Un tourbillon d’émotions sans fin

Par Figaronautisme.com

Hier, Sébastien Simon (Groupe Dubreuil) a franchi la ligne d’arrivée aux Sables d’Olonne, mettant un terme à son incroyable périple autour du monde. L’accueil chaleureux et l'intensité du moment ont marqué cet épisode, une libération après des semaines de tension, de fatigue et de dépassement de soi. Mais si pour lui les émotions s’apaisent dans la chaleur des retrouvailles, elles continuent de tourbillonner au large, là où de nombreux autres marins sont encore plongés dans le tumulte de leur défi. Car le Vendée Globe est avant tout une épopée faite de sommets vertigineux et de creux insondables. Être skipper dans cette épreuve, c’est vivre un grand huit permanent, où chaque montée, chaque descente, chaque virage semble amplifier ce que l’on ressent. Chaque jour en mer est une nouvelle vague d’émotions : l’exaltation d’un bateau qui file à pleine vitesse sous un vent parfait, la frustration face à des avaries imprévues, ou le poids de la solitude qui accompagne chaque décision à bord. Ceux qui naviguent encore alternent entre moments d’euphorie pure et instants d’épuisement total. Leur force réside dans cette capacité à accepter le chaos des sentiments, à les transformer en moteur pour continuer. Chacun trace sa route dans cette aventure extrême, porté par la résilience, le doute et cette profonde intensité émotionnelle qui fait de ce tour du monde une expérience unique, à la fois magnifique et implacable.

« La mer, c’est l’émotion incarnée. Elle aime, elle déteste, elle pleure. Elle défie chaque âme qu’elle touche », écrivait Christopher Paolini, auteur américain de la célèbre série de fantasy L’Héritage, dans son roman Eragon. Il y décrit l’océan comme une entité vivante, émotionnelle, presque humaine. Cette citation trouve un écho particulier dans le contexte du Vendée Globe, illustrant le lien intime entre les marins et cet univers marin. Adversaire redoutable, mais aussi compagnon de route, il met à l’épreuve leur force mentale et émotionnelle. À son arrivée, Sébastien Simon s'interrogeait justement : « Je ne sais pas si on vit ça ailleurs. » Car au-delà des défis, l’océan offre des instants de grâce qui transforment les moments difficiles en expériences profondément humaines, où chaque arrivée devient une victoire sur soi-même et un hommage à cet univers impitoyable. « La navigation en solitaire exacerbe les émotions comme jamais. On vit des moments d’une intensité incroyable : de la joie à en crier quand tout se passe bien, de la déception face à une casse, un mauvais classement ou la sensation d’être loin de la terre, et de la frustration lorsque l’on se sent impuissant. Finalement, c’est cette intensité que l’on vient chercher », a confié Sébastien Marsset la nuit dernière. Mais cette intensité a un prix.

Forces mentales contre vents et marées
A ce stade de la course, le manque de sommeil devient un compagnon omniprésent. Les nuits entrecoupées par des alarmes, les muscles endoloris, et l’esprit constamment en éveil finissent par peser lourd. Chaque manœuvre demande un effort titanesque, chaque décision devient un défi pour un esprit épuisé. Pourtant, c’est dans ces moments de faiblesse que les marins trouvent une force insoupçonnée. « J’essaie de me satisfaire de tout ce qui va. Il me reste 5 000 milles à parcourir et je vais les vivre et les réaliser du mieux possible », a assuré le skipper de FOUSSIER qui se bat sans relâche tout en reconnaissant que la fatigue est un véritable défi. « Elle exacerbe tout, on la sent bien présente, profondément ancrée. J’ai beau dormir, manger, prendre des vitamines ou tout ce qu’il faut, elle reste là. Je sais qu’il me faudra certainement du temps, même à terre, pour m’en débarrasser complètement. Ce qui est essentiel pour moi, c’est d’accepter ces variations d’émotions, parce qu’elles sont normales. Elles ont un sens, elles racontent quelque chose », a expliqué Sébastien, fort du travail de préparation mentale qu’il a effectué avant le départ. Une résilience précieuse alors qu’il continue de s’accrocher, évoluant au près depuis un bon moment, avec encore quatre jours à tenir dans ces conditions exigeantes, au large du Brésil.

