Météo du Vendée Globe : direction le Cap de Bonne Espérance !

Bulletin actualisé chaque jour à 12h
CE SAMEDI
Désormais la course de vitesse s'enclenche dans une situation géographique très sud, non loin de la limite d'exclusion. Verront-ils les icebergs dans cette édition 2020 ? Notons qu'à pareille date, la tête de flotte en 2016 passait déjà au sud du cap de Bonne Espérance, soit un retard actuel de trois jours.
On observe une distance de plus de 3000 milles entre le premier, C.Dalin, et J.Beyou qui ferme la marche. Cet écart devrait se creuser désormais à la faveur des grandes vitesses. Au milieu de la flotte, d'A. Boissières à K. Shisraishi, les bateaux se suivent à la faveur des alizés de secteur ESE réguliers.
J. Beyou glisse lui difficilement à l'approche des vents erratiques du Pot-au-Noir. Sa trajectoire en dent de scie révèle bien l'instabilité du vent qui oblige à de fréquents empannages. Il ne va plus tarder à toucher la molle du pot au nord, heureusement très rétréci désormais, donc plus court à traverser.
SITUATION METEO DU SAMEDI 28 NOVEMBRE : enfin sur les 40 èmes Rugissants !
La tête de flotte naviguera désormais entre le 40ème et 43ème parallèle, quasiment en limite de la zone d'exclusion, qui a été remontée par la Direction de la Course. Cette position, très sud, est nécessaire en raison d'une situation météorologique inhabituelle dans ces parages. En effet, l'anticyclone "de Sainte Hélène" est descendu tellement bas en latitude qu'il s'étire désormais entre le sud du Brésil et le sud de l'Afrique du sud, obligeant les concurrents à naviguer au sud de celui-ci pour profiter des grands vents d'ouest.
Rappelons que les quarantièmes Rugissants est le nom donné par les marins aux grands vents qui soufflent entre les 40ème et 50ème parallèles sud. L'océan étant ici très vaste et sans terre pour casser les vagues et ralentir les vents. Les conditions météorologiques y sont très musclées mais ont permis aux navigateurs d'en profiter depuis le 17 ème siècle pour rejoindre rapidement le sud de l'océan Indien en direction des "Indes", à l'époque des marchands.
De nos jours, les concurrents connaissent bien ces mers du sud que l'on appelle l'océan Austral, appréciant et redoutant en même temps ces grands vents et ces mers parfois très grosses. Les icebergs en provenance de l'Antarctique, dont l'extension de la banquise est cette année supérieure à la moyenne à la sortie de l'hiver austral, peuvent constituer des menaces. Pour les éviter et sécuriser cette course, la direction a défini comme lors de chaque édition une "zone d'exclusion" que les skippers ne doivent pas franchir. Cette ligne est située vers 44° S dans cette zone.
Direction le Cap de Bonne-Espérance
Grâce au rail de l’Atlantique sud, présent au sud du Cap de Bonne Espérance, une bonne partie des bateaux de la première moitié de la flotte progressera à vive allure dans une mer assez forte mais majoritairement portante. L’autoroute du sud sera bien établie, avec en moyenne 30 nœuds de vent et des rafales à 40 nœuds, avec des creux de 3 mètres. Après la descente vers le sud-est, un seul changement de bord sera nécessaire dans la nuit de ce vendredi à samedi pour remonter légèrement vers le nord-est afin de bénéficier des vents portants venant alors du nord-ouest, avec une allure au grand largue. Là aussi, les skippers suivants seront obligés de remonter tous un peu vers le nord-est.
L'objectif sera de rester à l'avant des perturbations générées par la dépression située plus au sud, laquelle entraînent un net renforcement des vents de secteur NW à W, tournant WSW à l'arrière du front. A priori, la tête de course, aussi bien constituée de C. Dalin et de T.Ruyant que de L. Burton et S. Davies devraient se retrouver à l'avant, en bonne position.
Les groupes du milieu de course, après avoir franchi l'Equateur, poursuivrons leur descente au nord de l'anticyclone de Sainte Hélène, bénéficiant durablement des alizés de l'est.
Notons enfin pour Jérémie Beyou une situation toujours délicate dans le Pot au Noir où un passage étroit vers le 28°40°W peut être envisagé.
SITUATION METEO DU DIMANCHE 29 NOVEMBRE : coup de vent au sud de Bonne Espérance
Comme le montre les cartes, la dépression des basses latitudes se trouvera vers 52°S et 5°E en se comblant lentement. L'anticyclone de Sainte Hélène restera situé très bas par rapport à la normale, vers 38°S et 22°W, s'étirant par une dorsale jusqu'au sud du Cap de Bonne Espérance. Cela obligera les concurrents à naviguer dans le couloir de vent portant, compris entre la zone d'exclusion au sud, et le calme induit par la dorsale au nord. La marge de manoeuvre restera suffisante en restant à l'avant du front, mais après être remonté lentement vers l'ENE afin de garder une allure favorable il faudra envisager un changement de bord pour redescendre légèrement vers le SE afin de bénéficier d'une allure portante. Au fil de leur progression, les bateaux de tête trouveront un vent de plus en plus portant ce qui imposera des manoeuvres toujours périlleuses par vents forts.
Les concurrents de la moitié du classement auront rejoint aussi le flux des basses latitudes mais ceux qui seront à l'arrière du front devront probablement composer avec un vent moins propice aux grandes vitesses. Dans cette configuration, les écarts pourraient se creuser rapidement.
TENDANCE ULTÉRIEURE : Cap de Bonne Espérance puis Océan Indien
Les concurrents de tête trouveront une situation météo caractéristique de la région, avec des dépressions et des passages de fronts. Cela favorise une progression rapide pour les skippers, mais variable parfois selon leur position par rapport aux fronts. Il faudra être bien placés pour se trouver majoritairement devant les fronts et "glisser" avec eux plutôt que de subir des baisses de vents à l'arrière. "Plus facile à dire qu'à faire ", reconnaissons-le! Ils bénéficieront d'un vent de nord-ouest bien établi avec une mer très formée (creux de 3 à 4 m). A l'arrière, entre deux systèmes dépressionnaires, les vents pourraient mollir temporairement avant un nouveau fraîchissement par l'ouest pouvant menacer les concurrents restés attardés. On le voit, même si les vitesses seront généralement rapides pour tout le monde, ce retour dans de grosses conditions ne sera pas de tout repos à la fois physiquement et tactiquement.
Les concurrents de tête ne verront pas le cap de Bonne Espérance car ils passeront largement au sud, mais le franchissement de sa longitude (20° Est) marquera une nouvelle page dans le Vendée Globe, avec l'entrée dans l'océan Indien. Ce passage s'effectuera en matinée de lundi, donc un peu plus tard qu'escompté initialement au vu des modèles météo. Ce changement de bassin océanique ne changera rien aux conditions rencontrées par les skippers. Ils les garderont tout au long de leur course dans les mers du sud, marquées par le défilé incessant des dépressions et de zones moins ventées entre chacunes. Le passage au sud du Cap de Bonne Espérance se fera donc probablement dans la matinée de lundi, dans des conditions de vent de secteur W dominant force 6 Beaufort (vents moyens de 22 à 28 noeuds). A l'arrière, les poursuivants seraient plutôt dans un flux de secteur d'ouest-sud-ouest moins bénéfique, ce qui influera sur leur choix de route et obligera sans doute à changer à nouveau de bord. Ces manoeuvres viendront ajouter de la fatigue dans ces conditions assez musclées.
Régis CREPET, météo marine Météoconsult