Vendée Globe : stratèges dans le labyrinthe des dépressions

Par Figaronautisme.com

Dans ces mers australes, l’analyse et l’anticipation deviennent les clés de la survie. Les dépressions, aussi rapides qu’imprévisibles, offrent un choix cruel aux skippers : oser traverser leurs zones de vents violents pour gagner en vitesse, au risque d’essuyer des conditions extrêmes, ou contourner ces dangers au prix de détours significatifs. Chaque mille compte dans cette course, et chaque décision devient un exercice stratégique. Naviguer ici, c’est comme jouer à un jeu de Twister avec un partenaire qui modifie les règles à chaque instant.

Dans les mers du Sud, les marins du Vendée Globe affrontent ce qui pourrait être décrit comme un gigantesque labyrinthe météo, conçu par une nature facétieuse et légèrement sadique. Les dépressions forment des murs invisibles mais impitoyables, les bloquant ou les détournant avec la grâce d’un videur de boîte de nuit. « On essaie de composer avec ça en bon marin et en bonne intelligence, tout en faisant le plus d’Est possible », a expliqué Denis Van Weynbergh (D’Ieteren Group) qui, tout comme une large partie de ses concurrents, mise avant tout sur la prudence. « Ça fait maintenant 12-15 heures que je fais du Nord. Ça a été une décision compliquée à prendre mais je préfère faire ça pour me mettre un peu plus au chaud par rapport aux dépressions qui passent. C’est un mal pour un bien », a ajouté le navigateur belge qui sait que rallonger la route de centaines de milles, en langage Vendée Globe, équivaut à accepter de perdre sa place au classement et son moral en prime. « Il faut avoir une vision à long terme. Le truc, c’est que ce n’est pas facile de bien anticiper les choses car tout change très vite. Il faut constamment s’adapter et adapter la garde-robe du bateau. Ça cogite beaucoup », a ajouté le marin qui mesure à quel point, ce qui ressemble à une belle trajectoire le matin, peut se transformer en impasse l’après-midi.

Un coup à toi, un coup à moi
Et c’est la même chose à tous les étages de la course. En tête de flotte, par exemple, alors qu’ils sont revenus comme des balles depuis deux jours sur Charlie Dalin (qui a, par ailleurs, établi un nouveau record entre le cap de Bonne Espérance et le cap Leeuwin en 9 jours 22 heures et 27 minutes, améliorant ainsi le temps de référence de Michel Desjoyeaux réalisé en 2008 de 9 heures et 10 minutes), Sébastien Simon (Groupe Dubreuil) et Yoann Richomme (PAPREC ARKÉA) se préparent à un nouvel obstacle sur leur route : une zone de molle. Pour être sûrs d’avancer plus vite que des escargots sous somnifères, ils vont devoir, eux aussi, incurver leur trajectoire, ainsi que le détaille Christian Dumard, consultant météo de l’épreuve : "Charlie va passer avant que le vent faiblisse trop. Les autres seront obligés de contourner la dorsale par le Nord. L’écart entre les uns et les autres va donc se recreuser un peu à partir du milieu de la nuit prochaine "
Le skipper de MACIF Santé Prévoyance ne devrait toutefois pas s’échapper tant que ça et donc rester dans le même système que ses huit concurrents les plus proches. La raison ? Pendant qu’il va se retrouver vent arrière et enchaîner les empannages le long de la Zone d’Exclusion Antarctique, ses adversaires vont, eux, avoir la possibilité d’évoluer sur des routes plus directes.

Mêler la finesse de la prudence à la fougue de l’audace
A propos de routes directes, il faut rappeler que, dans certains contextes, elles ne sont pas toujours les plus efficaces. Certains, à l’image d’Antoine Cornic (Human Immobilier), semblent toutefois bien décidés à démontrer que si, un peu comme l’avait fait Louis Burton (Bureau Vallée) avec succès, lors de la dernière édition de la course, il y a quatre ans. Le Rétais va néanmoins devoir jouer serré car dans les heures qui viennent il va devoir essuyer des vents jusqu’à 60 nœuds, ce qu’il a déjà fait il y a tout juste quelques jours au prix d’une voile sacrifiée. Le terrain est donc glissant, mais s’il tient debout, il peut faire un sacré coup. Viser la lune pour atterrir parmi les étoiles, c’est également le parti pris de Guirec Soudée (Freelance.com) et Louis Duc (Five Group – Lantana Environnement), par ailleurs en proie à un hook de grand-voile récalcitrant. « Je pense qu’il va bientôt y avoir une cassure entre eux et le reste de notre groupe. Ils vont essayer de passer au sud de la grosse dépression qui va nous passer dessus en milieu de semaine. C’est une route intéressante mais elle demande beaucoup de doigté, de finesse et de réactivité. Elle promet de mettre un peu de piment à notre course dans la course des bateaux à dérives qui ne manque pourtant pas de piquant ! », s’est réjoui Sébastien Marsset (Foussier) qui sait que parcourir le labyrinthe de l’Indien, c’est finalement exactement comme cuisiner sans recette : un zeste de prudence, une pincée d’audace, et on croise les doigts pour que ce soit bien réussi !

Retrouvez chaque jour notre analyse météo de la course avec METEO CONSULT Marine dans notre dossier spécial Vendée Globe.

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…