Il reste moins de 5400 milles

Par Figaronautisme Vend?e Globe

Il reste moins de 5400 milles devant les étraves de Maître Coq IV, soit 22% du parcours. Pour autant, les deux premiers mois de course de ce 9e Vendée Globe, n’ont pas été rapides si l’on songe qu’à ce stade, il y a quatre ans, Armel Le Cléac’h était sur le point de franchir l’Équateur. La comparaison ne vaut que pour l’anecdote, tant il est vain de comparer des éditions très différentes en termes de météo. À trois semaines du finish aux Sables d’Olonne, quels sont les faits remarquables ? Tout d’abord, 80 % de la flotte est encore en course. Ensuite, cette dernière n’a jamais été aussi compacte, augurant des arrivées en rafales fin janvier ou début février dans le port vendéen.

61 jours, c’est une énorme tranche de vie sur la planète mer. Depuis le coup d’envoi des Sables d’Olonne il y a deux mois exactement, les solitaires évoluent en liberté sur l’immensité liquide. Libres, oui, mais soumis à la tyrannie de leur meilleur compagnon de route – leur monocoque- qui demande une attention et des soins de tous les instants. Il en va de la performance, mais aussi, et surtout de la sécurité.

Comme la plupart de ses concurrents à un moment de la course, Pip Hare a été contrainte de se lancer dans une opération difficile. La nuit dernière, dans une mer encore très cabossée, elle a réussi à remplacer son safran bâbord dont la tête de mèche avait cassé. Dans cette manipulation harassante - elle en ressort pleine de courbatures et couverte de bleus -, elle a certes perdu deux places, mais elle est à nouveau en route et c’est le principal. « Je suis fière de moi, pourtant, je ne dis pas ça si souvent » confie Pip Hare qui a hâte de pouvoir se reposer. « Tu es mon héroïne » lui lance Bernard Stamm, celui qui a construit de ses mains (il y a 20 ans) le bateau avec lequel la Britannique  impressionne son monde.

Bateaux et marin usés

Au fil de ces journées interminables passées sous-toilé à  freiner l’allure et serrer les dents dans le train des dépressions, l’impatience de passer le cap Horn se fait plus pressante pour le peloton qui s’étend d’Alan Roura (désormais 15e), à Kojiro Shiraïshi ( 21e). Ce matin, après avoir constaté une déchirure sur son J2, Jérémie Beyou (18e) ne cachait pas sa lassitude, pour ne pas dire son ras-le-bol : « Depuis la mer de Tasmanie, le vent n’est pas descendu en-dessous de 35 nœuds, c’est assez usant. Il y a trois jours, c’était n’importe quoi, c’était super violent. Il y avait entre 6 et 7 mètres de creux et ça venait de côté en déferlant. Le bateau partait dans une vague et d’un coup une déferlante venait par le côté. Je me suis fait projeter à l’arrière du bateau à plusieurs reprises. Tu as vraiment l’impression de ne pas être grand-chose, c’est impressionnant ».

À l’arrière de ce groupe, Manu Cousin a eu aujourd’hui son lot d’embêtements : lors d’un empannage involontaire dû à une panne de pilote automatique, un chariot de latte de grand-voile s’est cassé, la grand-voile elle-même est déchirée partiellement au-dessus du 3e ris, obligeant le Sablais d’adoption à tout affaler. Il fait actuellement route à petite vitesse sous J3 seul, sachant que cette petite voile d’avant montre aussi quelques signes de faiblesse.

Encore 850 milles, soit un peu moins de 3 jours d’abnégation pour cette bande du Pacifique.

Après deux mois de mer, le matériel s’use et les réserves de nourriture aussi. Ceux qui n’avaient pas pris de marge risquent bien de devoir se priver un peu d’ici l’arrivée. Heureusement, la plupart n’ont pas mangé toutes leurs rations du Grand Sud (7000 calories journalières) et n’ont pas de quoi s’inquiéter. « J’ai de quoi faire une deuxième tour du monde » plaisante Alexia Barrier. Ce qui n’est pas le cas de Thomas Ruyant qui n’avait embarqué que 80 jours de nourriture et à qui il va manquer des petits déjeuners et quelques encas sucrés d’ici le passage de la ligne.

La confiance de Bestaven

Le Skipper de LinkedOut n’a pas l’air miné par cette perspective. Revenu à la hauteur de Charlie Dalin après une belle traversée de l’anticyclone par l’Ouest, Thomas est remonté comme une pendule. Certes, il va devoir s’astreindre à une nouvelle ascension dans son mât pour réparer un aérien qui le prive de mode vent (sa 5e ascension !). Mais le corps à corps avec Apivia le galvanise pour revenir dans le tableau arrière de celui à qui il rendait hommage ce matin : « s’il y a une opportunité de faire quelque chose, vous pouvez compter sur moi ! Mais Yannick est en grande forme, tout lui réussit ! Il va vite, il fait un Vendée Globe incroyable. Il doit avoir une confiance en lui et en son bateau importante en ce moment ».

Ralenti en fin de matinée, le skipper de Maître Coq a retrouvé de la vitesse au large de Buenos Aires, si bien que pour l’instant, il maintient plus de 400 milles d’avance sur Charlie et Thomas. Mais la météo est toujours incertaine devant son étrave. Yannick va subir divers ralentissements dans sa progression vers le Nord (il passera peut-être tout près des côtes brésiliennes !) avant de pouvoir s’échapper avec les alizés de Sud-Est. Il y aura de nombreux « coups d’accordéon » dans les prochaines 48 heures. Pour notre plus grand plaisir…

Quelques statistiques après 2 mois de course :

- Le leader Yannick Bestaven a effectué 78 % du parcours

- Contre 48% pour le dernier Sébastien Destremau

- Skipper le plus grand nombre de fois en tête aux pointages officiels : Charlie Dalin (137 fois) qui sera rejoint au classement de 18 heures par Yannick Bestaven

- 10 leaders se sont partagé la tête de course depuis le départ (dans l’ordre en fonction du temps passé en tête) : Charlie Dalin, Yannick Bestaven, Alex Thomson, Thomas Ruyant, Jean Le Cam, Maxime Sorel, Jérémie Beyou, Damien Seguin, Louis Burton, Benjamin Dutreux.

- Plus grande distance parcourue en 24 heures depuis le départ : Thomas Ruyant, le 21 novembre 2020 avec 513,3 milles (954,3 km), à la vitesse moyenne de 21,6 nœuds.

- Plus de 30 ascensions dans le mât pour effectuer des réparations

Les temps de passage des leaders  :

Équateur : HUGO BOSS le 18/11/2020 à 13h19 UTC après 9j 23h 59min de course     

Cap de Bonne Espérance : Apivia le 30/11/2020 à 23h11 UTC après 22j 09h 51min        

Cap Leeuwin : Apivia le 13/12/2020 à 11h25 UTC après 34j 22h 05min 

Cap Horn : Maître Coq IV le 02/01/2021 à 13h42 UTC après 55j 00h 22min      

 

 

 

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METEO CONSULT
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.