ARKEA ULTIM CHALLENGE : entretien exclusif avec Guillaume Rottée, directeur de course

carte de la course Arkea Ultim en direct

Le départ n'a jamais été aussi proche ! A quelques jours du coup d'envoi de l'ARKEA ULTIM CHALLENGE à Brest (le 7 janvier 2024), la pression monte, mais aussi l'excitation, pour les skippers et leurs teams, l'organisation et la direction de course. Derniers réglages, briefings météo, organisation du jour J... Entretien avec Guillaume Rottée, directeur de cette course qui s'annonce d'ores et déjà exceptionnelle.

Figaro Nautisme : A quelques jours du départ, quels sont les derniers points à régler ?

Guillaume Rottée : "Nous sommes en train de régler les derniers détails, les derniers ajustements de l’organisation. Je ne pourrais pas parler à la place d’OC Sport sur l’organisation terrestre, nous c’est l’aspect maritime qui nous concerne. On ajuste les timings sur l’organisation interne de la direction de course, en lien avec les différents prestataires qui vont travailler à nos côtés. Nous complétons le contenu exact des briefings... et de multiples autres détails afin de bien anticiper tous les éléments."

Figaro Nautisme : Avez-vous prévu plusieurs scénarios si le départ devait être décalé ?

Guillaume Rottée : "Oui nous avons évoqué les différents scénarios possibles, en collaboration avec l’autorité organisatrice (OC Sport) et la Fédération Française de Voile. De notre côté, nous nous adapterons. Par contre l’organisateur a des contraintes logistiques et médiatiques qui imposent un cadre plus restrictif.. On a parlé des différents scénarios possibles et notamment celui d’avancer ou retarder le départ si besoin (principalement au vu de conditions météorologiques très dégradées). Aujourd’hui, on s’est donné la possibilité d’avancer éventuellement d’une journée. Et de retarder de plusieurs jours. On peut facilement décaler et remettre en place le dispositif départ sans trop de conséquences sur l’évènement jusqu’à 3 à 4 jours, un peu dans le même esprit que la dernière Route du Rhum - Destination Guadeloupe. Pour cette course c’est un peu moins compliqué car il y a moins de bateaux, néanmoins on parle tout de même d’un tour du monde en solitaire donc pour les Teams c’est plus complexe, surtout si le départ est avancé. 24h de moins dans la préparation peuvent avoir un impact important pour certains !"

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© OC Sport Pen Duick

Figaro Nautisme : Combien êtes-vous à la direction de course ? Comment êtes-vous organisé pour suivre la course h24, 7j/7 ?

Guillaume Rottée : "On fonctionne comme sur un bateau, avec des quarts. Nous sommes quatre dans la cellule direction de course. Il y en aura toujours deux en permanence à Brest pour le suivi, un troisième qui assurera un quart délocalisé depuis chez lui, et un quatrième qui sera « off » de temps en temps. Les quarts se passent à trois et celui qui est « off » est quand même disponible si urgence... on n’est jamais vraiment en dehors de la course en réalité ! Nous sommes obligés d’avoir cette organisation car la course va être longue et on doit assurer le suivi 24h/24 des bateaux. Je choisis toujours des gens avec qui j’ai envie de travailler et l’équipe se doit d’être complémentaire. La gestion de la prise de décision se réalise d’abord sur une consultation dans un premier temps. Je prends les différentes informations et avis des gens qui ont des compétences que je n’ai pas, citons par exemple la météo (METEO CONSULT) ou la définition des zones d’exclusion relatives aux zones de glaces. Une fois que j’ai mené cette consultation, je valide la décision avec mon équipe et je prends effectivement la décision finale."

Figaro Nautisme : Est-ce qu’il y a des segments de parcours qui sont plus délicats, qui vous inquiètent plus que d’autres ?

Guillaume Rottée : "Oui : le passage du Cap Horn. Car la zone des glaces à ce niveau est très nord, et le continent sud-américain s’étend très sud, elle amène donc la flotte dans un goulet relativement étroit et contraint les options. Combiné aux conditions météorologiques dans le grand sud avec des conditions de vent et de mer souvent tempêtueuses s’avère sans doute le point le plus délicat à ce stade de la réflexion.."

Figaro Nautisme : La zone des glaces peut-elle être amenée à évoluer ?

Guillaume Rottée : "Nous travaillons en étroite collaboration avec CLS (notre prestataire sur ce sujet) et ce sont eux qui définisent la limite des glaces grâce à leurs modèles de dérive, associé à leurs outils de détection, et leur analyse. On peut la faire évoluer mais jusqu'à une certaine limite pour ne pas mettre les bateaux et les skippers en danger. Il faut quand même que l'on mette des marges de sécurité. S’il y a des détections d’icebergs qui sont faites au-delà des zones pré-définies, on re-définira les zones pour ne pas exposer les marins. "

Figaro Nautisme : Quelle est votre relation avec les Teams, à quel moment intervenez-vous en cas de problèmes, de dangers ?

Guillaume Rottée : "Derrière nos écrans, on peut détecter un certain nombre d’incidents qui pourraient se passer à bord, principalement en détectant une anomalie de cap et/ou de vitesse.... Le skipper privilégie les échanges avec son équipe à terre qui va ensuite nous informer que le bateau rencontre des problèmes. On échange beaucoup avec les équipes, plus qu’avec les skippers.

