Route du Rhum 2022 : 40 ans de moments forts, deuxième partie

1998 – Laurent Bourgnon en démonstration, Ellen MacArthur en initiation
Les doigts d’une main suffisent à compter ceux qui ont remporté deux fois la Route du Rhum. Quatre ans après sa première victoire, huit après son podium derrière Florence Arthaud et Philippe Poupon, Laurent Bourgnon est l’un des grands favoris de la course. Nous sommes à l’apogée des trimarans Orma de 60 pieds et ils sont bien une demi-douzaine à pouvoir l’emporter au départ de Saint-Malo. Alain Gautier qui finit 3 heures derrière seulement aurait pu rafler la mise, tout comme le jeune Franck Cammas qui complète le podium. Mais Laurent Bourgnon a mis tout le monde d’accord, par ses choix météo judicieux, à bord d’un trimaran qu’il n’a eu de cesse de faire évoluer, véritable laboratoire évolutif au fil des ans pour le cabinet VPLP. Du classement unique un peu confus, réunissant monocoques et multicoques, qu’ils soient de 50 ou 60 pieds, deux noms attirent l’attention : un an seulement après avoir participé à la Mini-transat, Thomas Coville est le premier monocoque à Pointe-à-Pitre sur l’Aquitaine Innovations que lui a confié Yves Parlier accidenté, et Ellen MacArthur, sur l’ancien 50 pieds de Pete Goss, termine devant bien des bateaux plus grands. Une Anglaise et un surdoué à suivre…
2002 – Et à la fin, s’il n’en reste qu’un…
L’organisation a bien choisi son année pour diviser la flotte en 6 classes distinctes. Résultat, le premier en Guadeloupe est une première. Il fallait suivre la petite Anglaise. Deux ans après un Vendée Globe de haut vol, et pour sa dernière course à bord de son 60 pieds de légende Kingfisher, elle remporte le classement Imoca et arrive devant les multicoques, il est vrai partis 24 heures plus tard. Mais surtout, la classe Orma des trimarans de 60 pieds a explosé en vol. Quinze abandons sur 18 partants, des bateaux retourné, éparpillés façon puzzle aux quatre coins du golfe de Gascogne, les images sont terribles. Le vent est monté à 75 nœuds, c’est d’abord l’apocalypse puis l’hécatombe. On frôle même le drame quand Jean Le Cam heurte de nuit, sans le voir, le Groupama de Franck Cammas retourné : « Mais qu’est-ce que tu fous-là ? » lance le breton abasourdi, à un Aixois qui ne l’est pas moins. Le plus malheureux d’entre tous est certainement le Suisse Stève Ravussin qui chavire à 800 milles de l’arrivée alors qu’il a 1800 milles d’avance sur le second. Celui-ci n’est autre que Michel Desjoyeaux, et si en plus du talent, il bénéficie d’un petit coup de pouce du destin, il ne se fait pas prier pour empocher à la barre du trimaran ‘Géant’ une victoire qui malheureusement sonnera le glas de ces bateaux. Marc Guillemot et Lalou Roucayrol complètent le podium. Il n’y aura pas de quatrième, tous les autres ont abandonné.
2006 – Le bon choix de Lionel
Il tiendra longtemps le temps de référence établi par Lionel Lemonchois sur Gitana 11 en 7 jours 17 heures et 19 minutes. Il réalise une trajectoire parfaite en se positionnant dès le premier jour à l’avant d’un front qui le propulsera jusqu’en Guadeloupe. Pourtant ce sont peut-être deux bateaux rouges qui resteront dans les mémoires de cette édition. Le premier est un trimaran de 50 pieds, le Crêpes Whaou de Franck-Yves Escoffier. Vainqueur en 2002 sur un bateau de 20 ans d’âge, le Malouin dispose cette fois d’une véritable petite bombe dessinée par VPLP et construit chez les orfèvres de CDK. Il ne se loupe pas et signe un doublé qui ne souffre aucune contestation. L’autre bateau rouge (et bleu), c’est Sill et Véolia, l’Imoca Roland Jourdain. Arrivé quelques minutes seulement devant son compère et néanmoins concurrent Jean Le Cam, comme au bon vieux temps de leurs années Figaro, on ne peut que se réjouir de la victoire du très sympathique ‘Bilou’.
2010 – Le temps des géants
Franck Cammas, s’est mis au vélo ! Non, ce n’est pas une plaisanterie, pour développer toute la force nécessaire et dompter les 32 mètres de Groupama 3, le surdoué de la voile s’est dit que ses bras n’y suffiraient pas. Il a beau avoir équipé d’un mât plus court (-3m), le modeste gabarit (1.7m) doit malgré tout, faire le travail habituellement dévolu à 10 équipiers. C’est ainsi qu’ils viennent de battre le record du tour du monde en équipage, portant le Trophée Jules Verne à 48 jours et 07 heures. Heureusement, Franck Cammas ne mettra que 09 jours et 03 heures pour relier St Malo à Pointe à Pitre, pour le retour des ultimes sur une course à nouveau éprise de liberté. Chez les Imoca, Roland Jourdain réalise le doublé, et Lionel Lemonchois s’offre lui la victoire en Multi50. Décidément, tout se que ce garçon touche se transforme en victoire ! Mais 2010, c’est aussi le succès grandissant de la Class40 qui voit son nombre de participants passer de 25 à 45 en 4 ans. Le vainqueur ? Un certain Thomas Ruyant. Nicolas Troussel est second et le quatrième s’appelle Sam Manuard. Skippers et architecte, ils font aujourd’hui l’actualité de la classe Imoca.
2014 – Peyron s’invite, Gabart confirme
A quoi tient une victoire ? À un accident domestique parfois. La victime en l’espère est l’infortuné Armel le Cléac’h. Trouver en quelques semaines, un marin capable de le remplacer et mener son Maxi Solo Banque Populaire VII, qui n’est autre que l’ancien Groupama 3, n’est pas chose facile. C’est simple il n’y en a sans doute qu’un. En vieux loup de mer plus qu’expérimenté, c’est Loïck Peyron qui s’y colle, et avec maestria en plus. En tête de bout en bout, il ne laisse que des miettes à ses adversaires, reléguant le second 14 heures derrière, en seulement un peu plus de 7 jours de course. Cette édition est décidément le temps des confirmations, car en Imoca, c’est François Gabart, vainqueur en titre du Vendée Globe qui s’impose. En Multi50 Erwan Le Roux fait le show quand du côté des Class40, c’est un certain Alex Pella, qui tourne actuellement autour du monde, à l’envers sur le trimaran « Use it again », qui l’emporte. Mais l’image la plus forte qui nous reste peut-être de cette édition, c’est Anne Caseneuve. Première de la classe hétéroclite sur son trimaran Aneo, ce sera sa dernière course. Un an plus tard, elle quittera les flots tôt, sans doute pour naviguer loin de nos yeux, mais pour toujours dans les cœurs.
Dans notre prochaine parution, revivez l’édition 2018 avec un focus sur toutes les classes.