Le Mayflower, du navire marchand au berceau d’une nation

Culture nautique
Par Le Figaro Nautisme

Avant de devenir le symbole d’une épopée fondatrice, le Mayflower fut avant tout un solide trois-mâts anglais construit vers 1607, probablement sur la côte du Kent ou du Suffolk. C’était un navire marchand typique de son époque, taillé pour le cabotage européen.

Mayflower II, réplique du premier ©Wikipédia
Avant de devenir le symbole d’une épopée fondatrice, le Mayflower fut avant tout un solide trois-mâts anglais construit vers 1607, probablement sur la côte du Kent ou du Suffolk. C’était un navire marchand typique de son époque, taillé pour le cabotage européen.

Long d’environ 30 mètres pour une jauge de 180 tonneaux, il servait aux échanges entre l’Angleterre, la France et les Pays-Bas. Il transportait du vin, du sel, du lin, du poisson ou encore des bois précieux, naviguant entre La Rochelle, Bordeaux et Londres. Son capitaine, Christopher Jones, un marin chevronné originaire d’Harwich, en possédait une partie et connaissait bien ces routes commerciales.

Durant plus d’une décennie, le Mayflower mena cette vie tranquille de navire de commerce, jusqu’à ce qu’une traversée particulière le fasse entrer dans l’Histoire. En 1620, il fut affrété pour une mission bien différente : transporter vers l’Amérique un groupe de dissidents religieux anglais, les futurs "Pères pèlerins", déterminés à fonder une colonie où ils pourraient vivre librement leur foi.

Un départ incertain et une traversée périlleuse

Le projet prit forme à Londres, soutenu par la London Virginia Company et des investisseurs désireux d’étendre la présence anglaise au Nouveau Monde. Deux navires furent choisis : le Mayflower et le Speedwell. Le premier, robuste, transportait les colons et leurs provisions ; le second, plus petit, devait les accompagner. Mais dès la Manche, le Speedwell enchaîna les avaries et dut abandonner à Dartmouth. Les deux équipages se regroupèrent alors sur le Mayflower, qui appareilla seul le 6 septembre 1620 depuis Plymouth, avec 102 passagers et environ 30 membres d’équipage.
La traversée fut éprouvante. Les vents contraires, la promiscuité et les tempêtes rendirent la vie à bord difficile. Les passagers dormaient dans la cale basse, sans lumière ni aération, au milieu des vivres et des tonneaux d’eau douce. La nourriture se gâtait, l’humidité imprégnait tout, et la maladie se répandait. Malgré cela, un seul passager mourut en mer, tandis qu’un bébé, Oceanus Hopkins, naquit au milieu de l’Atlantique.
Le 9 novembre, après soixante-six jours de mer, la vigie aperçut enfin la côte américaine. Mais le navire avait dérivé : au lieu d’atteindre la Virginie, il se trouvait face aux rivages froids du Massachusetts, à l’entrée de ce qui deviendrait Cape Cod.

Le Mayflower Compact, un texte fondateur

Avant de débarquer, les colons prirent une décision qui marquera l’histoire politique américaine : rédiger un accord fixant les règles de leur nouvelle communauté. Le Mayflower Compact fut signé le 11 novembre 1620 par 41 hommes. Il établissait les bases d’un gouvernement local fondé sur la majorité et la coopération. Cet acte, simple et pragmatique, est aujourd’hui considéré comme la première forme d’autogouvernance démocratique du monde colonial anglais.
Après plusieurs semaines d’exploration, les colons choisirent un site pour s’établir, qu’ils baptisèrent Plymouth, en hommage à leur port de départ. L’hiver fut terrible. Le scorbut, la faim et le froid décimèrent la colonie : plus de la moitié des passagers périrent avant le printemps. Ceux qui survécurent durent leur salut à l’aide des Wampanoags, peuple autochtone qui leur enseigna à cultiver le maïs et à chasser sur ces terres nouvelles.

Nautisme Article
Le Mayflower dans le port de Plymouth peint par William Halsall © Wikipedia

Le dernier voyage du Mayflower

Pendant ces longs mois, le navire resta à l’ancre, servant d’abri et d’entrepôt flottant. Lorsque la colonie fut stabilisée, au printemps 1621, le capitaine Jones décida de rentrer en Angleterre. Le Mayflower appareilla en avril, chargé seulement de son équipage, et atteignit Londres début mai après un retour éprouvant.
Le navire ne reprit jamais la mer pour l’Amérique. Christopher Jones mourut peu après, en mars 1622, et son bâtiment, laissé à quai, fut abandonné. En 1624, la coque fut jugée hors d’usage et vendue pour être démantelée. Une légende tenace veut que son bois ait servi à construire une grange dans le Buckinghamshire, toujours visible sous le nom de Mayflower Barn.

Un mythe plus fort que le bois

Si le Mayflower disparut physiquement, son histoire, elle, prit une ampleur considérable. Dès le XVIIIe siècle, il devint un symbole de courage, de foi et de liberté. Les descendants des passagers, fiers de leur ascendance, contribuèrent à forger le mythe des "Pères fondateurs". L’épisode fut célébré comme le premier chapitre de l’Amérique moderne, où un groupe d’hommes et de femmes osa traverser l’océan pour bâtir une société nouvelle. Au XXe siècle, plusieurs répliques du navire furent construites, dont la plus célèbre, Mayflower II, lancée en 1957 à Plymouth (Angleterre) et offerte aux États-Unis. Restaurée en 2020 pour le 400e anniversaire de la traversée, elle témoigne encore aujourd’hui de cette aventure humaine et maritime hors du commun.
De simple navire de commerce devenu vaisseau d’espoir, le Mayflower reste l’un des symboles les plus puissants de la naissance d’une nation. Son bois a disparu, mais son histoire continue de flotter sur l’océan de la mémoire collective, rappelant que parfois, ce sont les plus modestes des bateaux qui portent les plus grands rêves.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
Max Billac
Max Billac
Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…
Cyrille Duchesne
Cyrille Duchesne
Cyrille Duchesne
Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...
Irwin Sonigo
Irwin Sonigo
Irwin Sonigo
Capitaine 200 et ancien embarqué dans la Marine nationale, Irwin Sonigo a exploré toutes les facettes de la navigation. Des premiers bords sur un cotre aurique de 1932 à la grande plaisance sur la Côte d’Azur, en passant par les catamarans de Polynésie, les voiliers des Antilles ou plusieurs transatlantiques, il a tout expérimenté. Il participe à la construction d’Open 60 en Nouvelle-Zélande et embarque comme boat pilote lors de la 32e America’s Cup. Aujourd’hui, il met cette riche expérience au service de Figaro Nautisme, où il signe des essais et reportages ancrés dans le réel.