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Qu’il semble loin le temps des bidons d’eau supplémentaires accrochés au bastingage avant une transat ou de la lampe à huile suspendue au-dessus de la table du carré. Les technologies modernes permettent d’envisager de voyager de manière toujours plus autonome, à condition de ne pas en devenir esclave. C’est la double conclusion que nous avons tiré à la lecture de la très intéressante étude publiée par l’association Sail The World (STW) en début d’année et de nos propres observations. Tous les sujets abordés dans ce document d’une vingtaine de pages ne pouvant être traités en une seule fois, nous reviendrons dans un prochain article sur des équipements tels l’annexe, les moyens de communication, ou encore la sécurité. Mais commençons par les deux sujets tout en haut de la liste des préoccupations de nos marins aguerris, l’électricité et l’eau.
Energies douces à profusion
Au croisement de la sécurité et du confort à bord d’un bateau est la fée électricité. En avance sur les terriens, les marins du XXI° siècle disposent le plus souvent à leur bord, d’un mix d’énergies vertes illustrant l’attention qu’ils portent à leur environnement. L’objectif est clair, utiliser le moins possible, voire idéalement pas du tout, les moteurs thermiques comme moyens de recharge. Nos voiliers de croisière modernes sont les supports parfaits pour expérimenter et combiner l’ensemble des solutions vertueuses disponibles. Les surfaces de roof, notamment sur les multicoques, mais aussi les portiques sur les monocoques, permettent l’installation de panneaux solaires en nombre, et disposer de 1000 W utiles, qui fonctionneront aussi bien en mer qu’au mouillage, ne surprend plus personne. L’autre avantage de naviguer sur des carènes modernes et puissantes réside dans leurs potentielles vitesses moyennes, plutôt élevées pour peu que l’on soigne les réglages. On voit donc nombre de jupes arrière accueillir des hydrogénérateurs, à l’image des fameux Watt&Sea lancés par un certain Yannick Bestaven, vainqueur du dernier Vendée Globe, un modèle particulièrement performant, issu de la course au large. Les unités les plus véloces s’équipent même de la version Racing, certes plus coûteuse, mais quand le speedo indique régulièrement deux chiffres avant la virgule, c’est bien celui qui convient avec son hélice à pas variable. Les témoignages recueillis sur les pontons corroborent les données théoriques, avec 20 A en sortie à 10 nœuds de vitesse et 9 à 10 Ampères dès 6 nœuds. Le tout sans plus de bruit que celui du sillage et avec un impact sur la vitesse qui ne se voit que deux chiffres après la virgule. L’éolienne en revanche recule doucement, notamment sur les multicoques, qui représentent une part toujours plus importante des bateaux en balade. Malgré les progrès réalisés en la matière, le bruit inhérent à l’engin est la première raison invoquée pour s’en passer. Une petite appréhension existe également quant au risque d’accident, de la bosse de ris qui vient s’y emmêler aux doigts du maladroit qui viendront s’y aventurer douloureusement. Enfin, hors zones septentrionales, son faible rendement au portant comme dans les mouillages abrités, finissent de convaincre beaucoup de marins de s’en passer.

Et en plus on la stocke…
Mais toutes ces sources d’énergie, nouvelles et propres, n’ont de sens que si on peut stocker efficacement l’électricité qu’elles produisent. En attendant la prochaine rupture technologique en la matière, promise grâce aux nanotechnologies, les batteries lithium séduisent de plus en plus de circumnavigateurs. Associant une masse réduite à une plage d’utilisation étendue, elles répondent parfaitement au cahier des charges d’un grand voyage. L’offre se développant, leur prix a fortement décru ces dernières années, les rendant presque raisonnables, en tous cas relativement à l’investissement global. La combinaison de sources multiples et performantes avec une capacité de stockage accrue pousse en tous cas le groupe électrogène vers la sortie, alors qu’il était encore jugé quasi-indispensable il y a de cela encore seulement quelques années. Seule une climatisation énergivore pourrait encore en justifier la présence, mais les marins vraiment modernes privilégient la ventilation naturelle.
De l’eau douce à volonté
Même s’il n’arrive qu’au troisième rang des préoccupations des circumnavigateurs ayant répondu à l’enquête Sail The World, le sujet de l’eau est bien sûr critique dans un projet de grand voyage. Pas étonnant que l’on s’approche alors de 100% de bateaux équipés d’un dessalinisateur. D’au minimum 60 l/h, souvent autour de 100 l/h, parfois, pour les plus grosses unités, capables de produire 200 litres d’eau douce par heure, ils sont calibrés pour répondre efficacement à la consommation du bord, tout en allégeant les réservoirs de centaines de litres d’eau. Alors, avec de l’eau douce à volonté ou presque, se sont invitées à bord, remisant aux oubliettes, ou plutôt à fond de cale, la corvée de recherche du lavomatic le plus proche. De même, certains n’hésitent pas à alimenter en eau douce leurs toilettes, de plus en plus fréquemment électriques et consommant finalement peu d’eau. Mécanique préservée du sel, et réduction drastique du risque de mauvaises odeurs sont les deux avantages attendus par cette astuce en vogue. Enfin, réservoirs et robinets dédiés à l’eau de boisson apparaissent de plus en plus souvent à bord des bateaux de grande croisière. Eau du dessalinisateur reminéralisée, ou eau des réservoirs standards soigneusement filtrée, c’est le meilleur remède aux lourds packs d’eau et aux quantités industrielles de déchets plastiques qu’ils produisent. Ajoutez-y une gourde individuelle pour chaque équipier et vous vous sentirez en bien meilleure harmonie avec l’environnement marin qui vous accueille.