Vendée Globe : abandon, instabilité des vents et lutte serrée en tête

Par Figaronautisme.com

En début d’après-midi, Maxime Sorel, skipper de V and B - Monbana - Mayenne, a annoncé depuis les abords de Madère qu’il mettait un terme à sa course. Une blessure persistante à la cheville, combinée à de sérieux problèmes de voile, l’ont poussé à prendre cette décision. Pendant ce temps, à l’avant de la flotte, les leaders peinent à traverser de vastes zones sans vent. Ce ralentissement a permis au peloton de se resserrer, les quinze premiers concurrents se retrouvant dans un rayon d’environ soixante milles.

Adepte de trails et de grands défis, Maxime Sorel est habitué à repousser ses limites. Sa destinée de sportif en est la parfaite illustration. L’ingénieur de formation a gravi les échelons de la course au large, est allé au bout d’un premier Vendée Globe (10e en 2020) avant de gravir le plus haut sommet du monde (2023). L’homme qui a donc conquis les deux Everest a ensuite retrouvé la motivation et le goût de la mer à bord d’un bateau qu’il avait façonné avec son équipe. Mais dans la foulée du départ, tout déraille. Les marins aiment rappeler qu’il s’agit d’un sport mécanique, que la malchance et les coups du sort peuvent s’immiscer partout, surtout là où on ne les attend pas. En mer aussi, les ennuis volent toujours en escadrille.

Le skipper de V and B – Monbana – Mayenne faisait le point hier matin : « j’ai eu un problème de gennaker la première nuit et un souci de grand-voile survenu la deuxième. La troisième, j’avais mon hook cassé et le chariot bloqué ». En plus, il y avait sa blessure à la cheville. Son pied s’était en effet bloqué alors qu’il était dans la bôme afin de réparer sa grand-voile. S’il sait qu’on « peut avoir plein de soucis techniques », Maxime était plus inquiet à propos de l’état de sa cheville qui enfle de jour en jour et qui l’inquiète alors. « La douleur est permanente, surtout quand je pose le pied sur une surface courbée ».

La douleur était encore un peu plus tenace ce matin, « au point d’avoir des difficultés à se déplacer à bord » de son bateau. Surtout Maxime reconnaît qu’il « est impossible de changer des portions de ce rail de grand-voile à trois mètres de haut, c’est un travail de chantier ». La décision d’abandonner semblait inéluctable. « J’ai donné tout ce que je pouvais », assure-t-il. Je vous laisse imaginer ma souffrance physique et mentale » Et ‘Max’ d’ajouter, comme une promesse pour l’avenir : « le positif malgré la trop grande frustration, c’est que cela va me booster pour la suite ».

En course, l’instabilité devient la norme
Pour le reste de la flotte, un ralentissement s’opère, la conséquence de grandes zones sans vent. Les skippers doivent trouver leur chemin en composant avec une forte instabilité, des rafales de vent, des grains qui obligent à une vigilance permanente. « On a une instabilité du vent qui est incroyable, j’ai rarement navigué avec du vent aussi instable en force et direction, expliquait ainsi Paul Meilhat qui parlait de changements de vitesse brutaux passant de 10 à 25 nœuds. L’instabilité a failli coûter cher à Benjamin Ferré (Monnoyeur - DUO for a JOB) dont le bateau est parti à l’abattée. « Je n’avais pas sécurisé ma contre-écoute, le bateau s’est couché du mauvais côté et je me suis dit que c’était fini, a-t-il confié. Il m’a fallu beaucoup de temps pour que tout revienne dans l’ordre. C’est mon premier gros avertissement. »

Dans de telles conditions, certains en ont profité pour se rapprocher des hommes de tête. C’est le cas de Justine Mettraux (TeamWork-Team Snef ) qui a passé la nuit « à 30 nœuds sur une mer d’huile », côte-à-côte avec Boris Herrmann (Malizia-Seaexplorer). « On a gardé un peu de vent, ce n’était pas vraiment prévu comme ça mais ça fait du bien au moral », confie la Suissesse. Mais elle tient à préciser dans la foulée : « on a recollé mais la route est encore longue ».

