« La Solitaire reste un monument de difficultés » – Entretien avec Julie Coutts

Solitaire du Figaro
Par Le Figaro Nautisme

Directrice de l’organisation de la Solitaire du Figaro Paprec, Julie Coutts nous plonge dans les coulisses de cette 56ème édition. Entre fidélité à l’ADN historique de la course, itinérance, défis logistiques inédits comme la remontée de la Seine depuis Rouen, et accompagnement des jeunes skippers, elle raconte comment la Solitaire continue de s’imposer comme l’une des épreuves les plus exigeantes de la course au large.

©Vincent Olivaud
Directrice de l’organisation de la Solitaire du Figaro Paprec, Julie Coutts nous plonge dans les coulisses de cette 56ème édition. Entre fidélité à l’ADN historique de la course, itinérance, défis logistiques inédits comme la remontée de la Seine depuis Rouen, et accompagnement des jeunes skippers, elle raconte comment la Solitaire continue de s’imposer comme l’une des épreuves les plus exigeantes de la course au large.

Le Figaro Nautisme : Comment se prépare un événement comme la Solitaire du Figaro, et quels sont les défis les plus marquants pour l’organisation ?

Julie Coutts : La Solitaire du Figaro est un événement annuel qui ne connaît jamais de pause dans sa préparation. C’est une mécanique bien réglée, presque comme du papier à musique. Le premier point critique, c’est le parcours : il conditionne une grande partie du travail. Chaque année, nous devons identifier quatre villes étapes, et nous avons à cœur de proposer un tracé nouveau pour surprendre marins, public, partenaires et médias.
L’organisation s’articule ensuite autour de deux volets. Le premier, nautique et sportif, est pris en main par le directeur de course : règles, instructions, communication avec les skippers, tracé exigeant et garant d’un spectacle intense. Le second concerne l’animation à terre : comment faire vivre la course dans les villes hôtes, comment animer les villages et accueillir le public. Pour cela, une équipe interne travaille toute l’année en lien avec les collectivités, afin de bâtir les villages et les programmes d’animations.

Le Figaro Nautisme : Ces villages proposent-ils les mêmes activités à chaque escale ?

Julie Coutts : On retrouve une base commune, car nos partenaires historiques, comme Suzuki, qui fête ses 20 ans de partenariat avec la course, assurent une présence forte sur chaque village avec des animations récurrentes. Mais ensuite, chaque escale se densifie différemment avec des partenaires locaux, des associations, des concerts, des présentations de skippers, des séances de dédicaces... L’idée est que chaque escale ait son identité tout en restant dans l’esprit de la Solitaire.

Le Figaro Nautisme : La Solitaire fête sa 56e édition. Comment préservez-vous son ADN historique tout en l’adaptant aux évolutions de la course au large ?

Julie Coutts : Nous tenons à conserver l’essence de la Solitaire : une course en solitaire, rude et exigeante, qui reste un véritable monument de difficultés pour les marins. C’est un défi de très haut niveau, autant dans la préparation que sur l’eau. L’itinérance est également un marqueur fort : parcourir la côte ouest, proposer des escales à l’étranger, célébrer le large. La Solitaire du Figaro n’a rien d’une régate côtière, c’est une épreuve au large qui met les marins face à la réalité de l’océan.

Le Figaro Nautisme : Comment déterminez-vous le parcours chaque année ?

Julie Coutts : Il y a d’abord nos envies sportives. Cette année, nous avions par exemple le souhait de remettre le Fastnet au programme, car c’est un passage historique qui marque toujours une carrière de marin. Nous voulions aussi inclure une escale à l’étranger pour donner une ouverture internationale. Ensuite, la réalité s’impose : trouver des villes prêtes à s’engager, sécuriser les financements, mettre en place les infrastructures. Heureusement, nous avons des collectivités partenaires fidèles. Rouen, par exemple, après avoir accueilli le Grand Départ en 2024, a souhaité immédiatement se repositionner pour 2025. Une fois ces intentions posées, tout le puzzle s’assemble.


Le Figaro Nautisme : Le départ depuis Rouen et la remontée de la Seine jusqu’au Havre représentent-ils un défi particulier ?

Julie Coutts : En 2024, c’était une première, donc source d’inquiétude. La traversée du pont Flaubert, axe central de Rouen, a nécessité une coordination minutieuse avec les autorités locales, car son ouverture a des conséquences importantes sur le trafic. Pour les marins, la remontée de la Seine est un effort supplémentaire, long et fatiguant. Mais en contrepartie, c’est un moment exceptionnel : entrer en plein cœur de Rouen, là où le public n’a pas l’habitude de voir ce type d’événement, crée une atmosphère unique. Le succès de 2024 a été tel que nous abordons 2025 beaucoup plus sereinement.

