Naviguer et vivre sur l’eau douce

Que vous soyez un marin expérimenté ou que vous débutiez dans l’univers du bateau, la navigation fluviale s’offre à vous. Les sensations sont différentes de celles offertes par les sorties en mer mais leur charme est indéniable. La France offre un "terrain de jeu" idéal, avec 8500 km de voies navigables « qui permettent de relier le Canal du Midi et l’Alsace par exemple et qui se poursuivent dans toute l’Europe, présente Anne-Fleur Noual, directrice marketing chez Locaboat, l’un des spécialistes des croisières fluviales. Cet été, j’ai rencontré des navigants sur le Canal du Midi qui rejoignaient la Pologne. »
L’aménagement du vaste réseau est confié à l’opérateur public Voies Navigables de France. Il est exploité par des loueurs - organisateurs de séjours comme Locaboat ou Le Boat deux acteurs majeurs du marché. « Nous disposons de 33 bases de départ en France et à l’étranger, de 950 bateaux habitables qui font tous moins de 15 mètres et sont pilotables sans permis », indique de son côté Emily Deighton, responsable presse et des partenariats chez Le Boat.
L’usage des cours d’eau comme site de navigation daterait des années 70 en France. « Ce sont les Anglais qui ont initié le tourisme fluvial sur notre réseau. La pratique existait déjà sur leur territoire, ils l’ont développée chez nous avec une météo plus favorable », indique Max Gérard co-gérant d’H2O, la structure qui exploite le plus grand port de plaisance en eaux intérieures de France à Saint-Jean de Losne en Bourgogne. Depuis, la pratique a séduit de ce côté-ci de la Manche aussi. « Nos chiffres ne cessent de croitre d’année en année. Les Germanophones (45 %) devancent largement les Français (20 % de notre clientèle) », précise Anne-Fleur Noual. Il faut dire que la pratique coche toutes les cases de ce que les gens recherchent aujourd’hui. Le slow tourisme qui prône la lenteur, la communion avec la nature et pourquoi pas la détox numérique trouve ici sa pleine expression. Pas étonnant qu’il ait connu un puissant essor après la période Covid. « Nos clients découvrent une nouvelle manière de naviguer, un point de vue différent sur les régions. Sur certains sites, où l’amarrage sauvage est autorisé, ils peuvent se réveiller tous les matins dans un nouveau décor », ajoute Emily Deighton. En France, le Canal du Midi et la Bourgogne en tête puis l’Alsace, la Charente, la Bretagne comptent parmi les destinations préférées des usagers. Les régions du nord gagnent du terrain pour leur climat plus tempéré.
Les bateaux de moins de quinze mètres se pilotent sans permis et avancent à 10 km/h maximum. Avant de partir, les utilisateurs suivent une courte formation de sécurité et reçoivent des instructions pour savoir quitter le port, s’amarrer et surtout comment passer une écluse, c’est le point clé pour les débutants.
Vivre sur le fleuve et entretenir son embarcation
Outre cet engouement touristique pour un usage ponctuel des eaux intérieures, certains ont fait le choix de vivre sur l’eau toute l’année. « De plus en plus de Français s’intéressent à l’habitation sur des bateaux. C’est souvent motivé par le lien à la nature », observe Max Gérard. À Saint-Jean de Losne, véritable communauté sur l’eau, 650 bateaux sont amarrés, 370 de ces emplacements sont gérés par la société H2O. « Nous avons un port principal sur des pontons classiques où 10 % des bateaux sont habités. » Un autre site, encore plus accueillant, dispose de jardins pour ses cinquante emplacements ; ici 70 % des navires sont occupés à l’année. La société propose divers services aux plaisanciers : aménagement des emplacements, entretien et vente de bateaux.
Pour les embarcations de plus de vingt mètres, un contrôle technique est obligatoire tous les dix ans si on veut naviguer. « L’expert vérifie notamment les réseaux de gaz et d’électricité, le moteur, les feux de navigation, les équipements de sécurité... » Les exigences sont établies par le listing ESTRIN du Comité européen pour l’élaboration de standards dans le domaine de la navigation fluviale (CESNI).
Un point d’attention doit être porté à la coque. Les opérations de carénage sont nécessaires même sur l’eau douce. « On sort le bateau moins souvent qu’en mer », précise Max Gérard. En navigation fluviale, il est moins gênant d’avoir des plantes qui s’accrochent. « Et puis on ne va pas utiliser d’antifouling. Nous conseillons plutôt un Brai epoxy ou un Brai vinylique, des peintures à matrice dure qui résistent dans le temps. Il faut renouveler l’opération tous les cinq ans. » Les péniches à fond plat, les modèles de gabarit dit "Freycinet" que l’on a tous en tête, jadis utilisées pour le transport de marchandises, ne sont plus majoritaires sur nos eaux intérieures. « 60 % des bateaux que nous accueillons à Saint-Jean de Losne sont plus récents, et peuvent aussi naviguer en mer, en côtier. »