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« Tout ce qui se voit change, tout ce qui ne se voit pas reste ! »
Si un catamaran de 40 pieds contenterait nombre de plaisanciers, force est de constater que pour les leaders du marché il s’agit d’une entrée de gamme. Comme dans beaucoup d’autres domaines la rentabilité y est plus délicate à trouver, d’où le choix « industriel », à l’image de ce qui peut se faire dans l’automobile, d’utiliser une plateforme existante pour lancer un nouveau modèle. Les investissements en matière de moules sont réduits, et surtout la courbe d’apprentissage des opérateurs liée à toute nouveauté est extrêmement limitée. Au-delà de l’objectif économique et commercial, il y avait la volonté que le benjamin de la famille adopte les codes esthétiques et fonctions pratiques de ses grands frères, étrennés notamment à partir de l’Elba 45. La stratégie retenue peut donc se résumer à « tout ce qui se voit change, tout ce qui ne se voit pas reste ! », et le cocktail final est, il faut bien le dire, diablement séduisant.
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Il y a d’abord ces étraves inversées sans lesquelles un Fountaine-Pajot n’est (déjà !) plus tout à fait un membre à part entière de la famille. Il y a ensuite, dès que l’on a traversé le très beau cockpit revêtu de teck et entièrement de plain-pied, cet aménagement de nacelle qui change tout. Si le design du mobilier adopte bien entendu les dernières tendances esthétiques de la marque, de l’arrondi des meubles au choix des matériaux, c’est surtout la nouvelle disposition des fonctions intérieures qui retient l’attention. La table à cartes en partie avant du Lucia, qui n’avait plus vraiment de raison d’être – obligeant à traverser le carré, à s’asseoir pour bien lire les instruments, le plus souvent face à la lumière –, est remplacée par un espace navigation dès l’entrée. Immédiatement accessible à tribord, on y consulte la cartographie debout, on communique à la VHF, en lien direct avec la personne à la barre. Le plateau et sa belle fargue inox ne sont bien sûr pas au format grand-aigle, mais qui s’en plaindra encore ? Ils sont juste parfaits pour accueillir le Bloc Marine, seul ouvrage papier encore vraiment usité au quotidien.
A bâbord, la cuisine en L déploie son très beau plan de travail en corian blanc et intègre absolument tout ce dont on peut avoir besoin pour sustenter l’équipage : évier double bac, plaque trois feux, four, micro-ondes, rangements et poubelle avec accès supérieur. Le compartiment froid (144 l) migre vers l’avant bâbord, près du tableau électrique, ce qui le rend accessible à tout l’équipage, en quête d’une boisson fraîche par exemple. Le carré, s’il est toujours situé sur tribord, prend la forme d’un U, avec une table basse en standard, bien complémentaire de la table de cockpit. Surtout est intégré en son centre, plus qu’une méridienne, un véritable siège de veille-stand-by, avec vision sur les voiles par le hublot zénithal, version business class des meilleures compagnies aériennes, avec son accoudoir gainé cuir.
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Dans les coques, nous avons bien entendu un faible pour la version Maestro – trois cabines – dans laquelle la coque tribord est intégralement dédiée au propriétaire. Avec son Island Bed, son bureau, ses nombreux rangements, son immense salle d’eau et sa porte l’isolant de la nacelle dès la descente, c’est une véritable suite que l’on découvre, impressionnante sur un 40 pieds ! Les longs hublots de bordé et ceux présents dans la jupe assurent vision sur l’extérieur et luminosité, tandis que les nombreux panneaux ouvrants se chargent de la ventilation. Un choix très cohérent dans cette taille de navire, sur laquelle partir en croisière à six paraît parfaitement adapté. De même, retenir la version 2 cabines / 1 salle d’eau dans la coque bâbord offre plus d’espace dans cette dernière, avec notamment une douche vraiment séparée. Pour autant, bien que représentant moins de 20 % des commandes, l’usage charter n’a pas été négligé, avec une version d’aménagement pouvant aller jusqu’à 4 cabines / 4 salles d’eau et même un couchage skipper.
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À l’extérieur, le plan de pont connaît peu d’évolution, tant il était déjà parfaitement rationnalisé. Au-delà du cockpit qui entre assises en L et table d’un côté, méridienne de l’autre et banquette arrière peut accueillir plus de personnes que l’on ne souhaite en inviter pour l’apéritif, le poste de barre et manœuvres a été particulièrement bien pensé par ses concepteurs. Comment ont-ils fait sur un quarante pieds pour que deux personnes puissent le partager sans se gêner, regrouper barre à roue et la plupart des manœuvres, le rendre accessible depuis le cockpit comme depuis le pont, et enfin ménager deux marches confortables pour aller en quelques secondes faire tomber la grand-voile dans l’easy-bag depuis le bimini rigide ? C’est tout le talent et l’expérience des équipes de Berret-Racoupeau Yacht Design et du bureau d’études chantier. C’est ergonomiquement très réussi, à l’exception peut-être des manettes moteur autour desquelles les drisses et écoutes ont tendance à venir s’enrouler.
