Météo du Vendée Globe : pris au piège de l'anticyclone

Par Figaronautisme.com

Chaque jour, un expert en météo marine de METEO CONSULT analyse et décrypte la situation météo et son évolution pour les skippers de l’édition 2020-2021 du Vendée Globe. Ce jeudi, on peut dire que la flotte n'avance pas beaucoup, comme prévu, sous la chape de Sainte Hélène. Cependant, le classement n'évolue pas beaucoup avec toujours les deux options. Vers le sud-est, Charlie Dalin maintient son avance sur Thomas Ruyant, tandis qu'au sud, Samantha Davies se tient au coude à coude avec Louis Burton. Tous tentent toujours de se frayer un passage dans l'incontournable anticyclone de Sainte Hélène, situé nettement plus au sud que d'habitude. Ils peinent en effet à avancer dans des vents faibles et parfois erratiques qui obligent à de nombreux empannages. Désormais tout le monde se retrouve progressivement englué dans la molle, avec pour objectif de s’en sortir au plus vite afin de rejoindre l’autoroute du sud. L'heure de la délivrance est fixée dans la nuit de ce jeudi à vendredi pour le peloton de tête.

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SITUATION METEO DU JEUDI 26 NOVEMBRE : tout le monde au ralenti !

La chappe anticyclonique de Sainte Hélène se referme sur la route des navigateurs de tête puisque les hautes pressions s’étalent désormais sur l'Atlantique Sud si bien que les navigateurs finissent par se retrouver piégés sous le vaste anticyclone qui se referme sur eux. Pas moyen d’y échapper. Il va leur falloir s’armer de patience avant de retrouver l’autoroute des dépressions passant très au sud de leur position. La faute à l'anticyclone de Sainte-Hélène, tant il est vrai que celui-ci est situé nettement plus au sud que d’habitude. Cette position anomale explique la difficulté actuelle des skippers pour s’en extirper avant de retrouver les grands vents d’ouest qui circulent plus au sud. Les conséquences pour ceux qui avaient pour objectif de battre le record de la dernière édition en 2016 sont importantes. A pareille date, la tête de flotte en 2016 passait déjà au sud du cap de Bonne Espérance.

Les concurrents donnent l'impression de ne pas trop savoir où aller afin de récupérer un peu d'air, certains mettant un cap au sud et d'autres au sud-est. Mais dans cette configuration peu propice, on note cependant que Charlie Dalin confirme son avance et navigue vers le sud-est, tandis qu'à l'arrière, on ralentit depuis la nuit dernière. Depuis 24h, son option plus sud que celle de Thomas Ruyant s'est avérée payante en allant chercher davantage de pression, ce qui lui a permis de progresser en moyenne à 2,5 noeuds de plus. Indiquons aussi que Thomas Ruyant avait subi dans la nuit de mardi à mercredi une avarie importante sur son foil babord : il avait dû s'arrêter temporairement avant de repartir, mais désormais handicapé désormais avec une seule aile pour poursuivre la course.

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Le piège de l’anticyclone se referme !

Il est vrai que l’anticyclone de Sainte-Hélène est centré beaucoup au sud que sa position normale en novembre et pénalise fortement la progression des bateaux de tête. Habituellement les concurrents le contourne par l’ouest mais cette année, de par son étendue, il leur fait barrage. La tête de la flotte devrait cependant voir la fin du tunnel après cette période de 48h de vents faibles. En effet, entre la formation d’une dépression proche (par 5°W et 35°S) et la présence derrière eux de l’anticyclone, le vent tournera radicalement au sud en se levant.

Plus en arrière la partie centrale de la flotte, de Damien Seguin à Stéphane Le Diraison, se rapproche à la faveur du flux de sud-est qu’ils conservent jusqu’au trou de souris, tandis que dans l’Atlantique nord la situation n’est pas très enviable non plus avec une forte instabilité dans un pot au Noir très étalé et orageux.

L'écart entre la tête de la flotte et J. Beyou se stabilise toujours a un peu plus de 3000 milles, avec une bonne progression de celui-ci sur l'est et le sud du cap Vert, profitant d'un alizé de NE qui va l'amener vers un pot au Noir plus réduit qu'au début de la course, ce qui lui sera favorable. Ainsi, son écart avec les bateaux de devant, qui s'apprêtent ou se dirigent sur l'Equateur, se réduit au fil des jours.

Objectif : s'extirper de la molle anticyclonique !

Dans ces faibles conditions, deux options sont désormais prises dans ce secteur où la fiabilité des modèles devient parfois limitée en raison de l'évolution incertaine de ces petits minimums dépressionnaires mobiles. Le cap au sud-est semble privilégié, mais une descente plein sud peut s’avérer payante afin de toucher plus rapidement le flux d’ouest à partir de vendredi matin. C’est l’option qu’a semblé prendre Louis Burton et Samantha Davies depuis mardi matin. C’est à priori les seules options qui permettent de retrouver un peu d’air. Mais ce petit vent du secteur sud-est, de face, entre 10 et 12 nœuds, obligera à une navigation au près serré avec des vitesses moins favorables. Dans ces conditions le "tricotage", c’est-à-dire le fait de changer de bord régulièrement en zigzaguant, risque d’être alors la préoccupation du jour. Tous les marins s'accordent sur le fait que "moins on zigzague, mieux c'est" car la multiplicité des manouevres freinent leur progression.

