Queen Anne’s Revenge : le vaisseau maudit du légendaire Barbe Noire

Culture nautique
Par Le Figaro Nautisme

Il y a des navires qui deviennent des mythes. Le Queen Anne’s Revenge fait partie de ceux-là. En un peu plus d’un an d’existence sous ce nom, il est passé du statut de simple bâtiment de commerce à celui de terreur des océans, vaisseau amiral du pirate le plus redouté de son temps : Edward Teach, alias Barbe Noire. Plus de trois siècles après avoir sombré dans les eaux de Caroline du Nord, son histoire continue de fasciner marins, historiens et rêveurs.

Il y a des navires qui deviennent des mythes. Le Queen Anne’s Revenge fait partie de ceux-là. En un peu plus d’un an d’existence sous ce nom, il est passé du statut de simple bâtiment de commerce à celui de terreur des océans, vaisseau amiral du pirate le plus redouté de son temps : Edward Teach, alias Barbe Noire. Plus de trois siècles après avoir sombré dans les eaux de Caroline du Nord, son histoire continue de fasciner marins, historiens et rêveurs.
© Wikipedia

Des cales de commerce à la piraterie : la métamorphose d’un navire ordinaire

Avant de devenir le cauchemar des Caraïbes, le navire n’était qu’un vaisseau français construit vers 1710 à Nantes, baptisé La Concorde. Il appartenait à des armateurs de Saint-Malo et servait dans la traite négrière, reliant régulièrement les côtes africaines à la Martinique. En novembre 1717, alors qu’il revenait d’Afrique avec des captifs et des denrées, il est intercepté au large de Saint-Vincent par un groupe de pirates mené par Barbe Noire, alors lieutenant de Benjamin Hornigold.
Teach, fasciné par la taille et la robustesse du navire, décide de s’en emparer. Il fait libérer ou enrôler une partie de l’équipage, débarque les autres sur une plage, et transforme La Concorde en machine de guerre. Quarante canons, un gréement renforcé, une coque peinte de noir et un nom provocateur : Queen Anne’s Revenge. Ce nouveau baptême fait référence à la reine Anne d’Angleterre, dont la mort avait marqué la fin de la guerre de Succession d’Espagne et la montée du pouvoir hanovrien. Certains y voient un pied de nez politique, d’autres une ironie noire : l’ancien corsaire se venge d’un royaume qu’il ne sert plus.

L’âge d’or du pavillon noir

À partir de ce moment, Barbe Noire devient le maître incontesté des Caraïbes. Le Queen Anne’s Revenge écume les routes marchandes entre les Antilles, les Bahamas et la côte américaine. Son allure est terrifiante : un grand vaisseau noir crachant la fumée de mèches de chanvre allumées dans la barbe de son capitaine. Teach, qui savait jouer du théâtre autant que du canon, utilisait cette image pour semer la panique avant même le combat.
En quelques mois, il s’empare de dizaines de navires. Ses prises sont rapides, efficaces, presque chirurgicales. Peu de sang coule : la réputation de Barbe Noire suffit. Les récits des témoins parlent d’un homme d’une intelligence redoutable, aussi charismatique qu’imprévisible, capable d’imposer le respect à plus de deux cents hommes.
Son apogée survient au printemps 1718, lorsqu’il bloque le port de Charleston, en Caroline du Sud. Le blocus dure une semaine entière : aucun navire n’entre ni ne sort. Barbe Noire réclame une rançon et du matériel médical, laissant la ville paralysée par la peur. Il repart ensuite sans effusion de sang, prouvant qu’il n’avait pas besoin de tuer pour régner.

Reproduction du Queen Anne's Revenge pour le film Pirates des Caraibes : La Fontaine de Jouvence
Reproduction du Queen Anne's Revenge pour le film Pirates des Caraibes : La Fontaine de Jouvence © Wikipedia

Le naufrage et la disparition

Quelques semaines plus tard, le destin bascule. En remontant la côte vers le nord, le Queen Anne’s Revenge s’échoue sur un banc de sable à l’entrée du canal de Beaufort, en Caroline du Nord. Les tentatives pour le renflouer échouent, et le navire est abandonné.
Depuis, les historiens débattent : accident ou stratégie ? Certains pensent que Barbe Noire a volontairement provoqué le naufrage pour se débarrasser d’un équipage devenu trop nombreux ou trop coûteux à nourrir. D’autres y voient la simple erreur d’un capitaine sûr de sa chance. Quoi qu’il en soit, Teach disparaît peu après, s’installe un temps à Bath, puis reprend la mer avant d’être tué en novembre 1718 lors d’un combat acharné contre les forces britanniques du lieutenant Robert Maynard. Sa tête, suspendue au bout du beaupré du navire vainqueur, fit le tour des ports comme un avertissement.

