
Quelle est votre situation actuellement ? « Un club comme le nôtre a trois problèmes : les régates, qui occupent environ 120 jours par an avec des grandes rencontres comme le Spi Ouest France qui regroupe 400 bateaux, l’ArMen Race USHIP avec plus de 200 bateaux… Nous passons notre temps actuellement à décaler les dates sur un calendrier déjà bien chargé, et en se sachant pas du tout si on va arriver à les faire ou pas. Pour l’instant, on essaye d’entretenir le moral des troupes mais rien n’est garanti malheureusement, même pour juillet…
Ensuite, le problème se complique pour nous avec l’école de sport car on a une cinquantaine de jeunes de tous âges qui sont en entraînement pour les compétitions sportives fédérales. La rentrée de mars n’a même pas eu lieu, donc ils ne naviguent pas et ne sont pas entraînés. Enfin, la voile scolaire ne fonctionne pas non plus. Et les stages pour cet été… D’habitude, nous avons environ 1 400 stagiaires l’été, là c’est très incertain, surtout pour les conditions sanitaires car nous leur prêtons des combinaisons par exemple. La question de la décontamination se pose. Comment les regrouper pour les cours à terre ? Autant de points pour lesquels nous n’avons aucune directive particulière à part que cela ne se fera pas comme d’habitude. »

Quel est l'impact sur votre calendrier de régates ? « Pour l’instant, les régates de juin sont maintenues mais a priori elles risquent de ne pas se faire… La Duo Cat-Amania par exemple se déroule sur une semaine avec des escales tous les soirs, avec une cinquantaine de bateaux et des équipages en double, et ce qui plaît beaucoup c’est l’ambiance à terre. Là, sans restaurants, sans rien… Elle ne se fera certainement pas, d’autant plus à cause de son itinérance dans tous les ports autour. Les régates de mai sont reportées en août, l’ArMen Race est reportée début septembre avec un parcours réduit, le Spi Ouest France se déroulera le 25 septembre, et pour la Mini en Mai nous sommes en train de réfléchir à son report en septembre, avec un parcours réduit également, ou alors le parcours se fera pendant le Spi… c’est en pourparlers. Les régates corporatives ont été annulées. »

La situation doit être particulièrement tendue d'un point de vue financier ? « C’est compliqué en effet car un club comme le nôtre, c’est un chiffre d’affaires de 900 000 euros par an et cette année, on a rentré à peine 25 000 euros. Nous avons eu la chance l’année dernière de faire une très belle année. On pensait investir dans de nouveaux bateaux mais finalement, cela permettra de maintenir la Société Nautique et le personnel à flot. »
Le tourisme et la plaisance sont indissociables en Bretagne, ce qui en fait une région particulièrement touchée ? « La région Bretagne a mené une enquête sur le tourisme et a observé un résultat curieux sur les attraits touristiques de la Bretagne : la navigation arrive seulement en 13e position. Ils ont donc cherché des solutions pour remédier à cela et nous avons l’intention de développer à la Trinité-sur-Mer un centre d’entraînement pour les étudiants sur des J70. Les deux projets se sont trouvés convergents et donc cette année la région nous soutient à hauteur de 35% pour le centre d’entraînement. On se retrouve à créer cela en ce moment. Cela donne une autre dimension de l’après, on a un enjeu à défendre puisqu’on a des comptes à rendre à la région et au département, c’est motivant ! Nous avions déjà deux J70, cette année on en commande deux mais avec la crise, le chantier a stoppé sa production, on ne les aura qu’en fin de saison. Et on en commandera deux l’année prochaine. Dans le même temps, on essaye de trouver le soutien d’entreprises pour entretenir ces bateaux et minimiser nos budgets. »
Êtes-vous prêt à reprendre rapidement vos activités ? « Nous avons cinquante bateaux à l’école de voile : des dériveurs, des catamarans, une dizaine de zodiac de toute taille et deux grosses vedettes pour les comités de course. Tous ces bateaux sont prêts à partir, tout est prêt. En trois jours de temps, tout sera en place pour reprendre le plus rapidement possible. Pour ce qui est du personnel, pour l’été, nous recrutons une vingtaine de moniteurs. Cette année, nous les prévenons qu’ils ne travailleront pas à plein temps, et que nous ne pourrons hélas pas tous les engager… L’impact économique local est important ! Les commerçants qui sont situés sur le port, s’ils sont là, c’est bien parce qu’il y a beaucoup de régates tout au long de l’année, et que c’est grâce à cela qu’ils font leur chiffre d’affaires. En début d’année nous avons dû annuler certaines régates à cause de la météo et cela les a déjà impactés.
Contrairement à d’autres clubs comme La Rochelle, Cherbourg ou Le Havre, nous sommes une toute petite ville donc l’impact est beaucoup plus direct. Dans ces grandes villes l’impact est moindre puisque ce sont de grosses cités touristiques, à la Trinité-sur-Mer, nous sommes que 1 600 votants. »
Le calendrier sportif est déjà bien chargé, n'avez-vous pas eu de difficultés à reporter les régates ? « Nous avons des difficultés pour reporter les courses, nous avons besoin de l’accord de la Fédération Française de Voile. La chance que nous avons eue c’est qu’il y a peu de régates programmées en septembre chez nous. Avec la Nuit de l’ArMen Race USHIP décalée au 5 septembre, nous sommes face à l’Atlantique Le Télégramme à Lorient (le week-end du 11-13 septembre). La question de la concurrence s’est posée. Nous avons alors tranché : nous allons faire notre parcours et la ligne d’arrivée ne sera pas à La Trinité mais à Lorient. Comme cela, les bateaux qui veulent faire la course à Lorient peuvent, et pour les autres, nous allons faire une régate de retour, que l’on doit encore définir. On doit s’arranger avec les clubs locaux, ce qui est logique. »

Comment voyez-vous la reprise ? « Je la vois très mal. Nous avons une régate en juillet qui fait La Trinité-Cowes. Actuellement, on ne sait pas si on pourra partir de France, si les Anglais pourront nous accueillir… Donc dans le cas où cela ne serait pas possible, nous envisageons d’aller à Saint-Malo ou à Cherbourg puisqu’après il y a la Drheam Cup qui part fin juillet, donc cela pourrait se combiner. Il va falloir revoir les consignes de sécurité et sanitaires. Des équipages qui naviguent à 6 devront peut-être naviguer à 3 car plus d’espace à bord… Il y a beaucoup de choses que l’on ignore encore. »