Au pied de mât on reste époustouflé devant l’immensité du coffre central dans lequel est stockée la chaîne de mouillage. On peut y rentrer complètement pour vérifier le sérieux de l’installation des systèmes. Les relais électriques et autres circuits d’eau y sont parfaitement protégés. Cet espace capable d’engouffrer moult pare-battages, amarres, matériel de pêche, voire kayak ou paddles gonflables, pourra sans problème être qualifié de « mother-in-law cabin » par les sujets espiègles de sa gracieuse majesté. Une qualification également valable pour les exiguës pointes avant, que, dans tous les cas, il ne faut pas surcharger de matériel pour respecter l’assiette du navire. Mais on plaint le pauvre skipper qui devra y dormir, la tête au-dessus des pieds des occupants de la cabine avant tribord.
À la sortie du port des Minimes, nous côtoyons un Athena 38, comme un passage de relais d’une génération à l’autre, symbole également de l’évolution en taille et volume. Rendez-vous compte que l’Athena 38, rendant déjà 33 cm à l’Isla 40, avait encore à l’époque un petit frère, le Tobago 35. La grand-voile est envoyée à la volée depuis le poste de barre. Avec sa corne elle cumule 59 m² qui, associés aux 36 m² du génois promettent des performances décentes pour un bateau s’annonçant à 9,2 t sur la balance. En l’absence malheureuse de gennaker sur ce bateau d’essai et dans un temps de demoiselle dans lequel l’anémomètre n’affichera jamais le chiffre des dizaines, on apprécie pourtant la barre très sensible et la très grande facilité à virer. À 45° du vent apparent, avec moins de 9 nœuds de vent, l’Isla 40 avance sans ciller à 5 nœuds. En abattant un peu, à seulement 60° et sans un souffle d’air en plus, ce sont les 6 nœuds qui sont atteints. On enchaîne pendant deux bonnes heures les bords entre îles de Ré et d’Oléron, décourageant quelques concurrents pourtant ambitieux de poursuivre la confrontation improvisée. Toutes les bonnes choses ayant une fin, nous faisons appel aux deux moteurs Volvo de 30 CV pour nous ramener dans le bon timing au port. À 7,2 nœuds sur le fond avec les moteurs à 2 200 tours par minute ce sera fait et bien fait, la seule interrogation portant sur l’utilité de proposer en standard des 20 CV ? Les 30 CV paraissent si bien dimensionnés et ils ne coûtent que 614 euros de plus !
Bien sûr, pour le plaisir nous aurions aimé plus de vent, mais c’est dans le petit temps que les bons bateaux se révèlent, et l’Isla 40 nous a très agréablement surpris dans ces conditions délicates. Nous aurions bien aimé aussi envoyer un beau gennaker et filer à la vitesse du vent, mais il est d’autant plus méritoire de séduire avec son seul génois. Enfin, nous aurions aimé passer plus de temps à bord, tant l’Isla 40 semble avoir les capacités d’un grand voyageur. Mais essayer de magnifiques bateaux reste encore malheureusement un métier, pas encore un mode de vie à plein temps. Et en quittant l’Isla 40, on ne peut s’empêcher de penser que le temps file vite, lui qui en offre autant, si ce n’est plus, qu’un 45 pieds d’il y a seulement 10 ou 15 ans !
On a aimé :
- Suite propriétaire
- Aménagement de la nacelle
- Performances
On a moins aimé :
- Proximité drisses / commandes moteurs
- Très nombreuses options
- Cabine skipper extrême
Fiche technique
Longueur de coque : 11,93 m
Largeur hors tout : 6,63 m
Poids lège : 9,5 t
Tirant d’eau : 1,21 m
Surface grand-voile : 59 m²
Surface Génois : 36 m²
Motorisation standard : 2 x 20 CV
Motorisation option : 2 x 30 CV
Architectes : Berret-Racoupeau Yacht Design
Eau douce : 2 x 265 l
Gasoil : 300 l
Prix standard : (Maestro 3 cabines / 2 salles d’eau) : 300 760 € H.T.
Principales options :
Version Grand Large : 15 500 € H.T.
Version Oceanic : 29 000 € H.T.
Version Comfort : 37 000 € H.T.
Prix du bateau essayé : 422 339 € H.T. (préparation et exportation incluses)