Route du Rhum – Destination Guadeloupe : Ian Lipinski, favori avec humilité

Par François TREGOUET

55 skippers au départ et une bonne dizaine de « favoris », les Class40 font le bonheur des bookmakers. Premier à nous avoir reçu à bord de son monocoque, Ian Lipinski. Intenable en Mini 6.50 (19 victoires et 2 podiums en 21 courses disputées) il n’est pas loin de faire aussi bien depuis quatre ans en Class40. Il arrive sur cette Route du Rhum avec un bateau lancé en 2019 et donc à parfaite maturité.

Il pleut des trombes d’eau ce matin-là sur Saint-Malo mais il est à l’heure au rendez-vous. Le premier de son équipe à rejoindre son bateau au ponton. Il nous invite en toute simplicité à nous réfugier à bord. Il n’enlève ni bonnet ni blousons, ce n’est pas le moment d’attraper froid, mais son regard bleu perçant dit toute l’attention qu’il porte à nos questions, trahit une détermination qui n’empêche pas une vraie humilité. En tous cas il se livre sans retenue ni langue de bois, sur son parcours, ses ambitions, et même ses doutes parfois.

Son parcours :

« J’ai commencé la course au large en 2012, pendant six ans j’ai couru sur des Mini 6.50 sur trois bateaux différents pour trois Mini-Transats. En 2013, j’ai chaviré, c’était un peu compliqué. La deuxième je l’ai gagnée en série, la troisième en prototype. Après j’ai rencontré le Crédit Mutuel et on a construit ce Class40 avec lequel j’ai gagné la Jacques Vabre en 2019 et puis j’ai fait pas mal de podiums et de records depuis trois ans que je cours sur ce bateau. »

La Route du Rhum :

« Contrairement à d’autres, ce n’est pas un rêve de gosse. J’étais plutôt en région parisienne à jouer au rugby, donc je ne suivais pas spécialement ça petit. C’est plus une suite logique de parcours. Après c’est une des très belles et grandes courses qui nous sont proposées, qui a lieu seulement tous les quatre ans donc une certaine rareté, une effervescence assez incroyable, un suivi médiatique qui va bien au-delà de ce qu’on a l’habitude donc ça rajoute un peu d’enjeu et de pression. C’est le clou de notre projet de quatre ans avec le Crédit Mutuel, LA grande course sur laquelle on aimerait faire bien. »

La concurrence :

« Je vais forcément en oublier car ils sont nombreux, entre ceux avec qui je m’entraîne, les très bons figaristes, les cadors de la Class40, et même des petits nouveaux comme Ambrogio Beccaria…Il y en a beaucoup alors il faut se concentrer sur soi, il n’y a personne à marquer, nous sommes trop nombreux à viser les belles places, donc ça va être un gros match. »

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© Photo Christophe Breschi / Crédit Mutuel

Son bateau :

« Il a été dessiné par David Raison, l’idée étant de transposer le concept de scow qu’il avait développé en Mini. J’avais gagné beaucoup de courses sur ce proto en scow et donc on a amené ça sur la Class40. Par rapport aux 25 ou 30 scows qui ont été construits depuis trois ans, notre point fort, c’est la polyvalence avec pas beaucoup de trous. Le gros point fort, c’est le portant soutenu dans de la mer où là on va vraiment très vite. Malheureusement il n’y en a pas trop de prévu la première semaine ! C’est un bateau qui est plutôt robuste, marin donc il reste compétitif sur cette course j’en suis sûr. »

Son objectif :

« L’objectif sportif, c’est de faire la meilleure place. Ce n’est ni de l’arrogance ni de la prétention de dire qu’on veut jouer la gagne, mais le projet est monté pour ça. J’ai envie de jouer aux avant-postes, pour ça, il ne faut pas se faire décrocher au début. Là où je serai déçu c’est si, pour X raisons, je n’arrive pas à jouer devant. Après, c’est une course, il peut se passer plein de choses… Les sous-objectifs c’est donc de réussir à prendre du plaisir, ne pas oublier qu’on a une chance inouïe de participer à cette course, ce n’est pas donné à tout le monde. Il faut savoir s’en réjouir et ce n’est pas toujours facile en mer de garder dans un coin de la tête que c’est une chance, qu’il faut y trouver du plaisir. D’ailleurs la performance passe souvent par ce côté-là. L’autre sous-objectif c’est la gestion des émotions. Parfois, on se laisse un peu emporter, avec la fatigue, dans des émotions hautes ou basses. Réussir à lisser tout ça c’est important et c’est pour moi parfois une difficulté. Donc arriver à maîtriser un petit peu, ça serait une petite victoire pour moi. Si ça se passe mal, ne pas broyer du noir pendant deux semaines, se dire que c’est comme ça, qu’il faut continuer de naviguer propre et en tirer du plaisir.»

Son état d’esprit* :

« Une petite pointe d’appréhension, comme j’ai souvent avant de partir en mer, vis à vis de la situation météo qui s’annonce musclée sur les premiers jours de course. De toutes façons, c’est la Route du Rhum, c’était quand même assez probable qu’on parte dans ce type de conditions. Ça va être du près pendant quatre, cinq, six, sept jours, je ne sais pas exactement, mais ça ne va pas être très rapide, ça va être penché et mouillé. Comme l’a dit Michel Desjoyeaux dans une déclaration il n’y a pas longtemps, « la Route du Rhum ça se mérite ! » et bien là, ça va encore être le cas. »

L’après Rhum :

« On a annoncé avec le Crédit Mutuel qu’on partait sur un nouveau projet de quatre ans en Class40 pour viser la Route du Rhum 2026 avec la construction d’un nouveau bateau avec David Raison, en partant de ce bateau qu’on adore. Mais forcément c’était le premier bateau de David Raison en Class40, moi aussi je n’avais pas d’expérience dans cette classe. Donc on va se servir de tout ce qu’on a pu engranger comme expérience depuis quatre ans pour essayer de faire un bateau encore meilleur et être compétitifs jusqu’en 2026. »

* NDLR : l’interview a été réalisée avant le report du départ.

Sa réaction au report du départ :

« Je tiens à saluer la décision raisonnable de la direction de course et de l’organisation de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe. C’est une preuve d’humilité de renoncer à partir en mer quand les conditions sont dangereuses. On va pouvoir se livrer à une belle et vraie course en décalant ce départ. »

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…