Trois siècles de silence avant la redécouverte

Le Queen Anne’s Revenge dort alors sous le sable et les coquillages pendant près de 280 ans. En 1996, une équipe d’archéologues sous-marins localise une épave au large de Beaufort Inlet, à quelques mètres de profondeur. La disposition des canons, la vaisselle française, les instruments de navigation, tout concorde : c’est bien le navire de Barbe Noire.
Depuis, plus d’un million d’objets ont été remontés à la surface, offrant une plongée unique dans le quotidien d’un équipage pirate du XVIIIe siècle. Parmi les trouvailles les plus marquantes : des seringues d’étain utilisées pour les soins à bord, des pièces d’or espagnoles, des fragments de sabres, des outils de chirurgien, des bouteilles de verre intactes, et même la cloche du bord, gravée d’un symbole royal français. Chaque objet raconte un fragment de vie, un repas avalé à la hâte, une bataille, un soin, une attente.
Ces découvertes ont permis de mieux comprendre la réalité de la piraterie : une organisation plus structurée qu’on ne l’imaginait, avec des hiérarchies, des règles et un sens du partage entre membres d’équipage.

Localisation de l'epave
Localisation de l'epave© Wikipedia

Un héritage vivant

Aujourd’hui, les artefacts du Queen Anne’s Revenge sont exposés au North Carolina Maritime Museum, à Beaufort, où chercheurs et passionnés continuent de reconstituer l’histoire du navire. Le site de l’épave est classé, protégé, et régulièrement étudié. Les campagnes de fouilles se poursuivent avec minutie, car les objets fragiles nécessitent des années de restauration avant d’être présentés au public.
Mais au-delà de la science, c’est la légende qui perdure. Celle d’un capitaine mi-homme, mi-démon, d’un navire devenu synonyme de liberté absolue et de défi à l’ordre établi. Le Queen Anne’s Revenge n’était pas seulement une arme de guerre : c’était le prolongement de l’ambition démesurée de Barbe Noire, un trône flottant pour un roi sans couronne.

Le fantôme de Barbe Noire

Certains pêcheurs jurent encore entendre, les soirs de brume, le grincement des mâts et les échos d’un rire dans les eaux de Beaufort Inlet. L’histoire a gardé son mystère : le trésor de Barbe Noire, lui, n’a jamais été retrouvé. Peut-être dort-il toujours quelque part sous la vase, ou peut-être n’a-t-il jamais existé. Mais peu importe : le véritable trésor du Queen Anne’s Revenge, c’est l’imaginaire qu’il a laissé.
Dans les livres, les films, les jeux vidéo ou les récits de marins, ce navire continue de naviguer, porté par le souffle des légendes. Sous ses voiles invisibles, il rappelle que la mer, parfois, garde mieux les mythes que les hommes.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
Max Billac
Max Billac
Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…
Cyrille Duchesne
Cyrille Duchesne
Cyrille Duchesne
Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...
Irwin Sonigo
Irwin Sonigo
Irwin Sonigo
Capitaine 200 et ancien embarqué dans la Marine nationale, Irwin Sonigo a exploré toutes les facettes de la navigation. Des premiers bords sur un cotre aurique de 1932 à la grande plaisance sur la Côte d’Azur, en passant par les catamarans de Polynésie, les voiliers des Antilles ou plusieurs transatlantiques, il a tout expérimenté. Il participe à la construction d’Open 60 en Nouvelle-Zélande et embarque comme boat pilote lors de la 32e America’s Cup. Aujourd’hui, il met cette riche expérience au service de Figaro Nautisme, où il signe des essais et reportages ancrés dans le réel.