
Un lever de rideau spectaculaire à Lorient
À 17h23, le rideau s’est ouvert dans le hangar Gitana, faisant apparaître ce géant de 32 m de long et 23 m de large, baigné de lumière, devant des dizaines de journalistes médusés. Le trimaran jaune et bleu, décoré par les artistes Florian et Michaël Quistrebert, sortait de deux années de construction quasi clandestines entre CDK Technologies et l’équipe Gitana.
Transporté en secret depuis deux semaines, le Gitana 18 arbore sur ses flancs plusieurs silhouettes féminines en pointillés noir et blanc, hommage discret à l’identité visuelle du groupe Edmond de Rothschild, engagé dans la voile depuis 150 ans.
"Être disruptif, savoir prendre des risques, les mesurer et les gérer : ce nouveau bateau, c'est là où on veut emmener la voile", a déclaré Ariane de Rothschild, mettant d’emblée le ton d’un projet assumé comme pionnier.
Un concentré d’audace technologique
Fruit de 200 000 heures de travail, Gitana 18 est le résultat de "choix architecturaux osés", explique Cyril Dardashti, directeur de l’écurie. L’objectif : créer un Ultim plus rapide, plus stable et surtout capable de voler dans davantage de conditions de mer.
Parmi les innovations majeures, les nouveaux safrans en U tiennent une place centrale. "L’objectif aujourd’hui, c’est de ne plus être bridés. Avant, on ralentissait parce que le bateau devenait instable. Ces nouveaux safrans doivent nous permettre d’exploiter pleinement le potentiel du reste du voilier", détaille Charles Caudrelier.
Le cockpit, intégré à la coque centrale et percé de multiples hublots, améliore considérablement la vision, tandis que des barres de flèche réglables permettent de suspendre le mât pour ajuster la puissance de la grand-voile. Selon Gitana, 10 à 15 % de vitesse supplémentaire pourraient être gagnés.

« On va tirer de partout sur le bateau » : les dernières étapes avant la mer
Il ne manque plus que les foils en Y, fabriqués en Italie, pour que le trimaran puisse toucher l’eau. Des pièces essentielles : de véritables ailes de plus de 5 m d’envergure, inspirées de l’America’s Cup.
"On doit encore recevoir les foils, entre mi-janvier et fin janvier", précise Caudrelier. "Mais cela ne veut pas dire navigation tout de suite. Pendant 8 à 10 jours, on va tirer de partout sur le bateau, écouter s’il craque ou pas. Si tout se passe bien, seulement là on partira."
Cette phase de tests, aussi intense que déterminante, précédera la mise à l’eau prévue courant janvier.
Trois ans de développement et une implication totale du skipper
Gitana 18 est né d’un processus inédit pour l’écurie. "On a construit un bateau avec plus de simulations qu’on n’en avait jamais utilisées auparavant", raconte Caudrelier. "On a fait 50 ou 60 versions de foils et d’appendices... On a aussi énormément travaillé sur un pilote automatique encore plus efficace, qui sera au point au moment de la mise à l’eau. Normalement."
Un travail titanesque qui lui a permis de souffler après un cycle sportif éprouvant :
"Je me suis vraiment éclaté à concevoir ce bateau. Et ça m’a permis de faire une pause, un vrai break, dont j’avais besoin après la victoire sur l’Ultim Challenge en 2024. Aujourd’hui, je crois que j’ai retrouvé la motivation de naviguer."
Un Ultim prêt pour la Route du Rhum... et plus encore
Gitana espère décrocher une deuxième victoire consécutive sur la Route du Rhum après celle de Gitana 17 en 2022. Avec ce nouveau trimaran, les ambitions sont claires. "On veut être au plus proche du vol parfait. Oui, on va aller plus vite, mais c’est surtout la stabilité et la possibilité de décoller plus tôt, même dans une mer formée, que nous sommes allés chercher", insiste Caudrelier.
Et au-delà de la transat mythique, le skipper laisse entrevoir d’autres horizons :
"J’ai hâte de participer à la Route du Rhum, et pourquoi pas un deuxième tour du monde ? Ce bateau donne envie, c’est sûr. Mais il faut que je me sente performant. Un tour du monde, ce n’est pas anodin : si tu n’as pas une énorme envie, tu ne performes pas."

Le décollage approche
Dans son hangar lorientais, l’oiseau de carbone attend patiemment ses dernières ailes avant de prendre son envol. Bientôt sur l’eau, bientôt sur foils, il incarne déjà ce vers quoi tend la course au large : plus de vitesse, plus de stabilité, plus d’audace.
Et, peut-être, un nouveau chapitre à écrire sur la Route du Rhum.
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