La fatigue, catalyseur d’émotions
Dans ce manège permanent, les émotions se succèdent sans répit. Une montée d’exaltation peut être suivie par une descente brutale dans le doute ou la frustration. Ce voyage, d’une intensité incomparable, ne laisse aucune place à la tiédeur. Chaque sentiment est vécu à fond, chaque défi force à puiser dans ses ressources. C’est ce balancier émotionnel qui fait du Vendée Globe une aventure hors norme, à la fois épuisante et profondément transcendante. Antoine Cornic (Human Immobilier) en témoigne parfaitement. Comme beaucoup de ses concurrents, il a connu un véritable choc intérieur lors de son passage du cap Horn il y a deux jours, un moment aussi libérateur que symbolique :

"Franchir ce point mythique a été quelque chose de spécial, surtout après l’avoir rêvé pendant vingt ans. Même si je fais plus de 100 kg, je reste un grand nounours, et ce genre de moments me touche profondément."

Depuis, il poursuit sa route avec prudence et détermination. Après avoir dépassé les îles Falkland jeudi soir, il bénéficie d’un bon flux pour avancer, tandis qu’un peu plus au nord, Oliver Heer (Tut Gut.) ralentit, offrant une opportunité de regroupement. « Je suis toujours à 70 % du bateau », explique-t-il, mentionnant une stratification décollée sur une cloison qu’il devra réparer dans l’anticyclone. Reste que malgré les défis techniques, l’ambiance reste positive. « Le Chinois revient bien, fleur au fusil. C’est super, ça va relancer le match pour l’Atlantique ! Ça fait un moment que je navigue seul au large, donc avoir un peu d’action avec un concurrent devant et Jingkun (Xu) juste derrière, ça va être sympa », a assuré le Rétais qui prévoit également d’effectuer sa pénalité de 180 minutes, infligée après son mouillage pour réparation sous l’île de Saint-Paul, dans la soirée, par 45° Nord.

Une relation unique avec son bateau
Pour lui, comme pour tant d’autres skippers, le lien avec son IMOCA se transforme avec le temps. De fait, à force de partager chaque instant, le bateau devient bien plus qu’un simple moyen de transport. Refuge dans les tempêtes, allié dans les accalmies, il se mute en partenaire indispensable. Chaque bruit, chaque vibration, est un message que le marin apprend à interpréter. On l’écoute, on l’observe, et parfois même, on lui parle, comme pour alléger le poids des défis à affronter. Mais vivre un tour du monde, c’est aussi une lutte contre soi-même. Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence) décrit parfaitement ce mélange explosif : « Il y a trois choses qui te poussent à bout : la solitude, qui te rend un peu zinzin, la fatigue, et la compétition, qui te fait te poser 36 000 questions. » Pour elle aussi, ce tour du monde est un véritable « roller coaster » émotionnel. "Un moment, tu te dis que tu es la personne la plus chanceuse au monde, et tu ne voudrais échanger ta place pour rien. Heureusement, ces moments sont nombreux. Mais parfois, tu donnerais tout pour dormir dans un lit qui ne bouge pas, qu’on te laisse tranquille, et que tu n’aies pas à résoudre de problèmes."

Et c’est bien ça, le Vendée Globe : une alternance constante entre euphorie et épuisement, entre extase et lassitude. Une aventure où chaque émotion est vécue en grand, sans demi-mesure.

Retrouvez chaque jour notre analyse météo de la course avec METEO CONSULT Marine dans notre dossier spécial Vendée Globe.

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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