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Le Figaro Nautisme : Le tracé traverse des zones réputées redoutables comme le Fastnet ou le Golfe de Gascogne. Quelles qualités de marin seront mises à l’épreuve ?

Julie Coutts : Le Fastnet est impressionnant, surtout de nuit dans une mer formée, et demande beaucoup de concentration. Le Golfe de Gascogne, en septembre, est un piège à lui seul : il peut apporter les premières tempêtes automnales ou au contraire des conditions de pétole qui usent les nerfs. Enfin, les approches des ports d’arrivée sont souvent déterminantes : courants, effets de marée, vents capricieux... Un classement peut basculer dans les derniers milles. Cela s’est vu il y a deux ans à Roscoff, où certains marins sont restés bloqués des heures à quelques centaines de mètres de la ligne.

Le Figaro Nautisme : Avec 35 concurrents et de nombreux bizuths, comment les accompagnez-vous ?

Julie Coutts : La Classe Figaro assure un gros travail d’accompagnement à l’année. De notre côté, nous imposons des critères de sélection et de sécurité pour garantir que chaque marin et chaque bateau est prêt. Depuis 2024, nous avons aussi lancé le Défi Paprec : une première étape en double qui permet aux nouveaux de découvrir la Solitaire en douceur. En 2025, huit équipages seront au départ de Rouen pour cette expérience, qui les mènera jusqu’à Roscoff, en passant par le Fastnet pour certains : un vrai baptême.

Le Figaro Nautisme : On parle souvent de la Solitaire comme d’une "école de l’excellence". Qu’est-ce qui rend cette édition unique ?

Julie Coutts : C’est la diversité des situations rencontrées : le Fastnet, les longues traversées du Golfe de Gascogne, les arrivées piégeuses. Les marins expérimentent en une seule course la plupart des défis qu’ils retrouveront dans leur carrière au large. C’est une formation grandeur nature, dure et formatrice.

Le Figaro Nautisme : Quelles évolutions voyez-vous dans la course au large, et comment la Solitaire s’y adapte-t-elle ?

Julie Coutts : La course au large s’est profondément professionnalisée en quinze ans : équipes structurées, classes organisées, médiatisation renforcée. Pour continuer, nous devons accompagner l’innovation. La médiatisation digitale est un axe clé. Nos bateaux sont équipés de capteurs comparables à ceux de la Formule 1, mais nous n’exploitons pas encore ces données pour le grand public. Notre défi est de les rendre compréhensibles, attrayantes et de renforcer l’engouement. Il faut aussi travailler la starification des marins, pour qu’ils ne soient pas médiatisés seulement une fois chaque année, sur une période donnée, mais suivis tout au long de l’année.

Le Figaro Nautisme : Au-delà du sportif, quel héritage souhaitez-vous laisser avec l’édition 2025 ?

Julie Coutts : Notre objectif est de faire découvrir ce sport à de nouveaux publics. Le fait que la course se déroule entièrement en septembre est une chance, car cela permet d’accueillir de nombreux scolaires, notamment à Rouen. Les jeunes vont rencontrer les marins, comprendre leur quotidien, et être sensibilisés à la protection des océans. Nous arrivons aussi pour la première fois à Saint-Vaast-la-Hougue pour l’arrivée finale : un territoire nouveau qui découvrira la course. L’héritage, c’est d’élargir le public de la Solitaire et de transmettre une culture maritime à ceux qui n’y ont pas facilement accès.

Le Figaro Nautisme : À quelques jours du départ, quels sont vos derniers défis ?

Julie Coutts : Désormais, notre attention se porte sur la météo, qui conditionnera l’ambiance et la première étape. Nous sommes dans la dernière ligne droite, avec une seule envie : donner le coup d’envoi de la fête.

À travers ses propos, Julie Coutts rappelle combien la Solitaire du Figaro reste une épreuve unique : exigeante, imprévisible et profondément formatrice. Fidèle à son ADN tout en cherchant à innover, la course s’impose comme un pilier de la voile française. À quelques jours du départ, entre excitation sportive et effervescence populaire, tout est désormais en place pour que la 56e édition entre à son tour dans l’histoire.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…
Cyrille Duchesne
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Cyrille Duchesne
Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...
Irwin Sonigo
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Irwin Sonigo
Capitaine 200 et ancien embarqué dans la Marine nationale, Irwin Sonigo a exploré toutes les facettes de la navigation. Des premiers bords sur un cotre aurique de 1932 à la grande plaisance sur la Côte d’Azur, en passant par les catamarans de Polynésie, les voiliers des Antilles ou plusieurs transatlantiques, il a tout expérimenté. Il participe à la construction d’Open 60 en Nouvelle-Zélande et embarque comme boat pilote lors de la 32e America’s Cup. Aujourd’hui, il met cette riche expérience au service de Figaro Nautisme, où il signe des essais et reportages ancrés dans le réel.