Pour les poursuivants, qui se rapprochent de la tête de flotte, les conditions seront assez identiques avec le passage obligé dans la molle, tandis que plus au nord, l’arrière de la troupe devrait s’extirper progressivement du pot au noir après avoir été bien ralenti, profitant désormais de l'alizé de sud-est bien établi.

 

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L’anticyclone, à 1030 hPa, est situé globalement par 20°W et 37°S tandis que le petit minimum dépressionnaire relatif (dépression dont la pression reste supérieure à 1015 hpa) à 1022 hPa, sera par 1°E et 30°S. Il est probable que la tête de flotte, dont Charlie Dolin et Thomas Ruyant, poursuivra sa route vers le sud-sud-est pour continuer à progresser entre ces deux centres d’action, juste dans l’étroit couloir. Les poursuivants directs devraient profiter aussi de cet étroit couloir de vent qui se maintiendra, s'orientant au secteur sud-est. Les premiers bénéficieront de ce vent, toujours proche de 7 à 10 noeuds, qui devrait lentement prendre de la gauche(orientation face au vent) en tournant du secteur sud-est vers l'est.

L’option plus à l’ouest pourrait aussi s’avérer payante grâce à la levée du flux au nord-ouest en bordure occidentale de l’anticyclone, mais nettement plus éloignée de l’orthodromie (la route directe). Il est probable que cette journée voit les écarts se resserrer, lesquels se regrouperont dans cette zone de molle. Il y aura certainement des coups à faire afin de se démarquer du peloton, à l'image de ce qu'à fait Charlie Dalin. Dans ces conditions, les deux premiers devraient conserver leur avance et  Charlie Dalin garde sa première position. Mais l’option sud, à l’image de Louis Burton, pourrait s’avérer judicieuse en récupérant le vent de nord-est puis celui de nord-ouest généré en bordure de l’anticyclone, bien que cette route s'éloigne de l’orthodromie et donc de la route directe.

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SITUATION METEO DU VENDREDI 27 NOVEMBRE : vers l’autoroute du sud !

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Le peloton de tête sera sans doute assez rassemblé, après avoir peu progressé pendant près de 48 heures dans les petites conditions, mais ils auront en ligne de mire le grand flux d’ouest des 40èmes rugissants qu’ils commenceront à toucher dans la nuit de jeudi à vendredi. Ce scénario se confirme au vu des dernières sorties des modèles, ce que l’on appelle les « runs ». Ce sera la fin de la galère pour les concurrents de tête, aussi bien pour ceux qui auront choisi l’option vers le sud-est que ceux qui auront préféré descendre plein sud. 

Vendredi matin,  les vents de nord-ouest se lèveront rapidement. Ils fraîchiront en atteignant la force 7 Beaufort(vent frais sur cette échelle qui comporte 12 niveaux) permettant aux skippers de s’élancer vers les 40 ème rugissants sur un seul bord. Le changement sera radicale. Avec ses vents portants, les vitesses de progression deviendront élevées. La fatigue morale, avec le peu de vents de ces derniers jours, laissera la place alors à une fatigue physique car il faudra se préparer à affronter les mers du sud et checker le bateau pour affronter une mer grossissant et des conditions plus musclées. Vendredi soir, il sera possible de faire un cap plein est pour profiter de l’autoroute du sud au niveau du 43° de latitude tout en restant en marge de la zone d’exclusion plus au sud où se trouvent les growlers et icebergs qui se détachent des glaciers. A l’arrière, il est fort probable que les poursuivants immédiats soient regroupés mais commencent eux aussi à bénéficier de la levée progressive du flux de nord-ouest.

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TENDANCE ULTÉRIEURE : les 40 èmes Rugissants !

Les quarantièmes Rugissants est le nom donné par les marins aux grands vents qui soufflent entre les 40ème et 50ème parallèles sud. L'océan étant ici très vaste et sans terre pour casser les vagues et ralentir les vents. Les conditions météorologiques y sont très musclées mais ont permis aux navigateurs d'en profiter depuis le 17 ème siècle pour rejoindre rapidement le sud de l'océan Indien en direction des "Indes", à l'époque des marchands. 

De nos jours, les concurrents connaissent bien ces mers du sud que l'on appelle l'océan Austral, appréciant et redoutant en même temps ces grands vents et ces mers parfois très grosses. Les icebergs en provenance de l'Antarctique, dont l'extension de la banquise est cette année supérieure à la moyenne à la sortie de l'hiver austral, peuvent constituer des menaces. Pour les éviter et sécuriser cette course, la direction a défini comme lors de chaque édition une "zone d'exclusion" que les skippers ne doivent pas franchir.

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Grâce au rail de l’Atlantique sud, présent au sud du Cap de Bonne Espérance, une bonne partie des bateaux de la première moitié de la flotte progressera à vive allure dans une mer assez forte mais majoritairement portante. L’autoroute du sud sera bien établie, avec en moyenne 30 nœuds de vent et des rafales à 40 nœuds, avec des creux de 3 mètres. Après la descente vers le sud-est, un seul changement de bord sera nécessaire dans la nuit de vendredi à samedi pour remonter légèrement vers le nord-est afin de bénéficier des vents portants venant alors du nord-ouest. Dans ce contexte les premiers passeront au large du Cap de Bonne Espérance, le bien nommé, vraisemblablement dans la nuit de dimanche à lundi, dans un flux s'orientant plutôt à l'ouest.

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Régis CREPET, météo marine Météoconsult

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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