Pourquoi le record du Vendée Globe va être battu de neuf à dix jours ?

Portrait de deux champions :Charlie Dalin a 40 ans. Il avait 6 ans quand il a tiré ses premiers bords sur Optimist. Depuis, il a toujours orienté ses choix de vie vers la navigation. Il a choisi de faire des études dans le domaine de l’architecture navale à la très réputée Université de Southampton, lui permettant d’allier la double compétence de marin et de technicien du voilier. Son attrait pour la course au large l’amène sur les circuits des Mini 6.50, des Class40 puis des IMOCA. Il a pratiqué assidûment la Solitaire du Figaro, meilleure école de régate au large, pour laquelle il est monté tous les ans sur le podium de 2014 à 2018. Il était le premier à passer la ligne d’arrivée du précédent Vendée Globe mais a laissé sa place de vainqueur à Yannick Bestaven qui bénéficiait d’une compensation de temps pour avoir porté secours à un concurrent naufragé.
Yoann Richomme a lui aussi 40 ans et lui aussi pratique la voile depuis sa tendre enfance. Il est lui aussi diplômé d’une école spécialisée dans l’ingénierie maritime (École Nationale Supérieure de Techniques Avancées Bretagne). Il a pris le tremplin de la Mini Transat avant de courir sur Class40 et remporter 2 fois la Solitaire du Figaro en 2016 et 2019. C’est sa première participation au Vendée globe.
Ces deux champions n’étaient pas favoris par hasard. Cependant les vainqueurs des précédentes éditions avaient des profils assez similaires et ils étaient tout aussi prédéterminés et déterminés. Vive l’expérience.Des voiliers conçus pour l’exploit :L’aérodynamisme global des bateaux, la conception des voiles et des mâts, se traduisent par toujours plus d’efficacité en termes de vitesse et de stabilité. Pour preuve, le record de distance parcourue en 24 heures est nettement amélioré à plusieurs reprises au cours de ce tour du monde. Si les carènes sont toujours mieux adaptées pour atteindre de grandes vitesses dans diverses conditions de mer, si les matériaux progressent et assurent des structures plus légères et plus rigides, ce sont surtout les nouveaux foils qui font la différence. Ceux de 2024 bénéficient de matériaux plus résistants et de formes plus efficaces pour optimiser la portance et limiter la traînée. De leur côté, les systèmes de pilotage automatique et de gestion de la vitesse sont plus sophistiqués et plus fiables.Vive l’expérience.La météo, l’arbitre des océans :Pour améliorer le record, il faut les meilleurs bonhommes, les meilleurs bateaux, et un peu de chance avec la météo. On ne la choisit pas puisque la date de départ est fixée.La descente de l’Atlantique nord, depuis les Sables d’Olonne jusqu’à l’Équateur, n’a pas été particulièrement rapide. C’est la faute de l’anticyclone des Açores. Après un manque de vent dans le golfe de Gascogne, après une descente assez rapide dans l’alizé portugais, les skippers ont souffert d’un anticyclone très étendu formant une barrière entre les latitudes des Canaries et du Cap-Vert. Ils ont ensuite pâti d’un alizé trop faible et d’un Pot-au-Noir qui n’a pas fait aucun cadeau. Charlie Dalin a mis presque deux jours de plus que son temps enregistré lors de l’édition précédente. C’est mal parti pour un record !
La traversée de l’Atlantique Sud a été plutôt bénéfique grâce à un anticyclone de Saint-Hélène qui ne s’est pas montré trop envahissant et une bonne concomitance avec l’arrivée d’une dépression sur le grand tapis roulant des quarantièmes rugissants. Le retard de Charlie Dalin sur le meilleur temps au passage du cap Bonne Espérance s’est réduit à une journée et quelques heures.
Au cap Leeuwin, Charlie Dalin et Yoann Richomme n’ont plus que 6 heures de retard sur Armel Le Cleach, le tenant du titre en 2017. Au cap Horn, ils auront 4 jours et demi d’avance. C’est donc bien dans le Pacifique que l’énorme différence s’est faîte. Dans l’ensemble, les conditions n’ont été ni pires, ni meilleures, mais les performances des bateaux ont permis une constance stupéfiante des vitesses moyennes très élevées, en particulier celles du bateau de Yoann. Charlie, lui, s’étant illustré par une option extrêmement pointue de la météo pour passer sur une route plus tendue, à proximité d’un centre dépressionnaire. L’un comme l’autre ont avalé le Pacifique en un temps de 14 jours et 9 heures qui restera dans les annales.
La remontée de l’Atlantique s’est faite sans coups d’éclat, péniblement comme à son habitude, avec une succession de calmes anticycloniques, de temps orageux dans des dépressions au déplacement difficilement prévisible, d’alizés mal établis... Beaucoup d'aléas qui se traduisent par un temps de 12 jours et 5h pour Charlie Dalin. Boris Hermann avait mis 11 heures de moins, il y a quatre ans.
Enfin, il faut remercier la météo pour le retour sur l’Atlantique Nord. Un Pot-au-Noir discret, un alizé raisonnable, un anticyclone absent et juste une douce dorsale pour assurer la transition entre les vents de nord-est et ceux de sud, apportés par une lointaine dépression. Ces vents de sud ont été généreux juste comme il faut pour que les deux leaders aillent très vite vers la Bretagne. Seul petit bémol, le beau temps anticyclonique que les spectateurs ont commandé pour l’arrivée, beau temps frais qui se traduit par vent faible et un peu trop dans l’axe de la route pour que le sprint final. Moyennant quoi, le temps de parcours de 8 jours sur ce tronçon améliore de 3 jours le précédent record détenu par... Charlie Dalin, 4 ans plus tôt. Autant dire qu’il connaît le chemin.
En conclusion, on peut estimer que l’infaillibilité des skippers et l’excellente performance des bateaux ont permis d’exploiter au mieux des conditions météorologique qui ont été distribuées avec des cartes plutôt chiches lors de la descente de l’Atlantique Nord, assez standardisées dans l’hémisphère sud, et vraiment généreuses pour la remontée de l’Atlantique Nord. Il fallait bien récompenser les skippers les plus vaillants.Retrouvez toutes les prévisions météo sur METEO CONSULT Marine et suivez toute l'actualité du Vendée Globe dans notre dossier spécial.