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Vingt ans après sa disparition, Eric Tabarly demeure un mythe. Pourquoi est-il toujours aussi présent dans le coeur des français ?
"C’est quelqu’un qui a marqué son époque. Il a eu sa grande victoire en 1964, c’était le moment où la voile et le milieu de la plaisance se développait, avec l’arrivée du plastique. Il est arrivé à ce moment là et a contribué à faire grandir cette industrie nautique. Mais également par son charisme, il a étonné tout le monde ! Non seulement il est venu au bon moment mais il était exceptionnel dans sa discipline. Si j’analyse le phénomène, c’est quelqu’un qui dominait complètement sa discipline, et bien au-delà. Un peu à la manière de gens comme Jean Mermoz qui était exceptionnel dans son domaine et domine complètement son sport."
Humainement et techniquement, Tabarly a beaucoup apporté au monde de la voile et du sport... comment l'expliquez-vous ?
"Dans le monde de la voile, il était très apprécié car il gagnait souvent et il inventait des choses à chaque fois qu’il faisait des bateaux. Mais son aura allait bien au-delà du milieu de la voile parce qu’il avait une franchise et un impressionnant charisme, les gens étaient toujours étonné de le rencontrer."
Sponsoring, argent, techniques... La course au large a énormément évolué. D'après vous, comment Tabarly aurait-il perçu ces changements ?
"Je ne sais pas s’il aurait été précurseur… C’est quelqu’un qui fait parti d’une génération d’avant ceux qui gagnent actuellement qui sont excessivement bons, qui vont très vite et qui font appel à des techniques, des technologies de pointe au niveau des matériaux, de la communication, de la connaissance de la météo… et Eric, ce n’était pas du tout son truc. Il se serait surement mis au parfum ! Mais c’était plutôt un manœuvrier, un marin hors pair… il allait vite sur l’eau mais avec les moyens rudimentaires du bord. Il faut tout de même préciser qu’actuellement la grande nouveauté, et sur laquelle on continue à travailler, c’est les foils. Maintenant les bateaux sont équipés de foils, ils vont très vite jusqu’à 40-45 nœuds, et comme par hasard, Eric Tabarly dans les années 80 a été initiateur de cette nouvelle technique. En remontant encore dans le passé, cette technique était déjà mise en place depuis 1850 aux USA mais les bateaux naviguaient sur des plans d’eau fermés, sans vagues. Et lui a été le premier à concevoir un hydroptère de haute mer. Ce que l’on avait encore jamais fait."
Quel est l'héritage d'Eric ?
"20 ans après, c’est important de savoir ce qu’il a laissé. Donc la technique du foil mais également l’association Eric Tabarly qui a permis d’entretenir les bateaux et les cinq Pen Duick, qui naviguent actuellement à l’état quasi neuf grâce à l’aide d’une banque qui fait des dons tous les ans. Et il y a également la Cité de la Voile à Lorient qui s’est développé autour d’une cité, d’une exposition et il y a eu par la suite la création de nombreuses écuries de course, de fabricants de voiles, de mâts... c’est actuellement le pôle nautique numéro 1 en France."
Un souvenir personnel, une anecdote personnel sur Eric Tabarly ?
"J’ai connu Eric à 23 ans. J’ai eu la chance de naviguer sur Pen Duick 3, on a gagné avec 6h d’avance. Et jusqu’à sa disparition, on ne s’est pas quitté ! J'ai fait un premier livre sur lui en 1990 et quand il a disparu, j'ai travaillé sur un nouveau livre, pendant un an et qui s’appelait « A Eric ». Du coup 20 ans après, on réédite ce livre. Nous n'avons pas du tout changé la couverture qui est une photo absolument magnifique, nous avons juste changé le titre qui est devenu "Eternel Tabarly" et j’ai surtout fait un très grand préambule d’une vingtaine de pages pour expliquer, justement 20 ans après, quel regard on porte encore sur le personnage."
"Il a tellement marqué son temps que l’on ne peut pas s’empêcher de penser à lui… Au hasard d’un passage d’un bateau… à de multiples occasions. Une des dernières actions très importantes qu’il a eu : il a contribué au fait que le musée de la Marine reste au Trocadéro à Paris! Ce qui était très important pour lui, et pour les Français."
Le mot de la fin ?
"Très souvent quand ces personnes disparaissent, à l’image du commandant Cousteau, il n’est rien resté quasiment. Tandis que là, Gérard Petipas qui a été son navigateur et homme d’affaires, a réussi a trouver auprès des banques un appui financier pour entretenir les bateaux. Et actuellement les gens peuvent embarquer sur ces bateaux et naviguer sur les Pen Duick. Il est toujours présent à travers ces bateaux qui n’arrêtent pas de naviguer."
"Eternel Tabarly" sera mis en vente à partir du 6 juin 2018, aux Editions du Chêne au prix de 35 euros (240 pages, format 240 x 340).