile à gagner. Et à ce jeu, les anglo-saxons sont considérés comme les meilleurs. La Coupe est ainsi restée entre les mains des Américains d'Oracle. Mais le trio de marins réuni ce mercredi pour lancer l'équipe française est bien décidé à ramener le trophée en France.
Pour cela, les trois hommes vont devoir trouver 20 millions d'euros par an minimum, "pour partir et être performant". C'est la somme nécessaire à une équipe de 80 personnes, marins et ingénieurs. Les chiffres de la Coupe de l'America donnent le vertige. "Mais ce genre de budget est remis quasi-intégralement dans le circuit économique, assure le trio. Les équipes vont créer un savoir-faire qui ne sera pas perdu. Et nous organiserons l'édition suivante si nous ramenons la Coupe en France." Les trois créateurs devront aussi convaincre les marins et les ingénieurs tricolores, qui ont travaillé avec les deux équipes du dernier duel, de rester en France. "Nous avons la chance d'avoir déjà travaillé avec nombre d'entre eux par le passé, réagit Franck Cammas. Beaucoup de cerveaux français sont prêts à faire des efforts, y compris financiers, pour partir sur un défi français."
Trois hommes pour mener une équipe
La France a déjà connu des projets enthousiastes, des défis tricolores en route pour la bataille, mais elle n'a jamais réussi à inscrire ses couleurs au prestigieux palmarès. Est-ce que l'équipe présentée ce mercredi dispose de meilleurs atouts ? "A nous trois, nous avons plus d'une dizaine de bateaux construits" lance Franck Cammas en ouverture de la présentation. Le navigateur, récemment sacré marin de l'année pour la deuxième fois consécutive, est à l'initiative du projet et devrait prendre la tête de l'équipage à venir. Il a déjà grimpé à bord d’Oracle en 2009 et de Luna Rossa en 2012. "Aujourd'hui, les meilleurs talents de la voile olympique qui ambitionnent une carrière partent vers la course au large en solitaire. Nous avons toute une filière à créer." A ses côtés, on retrouve une autre légende du large, un passionné de technologie, Michel Desjoyeaux. "La Coupe de l'America est une forme d'aboutissement pour un sport mécanique comme la voile, commence-t-il. Je ne pense pas forcément devenir équipier car je crois qu'il y a déjà des gens qui font ça très bien. Mais la conception me passionne." Le navigateur a récemment essayé de préparer un bateau pour la petite Coupe de l'America (Classe C). "En France, nous devons être fiers de nos talents." Enfin, dernier compère du trio, Olivier de Kersauson semble plus en retrait. Grand connaisseur du multicoque, passionné par la Coupe depuis plusieurs années, Olivier de Kersauson rappelle qu'une nouvelle génération a envie d'attaquer. "Cela vaut le coup de se donner', assure-t-il. Son rôle dans l'équipe ? "Donner une vision d'ensemble", explique Franck Cammas. Stéphane Kandler, qui dirigeait le défi français Areva lors de la 32e Coupe de l'America, en 2007, est également de la partie.
Un projet à la longue vue
L'équipe a les yeux rivés vers 2017, la date potentielle de la prochaine coupe. Mais les détails de la 35e édition, organisée par les tenants du titre américains, n'ont pas encore été dévoilés. On sait toutefois qu'elle devrait se tenir à San Francisco, stade nautique de la précédente édition. Elle devrait aussi conserver les embarcations si spectaculaires utilisées cette année. Les fondateurs de l'équipe française sont confiants. "Nous avons déjà l'impression de nous lancer trop tard car on veut toujours plus de temps, explique Michel Desjoyeaux. Mais si nous ne sommes pas prêts pour 2017, nous préparerons la suivante. On ne s'arrêtera pas." L'équipe est soutenue par le sponsor de Franck Cammas, Groupama: "C'était toujours implicite entre Franck Cammas et nous, maintenant c'est explicite." Mais ce sponsor ne suffira pas. Canal +, par la voix de son président, a également annoncé son soutien. Le groupe audiovisuel, diffuseur de l’America’s Cup, contribuera à susciter l’adhésion autour du projet, en diffusant notamment l’an prochain le circuit des Extreme Sailing Series, sur lequel on devrait retrouver, entre autres, Emirates Team New Zealand (challenger 2013), Franck Cammas, Ben Ainslie (tacticien d'Orcle, vainqueur, sur l'édition 2013) et Artemis. À noter également le soutien du Yacht Club de France mais également de Bruno Luisetti, ex-PDG de Mondelez International et du banquier Erik Maris. Idem pour Bruno Bich, fils du fondateur de l'empire Bic. Ce dernier apportera sa connaissance du sport américain. "Ce que le public regarde, c'est comment l'équipage se tient, sa volonté de vaincre, précise-t-il. Les Américains sont sensibles au travail d'équipe." Pour convaincre les investisseurs, il assure: "Si nous montrons aux Américains que nous sommes les meilleurs sur cette compétition, considérée comme la meilleure, ils auront beaucoup de respect. Et cela sera favorable aux marques qui les ont suivis." Avis aux amateurs.