Comprendre les voiles à bord des IMOCA du Vendée Globe

Par Figaronautisme.com

Le Vendée Globe, cette course mythique autour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance, représente bien plus qu’un défi maritime. C’est un condensé de résistance humaine et de technologie de pointe, où chaque détail compte. À bord des monocoques de 60 pieds, les skippers doivent affronter des conditions extrêmes, des calmes équatoriaux aux tempêtes hurlantes des cinquantièmes. Et au cœur de cette quête : les voiles, véritables moteurs de ces géants des mers. Mais quels types de voiles embarquent-ils et pourquoi chacune est-elle essentielle ?

Un choix limité mais stratégique : la jauge IMOCA

Pour garantir l'équité et la sécurité, la jauge IMOCA impose des règles strictes, notamment un nombre maximal de huit voiles par bateau. Cette contrainte oblige les skippers à des choix stratégiques. Parmi ces huit voiles, deux sont obligatoires : la grand-voile, constamment hissée tout au long de la course, et le tourmentin, une petite voile de tempête de 25 m² maximum, reconnaissable à sa couleur fluo, qui garantit la sécurité dans des conditions extrêmes. Les six autres voiles sont laissées au libre choix du skipper, qui collabore souvent avec des voileries spécialisées pour les concevoir sur mesure, optimisant chaque détail pour répondre aux spécificités de son bateau et à sa stratégie.

La grand-voile : le cœur du dispositif

La grand-voile est le pilier du gréement d’un IMOCA. Montée sur le mât et le long de la bôme, elle reste hissée en permanence, quelle que soit la force du vent. D’une surface importante, sa forme est ajustable grâce à des systèmes sophistiqués pour s’adapter à toutes les conditions. Sur les nouveaux IMOCA à foils, la grand-voile joue un rôle encore plus crucial, car elle contribue à équilibrer le bateau tout en générant une puissance continue.

Les voiles d’avant : le duo polyvalent J2 et J3

Pour compléter la grand-voile, les voiles d’avant, hissées sur l’étai (le câble qui relie la proue au mât), permettent d’optimiser la performance selon l’angle et la force du vent.

Le J2, d’une surface supérieure à 100 m², est la voile polyvalente par excellence. Toujours en place, car roulée mais non affalable, elle excelle dans des conditions variées, notamment au près (vent de face) ou au vent de travers (vent latéral). Sa grande surface en fait une alliée pour maintenir la vitesse dans des conditions intermédiaires, et elle reste fiable même lorsque le vent se renforce au portant (vent de dos).

Le J3, souvent appelé trinquette, est plus petit, environ 50 m², et se destine aux vents forts. C’est une voile de brise, utilisée lorsque le vent dépasse les 30 nœuds ou lorsque la mer devient agitée. Elle est idéale pour garder le contrôle dans les conditions extrêmes, notamment au près et au vent de travers.

Ces deux voiles sont complémentaires et permettent de couvrir une large plage de conditions, un atout indispensable pour une course où les imprévus météorologiques sont légion.

Les voiles de portant : vitesse et maîtrise sous le vent

Quand le vent souffle dans le dos, les skippers déploient des voiles spécifiques pour maximiser la vitesse tout en maintenant la stabilité du bateau. Ces voiles de portant, souvent très imposantes, jouent sur la légèreté et la surface.

Le spi asymétrique, parfois surnommé "la voile ballon", est conçu pour les allures de grand largue (vent arrière). Avec près de 400 m², il est la plus grande voile à bord. Son rôle est de capturer un maximum de vent pour propulser le bateau à pleine vitesse. Cependant, son maniement délicat explique qu’il soit moins fréquent sur les IMOCA à foils, où des solutions plus modernes sont privilégiées.

Le Mast Head 0 (MH0) est un grand gennaker de près de 300 m², amuré au bout-dehors et montant jusqu’en tête de mât. Moins creux que le spi, il est adapté aux vents légers ou modérés et excelle dans les allures intermédiaires, comme le vent de travers. C’est une voile très prisée pour les phases de transition, où chaque nœud de vitesse compte.

Nautisme Article
© Eloi Stichelbaut / Polaryse


Les voiles hybrides : entre légèreté et adaptabilité

Certains skippers optent pour des voiles hybrides, qui offrent une polyvalence bienvenue sur une course longue et imprévisible.

Le J0, souvent qualifié de "foc géant", est une voile hybride qui monte en tête de mât mais est fixée sur le bout-dehors. Avec ses 180 m², elle est efficace aussi bien au près dans le petit temps qu’au vent de travers ou même au portant avec du vent soutenu. Elle allie légèreté et puissance.

Le Code 0, plus petit (environ 200 m²), est également amuré sur le bout-dehors mais se distingue par sa simplicité d’utilisation. Parfait pour les vents faibles à modérés, il est souvent déployé lorsque le skipper a besoin de vitesse sans perdre en maniabilité.

Les voiles spécifiques : pour des conditions bien particulières

Dans certaines situations, notamment les gros coups de vent ou les mers formées, des voiles spécialisées entrent en jeu :

Le FR0 (Fractionnal Code 0) est un gennaker compact, amuré sur le bout-dehors mais fixé un peu plus bas que le mât. Avec ses 150 m², il s’avère idéal pour les vents moyens et offre une transition fluide entre les voiles de près et de portant.

L’A7, un très petit gennaker (moins de 100 m²), est conçu pour les conditions extrêmes. Utilisé sur les bateaux à dérives, il permet de conserver une bonne maîtrise du bateau même lorsque les éléments se déchaînent.

• Enfin, le Jib Top ou "mule" est une version modernisée et compacte pour les foilers. Elle soulève légèrement l’étrave, permettant au bateau de mieux absorber les vagues sans compromettre sa vitesse. C’est une voile précieuse dans les mers formées, où le contrôle de l’assiette du bateau est crucial.

Stratégie et anticipation au cœur du choix

La sélection des voiles d’un IMOCA est bien plus qu’un exercice technique : c’est une réflexion stratégique. Chaque skipper, avec son équipe, doit jongler entre polyvalence et spécialisation, en tenant compte des défis météorologiques et des caractéristiques de son bateau. Ces choix, souvent invisibles au grand public, peuvent être déterminants pour passer de l’abandon à la victoire.

Dans cette danse perpétuelle avec les éléments, chaque voile devient une pièce d’un puzzle complexe, où la technologie et l’ingéniosité humaine s’unissent pour repousser les limites du possible. C’est là toute la magie du Vendée Globe.

Retrouvez chaque jour notre analyse météo de la course avec METEO CONSULT Marine dans notre dossier spécial Vendée Globe.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
Max Billac
Max Billac
Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…