
Figaro Nautisme : vous êtes animateur territorial en Martinique pour le Plan National d'Actions en faveur des tortues marines aux Antilles françaises. Pouvez-vous nous le présenter ainsi que ses principales missions ?
Alexis Guilleux : « Le Plan National d’Actions en faveur des tortues marines aux Antilles françaises est un cadre stratégique dont l’objectif est l’amélioration de l'état de conservation des espèces de tortues marines qui fréquentent les plages et les eaux des Antilles françaises, dont la Guadeloupe, la Martinique et Saint-Martin. Il s’étend sur dix ans (2020-2029), le temps de lancer les études, d’agir sur le terrain et d’en mesurer les effets. Les tortues vivent longtemps, et leurs populations évoluent lentement : nos résultats se lisent sur le long terme. »
Figaro Nautisme : concrètement, quelles sont vos actions sur le terrain ?
Alexis Guilleux : « Le Plan National d’Actions repose sur trois piliers : la conservation, la connaissance et la sensibilisation. Cela passe par la protection des sites de ponte, la réalisation d’études et la communication auprès du public, que ce soit lors d’événements ou via les médias. Mon rôle est de coordonner ces actions et d’assurer leur cohérence entre les différents acteurs du territoire. »
Figaro Nautisme : quels sont les acteurs de ce Plan ?
Alexis Guilleux : « Le Plan réunit de nombreux acteurs : bureaux d’études, associations, organismes d’états, clubs de plongée, communes... et surtout des bénévoles, essentiels à sa mise en œuvre. L’un des programmes les plus connus est le suivi des traces de ponte, réalisé au petit matin par une centaine de volontaires tout autour de l’ile de la Martinique. Un autre dispositif, le réseau échouage, permet de signaler les tortues mortes, blessées ou désorientées afin d’intervenir rapidement. Ces manipulations nécessitent une formation et un cadre légal strict, encadré par arrêté préfectoral. »
Figaro Nautisme : quelles sont les espèces de tortues qui sont concernées par ce Plan ?
Alexis Guilleux : « Trois espèces viennent pondre en Martinique : la tortue luth, la plus grande et la plus menacée, la tortue imbriquée, la plus fréquente sur l’île, et la tortue verte, dont les effectifs augmentent à nouveau. Cette dernière n’est d’ailleurs plus classée en danger d’extinction. »
Figaro Nautisme : comment expliquez-vous que la tortue luth soit en danger, alors que la population de tortues vertes, elle, augmente ?
Alexis Guilleux : : « Les tortues vertes et imbriquées vivent près des côtes, où elle se nourrissent sur les herbiers et récifs coralliens, qui sont des zones plus facilement surveillées et protégées. En revanche, les tortues luth évoluent et se nourrissent en haute mer, souvent dans des eaux internationales, où les possibilités d’action pour leur protection sont beaucoup plus limitées. Aussi les tortues luth subissent une forte pression de pêche accidentelles, issues de pêches illégales, qui sévissent sur le plateau des Guyanes qui accueillait historiquement les plus grosses colonies mondiales ».
Figaro Nautisme : la pêche est donc une menace pour les populations de tortues. Qu’en est-il de la pollution des océans ?
Alexis Guilleux : : « La pollution plastique est une menace réelle, mais ce n’est pas la principale. Aux Antilles, une des menaces majeures reste la destruction des plages de ponte : urbanisation, pollution lumineuse et érosion des plages. En Martinique, presque toutes les plages accueillent des pontes - une bonne nouvelle, mais qui rend complexe leur protection et surveillance. Plusieurs projets de restaurations écologiques des sites de ponte ont vu le jour au cours des dernières années. »
Figaro Nautisme : concernant les activités nautiques comme les sorties en bateau ou la plongée : quelle est la règle numéro 1 à transmette aux plongeurs et aux plaisanciers selon vous ?
Alexis Guilleux : « La règle numéro 1 : ne jamais toucher une tortue marine. Pour observer sans déranger, iI faut garder au moins cinq mètres de distance, nager calmement sans geste brusque et sans les poursuivre. Les plongeurs encadrés respectent généralement cette consigne, mais les snorkeleurs, souvent influencés par les images des réseaux sociaux, cherchent parfois à s’approcher. Si vous croisez une tortue, ou tout autre animal marin, profitez du moment sans interagir : on observe calmement et on ne touche pas. »
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