À chacun sa façon d’aborder cette grande zone sans vent. Les skippers affûtent donc leurs armes et la bataille redouble d’intensité. Alors que les dix premiers se tenaient dans une soixantaine de milles ce matin, ils sont désormais quinze en ce milieu d’après-midi. Des marins ont réalisé une sacrée opération à l’instar de Giancarlo Pedote (Prysmian) qui fait une première apparition dans le ‘top 5’ ou de Clarisse Cremer (L’Occitane en Provence) pour la première fois dans le ‘top 10’. Cette bataille rangée se déroule dans un mouchoir de poche : près de 100 milles en latéral séparent ainsi les deux VULNERABLE, Thomas Ruyant à l’Ouest et Sam Goodchild à l’Est.

L'option audacieuse de Jean Le Cam
Nombreux sont les marins à s’être ainsi rapprochés de la tête de course. Violette Dorange (Devenir) en fait partie. Elle était ce matin à la vacation : « ça me fait plaisir de revenir, c’est bon pour le moral, dit la benjamine de la course qui rivalise avec quelques foilers. Mais pour Violette et les autres, la suite est aussi un long chemin d’incertitude. « Il va falloir être hyper opportunistes, abonde-t-elle. Finalement le plus reposant, c’est d’avancer dans du vent medium et stable à 15 nœuds. Quand il n’y a pas d’air, on doit être constamment sur les réglages et sur les voiles. »

Jean Le Cam, lui, a choisi une option légèrement différente des autres en se rapprochant davantage des Canaries en tentant un coup. « Il essaie d’insister sur une route Ouest, ce qui est intéressant même s’il sera confronté à du vent faible aussi », précise Christian Dumard. Le principal intéressé, lui, précise : « ça devrait se calmer pour le groupe de l’Est, la situation n’est pas simple mais dans la vie, il faut oser, le doute doit faire partie de la performance ! »

La météo se stabilise pour Szabolcs et Jingkun Xu
Chez ceux qui font face à quelques problèmes techniques, la situation est bien entendu à relativiser à l’heure où Maxime Sorel a dû abandonner. Conrad Colman (MS Amlin) fait ainsi route vers les Canaries, il aurait quelques réparations à faire après avoir affronté une ligne de grains la nuit dernière. De son côté, Szabolcs Weöres (New Europe) continue à progresser et espère pouvoir réparer à proximité des Canaries.

Le Hongrois sort progressivement de la dépression qui le concerne tout comme Jingkun Xu (Singchain Team Haikou) qui a expliqué à la vacation se réjouir que « la météo se stabilise ». Surtout, le skipper chinois s’est montré rassurant à propos de sa cheville, lui qui avait reçu un choc le premier jour. « Je continue à prendre un traitement mais ça va beaucoup mieux. J’ai l’impression que c’est derrière moi ! »

Des petits bonheurs partout, malgré tout
Jingkun Xu ne cache pas son plaisir d’être en mer. « J’essaie de profiter de tout, confie-t-il. Chaque jour me rend heureux ! » Les skippers ont été nombreux à profiter de petits bonheurs à bord. Jean Le Cam, l’humeur rieur, parle de Jean, la peluche du film « La Vallée des fous* » qu’il a embarqué. « « Elle me parle, me dit ‘tu as bien mangé ?’ ‘Oh oui, j’ai bien mangé », confie-t-il hilare. Le bonheur se décline dans une manœuvre réussie chez Violette Dorange (Devenir), « une sieste et un rêve » chez Boris Herrmann (Malizia-Seaexplorer), une part de clafoutis « préparé par ma maman » pour Thomas Ruyant (VULNERABLE), un pamplemousse pour Tanguy Le Turquais (Lazare), un poisson-volant vu par Louis Burton (Bureau Vallée) ou encore un lever de soleil immortalisé par Éric Bellion (STAND AS ONE). Des moments de joie pour retrouver le sourire, un peu, alors que l’un des leurs a dû renoncer à cette aventure.

*Film, en salle depuis mercredi, qui raconte l’histoire d’un homme qui fait le Vendée Globe dans son jardin, sur Virtual Regatta et dans lequel Jean Le Cam fait une apparition.

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Nathalie Moreau
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Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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