En cas de détresse avérée, et une fois que le skipper a déclenché la détresse, c'est un autre process : ni son équipe ni l’équipe direction de course n’avons la main sur la gestion de la détresse. On entre dans le système international de sauvetage en mer. Ce sont les MRCC (Maritime Rescue Coordination Centers) qui sont les centres opérationnels d’organisation des secours en mer (dénommés CROSS en France) qui vont coordonner, et gérer le sauvetage du skipper. Nous intervenons alors comme consultants pour apporter des infos complémentaires et notre expertise à ces organismes peu habitués à l’étranger aux courses océaniques en solitaire. Notre interlocuteur direct est le CROSS Gris-Nez qui s’occupe de la coordination avec les différents MRCC dans le monde."

Figaro Nautisme : Avez-vous un pronostic de temps pour le 1er ?

Guillaume Rottée : "Je pense que le record de François Gabart (ndlr : 42 jours 16 heures 40 minutes et 35 secondes) n’est pas vraiment accessible car il a réalisé son record dans des conditions météo exceptionnelles, avec une fenêtre de départ choisi (ce qui ne sera pas le cas pour l’Arkea Ultim Challenge). Néanmoins si toutes les planètes s’alignent, pourquoi pas ! Mais raisonnablement, je pense qu’il faut se projeter entre 50 et 55 jours de course. 50 jours me semblent bien si les bateaux ne rencontrent pas trop de problèmes. La route va être longue, pour la majorité des skippers c’est la première fois qu’ils abordent une circumnavigation en solitaire sur des Ultims, donc c’est assez difficile à dire. On souhaite déjà que les 6 bateaux finissent la course à Brest, ce serait déjà une immense performance. C’est l’objectif premier de chacun des skippers aujourd’hui, nous parlons d’une course pionnière et inédite.."

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Le trophée de l'ARKEA ULTIM CHALLENGE - Brest© Jean-Louis Carli

Figaro Nautisme : A titre personnel, quelle est la motivation qui pousse à accepter ce rôle de directeur de course ?

Guillaume Rottée : "Je ne sais pas (rires). Avant tout, je dirai, comme toute l’équipe de la direction de course, que c’est parce que nous sommes des passionnés. Cela fait plus de trente ans qu’on est dans ce milieu, et ces courses, ces défis, nous passionnent. Mais des fois tu te poses toutefois la question "Mais pourquoi ?" car il y a dans toutes les organisations des obstacles, des difficultés, des coups durs mais je pense qu’on est tous pareils, on se pose des questions face à l’adversité. Mais au final quand c’est fini on est toujours content, et puis on se dit qu’on en referait bien une autre, parce que c’était riche et intense !"

Figaro Nautisme : Quel est votre pire souvenir en direction de course ? Le meilleur ?

Guillaume Rottée : "Pour le pire souvenir, le dernier en date, c'est la dernière Route du Rhum - Destination Guadeloupe. Mais la perte de la vie humaine, c'est évidemment le pire scénario... Après il y a toujours des évènements malheureux sur les courses mais c’est l’enchaînement des situations qui n’est jamais agréable à vivre surtout lorsqu'il y a beaucoup de concurrents. Certains passages sont difficiles alors lorsqu’il y a 7, 8 même 10 situations de crise simultanées, cela induit beaucoup de stress et de fatigue, ce n’est jamais agréable.

Quant au meilleur souvenir, j’aurai du mal à en identifier un. Je dirai qu'à chaque fois qu’une situation de crise se finit bien et que tout le monde est arrivé à bon port c'est une véritable satisfaction. Et puis c’est toujours agréable d’entendre dire que le public n'a rien vu, qu'il a eu l'impression que tout s'est bien passé. Cela veut dire que l'évènement a été sympa à regarder et à suivre de l'extérieur. La satisfaction du travail bien fait finalement."

Figaro Nautisme : La mise en place de zones de protection des cétacés est une grande première ! Pouvez-vous nous en dire plus ?

Guillaume Rottée : "C’est une grande nouveauté dans la course au large. Certes nous avons parfaitement conscience que ce n’est pas l’idéal par rapport à l’ensemble des recommandations qui ont pu être faites dans ce domaine-là mais c’est la première fois qu’un organisateur le fait. C’est tout de même une grande avancée, c’est ce que je retiens. Que ce soit les teams, l’organisation ou la direction de course, nous avons été jusqu’au bout du process. Aujourd’hui sur la carte et dans le règlement de course sont inscrites les zones de protection des cétacés. Et c’est cela qu’il faut retenir. Plus que « elles ne sont pas assez grandes », « les bateaux ont des exceptions qui leur permettent de rentrer dedans » : oui c’est vrai mais en attendant, elles existent. C’est une prise de conscience de chacun de cette problématique de protection des cétacés mais aussi pour la sécurité des bateaux, pour diminuer le risque de collisions."

Plus que quelques jours avant le coup d'envoi de l'ARKEA ULTIM CHALLENGE depuis Brest, pour six marins de talent, qui s'apprêtent à vivre un tour du monde qui s'annonce exceptionnel. Avec METEO CONSULT, fournisseur météo officiel de la course, et Figaro Nautisme, nous suivrons de près cet évènement.

Meteoconsult marine
Partenaire météo officiel des plus grandes courses au large
L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max Billac
Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Denis Chabassière
Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…