Route du Rhum 2022 : 40 ans de moments forts, première partie
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1978 - 98 secondes pour une éternité
L’arrivée, la remontée du petit monocoque jaune sur le long cigare noir pour l’infinitésimal écart final, ont été immortalisé par la photo de Christian Février et ce titre de nos confrères de L’Equipe. La première édition réunit déjà tous les ingrédients qui feront de cette course un plat délicieusement épicé, dont on se régalera tous les quatre ans. Un suspens haletant, des combats d’homme à homme, de la technologie, de la démesure, et un final Hitchcockien. Malheureusement, l’édition 1978 aura aussi son volet dramatique avec la disparition mystérieuse d’Alain Colas à bord de Manureva. Comme si la course avait besoin de tremper sa plume dans nos larmes pour mieux imprimer nos mémoires.
1982 – Plié, repéré, gagné !
C’est l’image forte que peut-être vous gardez si vous étiez comme nous devant votre téléviseur, noir et blanc, jeunes lecteurs faites un effort d’imagination, pour suivre le départ de la deuxième édition : le prao Rosières de Guy Delage se repliant sur la ligne de départ, comme un vulgaire pantographe sur la table à dessin. Pour la première fois en course au large, les marins positionnés par satellite grâce à la balise Argos dont chaque bateau est équipé. Ce suivi permettant de raconter quotidiennement l’histoire de la course en général et de chaque participant en particulier, marquera un tournant dans la course au large qui ira vers toujours plus de professionnalisation. La médiatisation croissante attirant à chaque course de nouveaux sponsors. Mais le vainqueur en 1982 est déjà un grand professionnel, sponsorisé par Elf Aquitaine. Dès les premières vues d’hélicoptère lors de son arrivée on ausculte les poutres en aluminium que l’on sait fissurées. Mais l’homme et le bateau tiennent jusqu’au bout pour une victoire qui efface la mésaventure que le skipper a connu en 1978, contraint à l’abandon après avoir heurté un bateau spectateur au cap Fréhel.
1986 – Catamaran fatal
Fin d’après-midi du dimanche 9 novembre 1986, l’hélicoptère qui suit la course depuis le départ va faire demi-tour. En bas, sur l’eau, accroché à la grande barre à roue de son catamaran géant, Loïc Caradec se retourne et salue de la main. L’immense mât aile de Royale le surplombe et l’entraîne malgré lui. C’est la dernière image que nous aurons de lui. Malheureusement je n’ai pas pu faire l’acquisition de cette photo de Christian Février lorsque j’en ai eu l’occasion et je le regretterai toujours. Elle est à la fois magnifique et infiniment triste. Le 13 novembre, Florence Arthaud retrouvera le catamaran retourné, vide. Le gros temps a eu raison du maxi-catamaran mais pas de Philippe Poupon. Prudent septième en 1978, discret 9ème en 1982, il est, quatre ans plus tard, au sommet de son art. Fleury-Michon, sponsor fidèle, lui permet de construire un trimaran sur-mesure, sur les plans du génial Nigel Irens. Avec une préparation rigoureuse, une analyse météo inspirée, le sort en est jeté, deux jours après son arrivée, il n’y a toujours pas de second majesté !
1990 – La grande dame de l’Atlantique
C’était son année, sa course, son bateau, sa victoire, alors elle a écrit l’histoire, pour l’éternité. Perchée sur la coque de son trimaran doré, dans la lumière du soir Florence Arthaud entre en dans la baie de Pointe à Pitre comme on entre au Panthéon. Troisième, le jeune Laurent Bourgnon navigue sur un quasi-sistership, baptisé RMO. Avec leur flotteurs volumineux à la longueur maxi désormais limitée à 60 pieds (18.28m), les dessins VPLP ouvrent en cette année 90 une série de victoires toujours en cours. Le rusé Philippe Poupon, s’intercale entre les deux, sur sa fine libellule toujours signée Nigel Irens, et s’offre une belle deuxième place grâce à une option Nord qui confirme s’il en était encore besoin ses talents de stratège météo.
1994 – Prince Laurent 1er
Quatre ans après sa première participation, et une déjà très belle troisième place, le Suisse Laurent Bourgnon récidive et gagne. Il fait le poirier sur un flotteur, joue aux équilibristes sur une coque, ouvre les bras en V étendu dans la Grand-Voile, brandit deux feux de détresse transformés en signaux de victoire, les photographes se régalent ! Ainsi énoncé c’est comme une évidence. Pourtant la concurrence au départ était sérieuse. Le duel avec le Fujicolor de Loïck Peyron s’annonçait homérique…démâtage. Le milliardaire-aventurier Steve Fossett faisait planer une menace américaine à bord du bateau vainqueur aux mains de Florence Arthaud ? Relégué à plus de trois jours. Mike Birch ? Abandon. Claude Bistoquet l’enfant chéri du pays ? Chavirage. Ne restait plus que le regretté gentleman Paul Vatine, magnifique second sur Région Haute-Normandie.
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