Route du Rhum 2022 - Destination Guadeloupe : neuf bizuths dans le vent en Imoca
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Bien sûr il y a cet aléa météorologique qui, comme lors du dernier Vendée Globe, fait que les vieux bateaux à dérives droites font mieux que résister aux foilers de dernière génération. Néanmoins, plus d’un suiveur assidu a dû s’assurer de sa bonne vision en découvrant les classements de la Vendée-Arctique ces dernières heures. Aux deux premières places, deux trentenaires aux parcours d’aventuriers sèment la zizanie et renvoient au fond de la classe les bons élèves qui ont suivi la filière classique Mini-Figaro-Class40. Benjamin Ferré (31 ans) et Guirec Soudée (30 ans) ne s’embarrassent pas de conventions et ne font rien comme tout le monde. Si le premier a bien « passé sa Mini d’abord », c’était il y a seulement trois ans. Une aventure qu’il termine à une jolie troisième place, mais qui aurait pu être sans lendemain, ne venant que compléter un inventaire à la Prévert de défis un peu dingues, du 4L Trophy en 2010 à une transat sans GPS et en autonomie énergétique en 2015, en passant par un tour du monde en stop en 2012-2013. Dans le style tête brûlée mais ayant de la suite dans les idées, il devrait bien s’entendre avec Guirec Soudée. Après un tour du monde par les pôles, pas tout à fait en solitaire car accompagné de sa poule Monique, le jeune breton a enchaîné avec une transatlantique à la rame.
N’ayant peur de rien, ils séduisent les sponsors, notamment le très convoité Freelance.com, ce qui ne va pas sans faire grincer quelques dents dans les milieux autorisés, plusieurs skippers talentueux restant aux portes de la classe faute de moyens. Guirec Soudée a ainsi pu racheter le Water Family de Benjamin Dutreux, 9ème du dernier Vendée Globe, un plan Farr bien né passé entre des mains aussi prestigieuses que celles de Roland Jourdain ou Alex Thomson. Benjamin Ferré a lui hérité du bateau ayant l’un des plus beaux palmarès de la voile en soixante pieds puisque d’abord Macif, puis SMA et enfin Banque Populaire X. Autant dire qu’avec son plan VPLP rebaptisé Monnoyeur - Duo for a job, Benjamin Ferré en a sous le pied. Encore faut-il s’avoir exploiter ces fantastiques machines lorsque l’on est encore peu expérimenté. Mais là encore, les impétrants savent bien s’entourer : l’inégalable Jean Le Cam pour Benjamin, le grand (dans tous les sens du terme) Seb Audigane pour Guirec. Pas très loin derrière le duo irrespectueux, Sébastien Marsset trace son chemin en toute sérénité. En effet, s’il s’agira de sa première année en Imoca sous son seul nom, le parisien de naissance a, au contraire de ses congénères, un CV océanique long comme un jour sans vent. S’il a bien commencé par la mini-transat comme l’exige (presque) le règlement, il a ensuite suivi un cursus brillant, passant par un tour du monde sur le maxi-trimaran Spindrift, deux Volvo Ocean Race - la course autour du monde en équipage - et la dernière transat Jacques Vabre avec Romain Attanasio. Il est lui aussi à la barre d’un plan Farr, l’ancien Delta Dore de Jérémie Beyou.
En « première année Imoca » lui aussi, on en sait beaucoup moins sur Nicolas Rouger, seulement qu’il finance son projet de manière originale, via l’art, sa grand-voile se faisant tableau pour l’artiste peintre Hervé Di Rosa. Xu Jingkun est lui un marin Chinois très expérimenté, de l’olympisme au tour du monde avec le projet Qindao Dream. Prenant la suite, son 60 pieds, l’ancien Brit Air d’Armel Le Cléac’h et La Fabrique d’Alan Roura, est logiquement baptisé China Dream. Le jeune Britannique James Harayda (24 ans) a quant à lui très vite appris aux côtés de sa mentor Dee Caffari et mènera un plan Finot-Conq de 2007 connu sous le nom d’Hugo Boss à sa mise à l’eau. Autant dire que les deux parleront bien la même langue. Malgré l’absence de son habituel ambassadeur, le célèbre couturier est d’ailleurs lié à de nombreux skippers de cette prochaine Route du Rhum, à l’image du Suisse Ollie Heer, Boat Captain du dernier bateau d’Alex Thomson. Croisement des destinées, c’est lui et non Sébastien Marsset qui a racheté l’ancien bateau de Romain Attanasio, un plan Farr de 2007 construit en Nouvelle Zélande pour Loïck Peyron, alors au sein du team Gitana. C’était juste un an avant la mise à l’eau du bateau que mènera Tanguy Le Turquais vers Pointe à Pitre à l’automne prochain. Le trentenaire au parcours sans faute entre Mini et Figaro semble malheureusement moins à l’aise dans la chasse aux sponsors. Au point de devoir louer son fier navire, l’ancien Apicil de Damien Seguin, à La Banque Populaire pour les courses d’avant-saison. Enfin, la Route du Rhum n’aurait pas la même saveur sans skipper Guadeloupéen. Mais après deux éditions en Class40, Rodolphe Sépho passe chez les grands avec son 60 pieds Owen Clarke. Il a pu le prendre en mains aux côtés d’Arnaud Boissières, son précédent propriétaire, lors de la Transat Jacques Vabre 2021.
Météo favorable ou non, ces neuf concurrents vont partir le couteau entre les dents, et avec leur fraîcheur, leur absence totale de complexes, la confiance gagnée tout au long des milles de qualification, ils pourraient bien créer la surprise. Dans tous les cas, on peut compter sur eux pour animer les débats entre Saint-Malo et Pointe-à-Pitre !