Le Vendée Globe reste « le summum du défi », selon Titouan Lamazou
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Comment a évolué le Vendée Globe en trente ans ?
"La principale différence, ce sont les progrès de la communication numérique. A l'époque, les organisateurs avaient peur qu'on parte en mer et que tout le monde nous oublie. Les bateaux étaient équipés de systèmes pour faire de la vidéo qu'on enregistrait sur cassettes et disquettes. Ils voulaient instaurer des points de passage proches des terres pour qu'on jette nos cassettes dans des pochons sur des bateaux, mais on a refusé. J'ai fait 1,5 cm de film en trois mois. Comme on utilisait le service radio pour entrer en contact avec la terre et que ça ne marchait pas très bien, les taiseux comme moi pouvaient toujours prétexter un problème technique. Aujourd'hui, les skippers sont presque obligés de faire du direct à la télé tous les jours, mais ils ne sont pas partis pour faire de la com'! Déjà en 1989, je disais qu'il fallait laisser une part d'imaginaire dans la tête des gens. Parfois ça n'a pas grand intérêt de communiquer, trop de com' tue la com'. Le Vendée Globe est devenu une machine de communication très efficace."
En quoi la première édition était-elle différente ?
"Ça reste la même course. Ce sont toujours des mecs qui partent en mer tout seuls sur un bateau de 18 mètres avec comme règle première, un bateau uniquement mu par la force du vent et de l'équipage. Mais à l'époque, ça avait un côté plus loufoque et plus charmant, car les bateaux n'étaient pas homogénéisés comme aujourd'hui. On avait une identité propre, c'était une flotte extrêmement diverse. Les skippers se connaissaient tous, ils étaient potes dans la vie et sont devenus concurrents sur mer. L'autre différence, c'est qu'il n'y avait pas encore les "portes des glaces", ces points de passage dans les mers du Sud pour éviter les icebergs. On partait des Sables et puis c'était "démerdez-vous, vous franchissez tous les méridiens et puis vous revenez aux Sables en passant par le Cap Horn". On faisait à peu près ce qu'on voulait. Quand Loïck (Peyron, ndlr) a essayé de me dépasser dans le Sud, il est descendu très, très bas et s'est retrouvé bloqué par des chapelets d'icebergs. Aujourd'hui, il y a des points de passage pour éviter aux skippers de se payer un iceberg, alors qu'à l'époque on pouvait mourir en mer. Cela dit, même quand vous vous retrouvez en pleine tempête dans les Quarantièmes Rugissants, vous êtes toujours au milieu de la tempête, quelle que soit l'époque".
L'engouement du public et des skippers est-il toujours le même ?
"Il y a trente ans, les gens ont découvert la course quasiment le jour du départ. Il y a eu un entrefilet dans L'Equipe, et puis au fur et à mesure, le Vendée Globe est remonté en Une et ça a été un immense succès. Aujourd'hui, j'ai l'impression que ce succès n'est pas altéré du tout, malgré tout le tralala de la communication. Les atouts dont disposent les skippers en termes de connaissance de la météo ou de position des concurrents sont plutôt une contrainte, selon moi, qu'une aide. Le Vendée reste un monument pour les skippers. C'était le summum du défi il y a trente ans et ça reste le summum du défi".