Route du Rhum 2022 : deux classes pour gentlemen skippers

Retrouver l’esprit pionnier, garder la course abordable pour des amateurs éclairés aux budgets raisonnables, garder une place pour les plus belles unités qui nous ont fait rêver, tels sont les principes qui semblent avoir prévalu au lancement de la classe Rhum lors de l’édition de 2010. Elle regroupe alors en une seule catégorie, monocoques et multicoques. Si elle a cette année-là un peu des allures de fourre-tout, c’est qu’elle regroupe les quatre classes qui, lors de l’édition précédente, n’avaient au total réuni que 17 participants. Avec 11 skippers pour une seule catégorie, au départ quatre ans plus tard, le plateau est plus consistant, même si très hétérogène. Il va du petit monocoque de 12 mètres du benjamin de la course Joris de Carlan (22 ans), au trimaran Acapella de Charlie Capelle, en passant par des monocoques de 50 pieds. Ce sont d’ailleurs deux Open 50 qui l’emportent, le « Vento di Sardegna » de l’italien Andrea Mura finissant devant le français multirécidiviste Luc Coquelin. En 2014, ils sont vingt cette fois sur la ligne de départ. Cette croissance semble prouver la pertinence du règlement, mais n’autorise pas encore les organisateurs à séparer les monocoques des multicoques. Cette fois, le trimaran de la regrettée Anne Caseneuve arrive le premier, trois jours devant le même Andrea Mura sur une seule coque.
Croissance du nombre des participants ? Distorsion de concurrence entre monos et multis ? C’est sans doute un peu des deux raisons qui, en 2018, poussent les organisateurs à scinder la catégorie Rhum en deux. Evolution logique mais attendue, ils sont cette fois 21 multicoques et 17 monocoques à répondre à l’appel. Les premiers doivent avoir une longueur comprise entre 35 et 65 pieds, et acceptent parmi eux les plus anciens des Multis 50. Le plateau est relevé, bien que composé d’unités très différentes, entre anciens bateaux de course, catamarans de série performants (Outremer, TS de Marsaudon Composites) et Golden Oldies skippés par des légendes de la voile tels Loïck Peyron ou Charlie Capelle. Sur la première marche du podium à l’arrivée, l’habitué Pierre Antoine sur son trimaran de 50 pieds Olmix, met tout ce petit monde d’accord. Les monocoques eux, doivent faire plus de 39 pieds, et incluent les Class 40 ou les Imoca de plus de 10 ans sans certificat de jauge. On retrouve ici de vieilles connaissances : Andrea Mura, malheureusement contraint à l’abandon, tout comme Bob Escoffier. Sont également au départ de St Malo, les anciens du Vendée Globe, Eric Bellion, auteur du très beau film « Comme un seul homme », Sébastien Destremeau, ou encore des amateurs très éclairés, tel Dominique Dubois le patron du chantier Multiplast. C’est le français Sydney Gavignet sur « Café Joyeux » qui, avant de refermer la descente sur trente ans de course au large, ajoute une dernière ligne victorieuse à un énorme palmarès.
Pour cette prochaine édition, OC Sport Pen Duick et son nouveau directeur de course Francis Le Goff, doivent faire face à un grand nombre de potentiels inscrits dans toutes les classes. Aussi, un nombre maximum de participants a-t-il été fixé par catégorie. Pour la classe Rhum, ce sera 12 monos et 12 multis pas plus, à priori. Si la liste des inscrits officiels n’est pas encore dévoilée, on sait que plusieurs grands noms de la voile océanique veulent en découdre. Roland ‘Bilou’ Jourdain et son Outremer 5X Explore sur lequel il expérimente à grande échelle la fibre de lin pour remplacer le verre, Gwen Chapalain et Halvard Mabire sur des ORC 50 (ex-TS de Marsaudon Composites) extrêmement pointus, fourbissent leurs armes. Des bateaux de légende devraient également être présents : l’ancien Dupon-Duran, trimaran de 50 pieds de Pascal Herold, le BlackCap de Thierry Roger, sistership jaune lui aussi du mythique trimaran de Mike Birch dessiné par Dick Newick. Moxie, le trimaran du même architecte, construit par le non moins célèbre Walter Greene et mené à la victoire dans la transat anglaise par Phil Weld en 1980, devrait bien en être également, avec Thomas Lurton à la barre. A leurs côtés, ils seront une bonne vingtaine donc, entre amateurs éclairés et marins professionnels prenant du recul pour mieux retrouver leur passion, à ambitionner d’être les premiers à goûter au Rhum Guadeloupéen. Jamais une classe n’a aussi bien porté son nom.