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Si vous êtes nés au siècle dernier, sans doute vous souvenez-vous des premiers multicoques de grande série. Anglais (Prout, Snowgoose), Français (Louisiane chez Fountaine Pajot ou Blue II chez Bénéteau) ils ne dépassaient pas 11 mètres mais faisaient figure de véritables yachts avec leur volume habitable inconnu sur les monocoques qui avaient jusque-là le monopole. Quarante ans plus tard, le cœur de la production s’est déplacé entre 40 et 50 pieds. Parmi les nouveautés les plus attendues de l’année l’Aura 51 et le Lagoon 51. Le Bateau Européen de l’année ? Outremer 55. Avec des prix tout équipés qui frôlent ou dépassent le million d’euros, l’investissement qu’ils représentent n’est raisonnable qu’avec un programme adapté. Heureusement, du trimaran de 25 pieds au luxueux catamaran de 80 pieds il y en a pour tous les goûts, encore faut-il faire le bon choix.
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La longueur recette magique du multi ?
Plus qu’en monocoque, la longueur d’un multicoque est un critère essentiel. Si c’est bien sûr une composante majeure de sa vitesse, elle améliore surtout le passage dans la mer et tend à réduire le tangage pour peu que les poids soient bien regroupés autour du centre de gravité. Si ce même centre de gravité est bien reculé, plus de longueur d’étrave réduit le risque d’enfournement, éloigne les embruns de la zone de vie, recule la nacelle en limitant les chocs des vagues surtout si elle n’est pas trop basse. Plus de longueur intelligemment utilisée, et donc pas seulement pour ajouter plus d’espace et d’équipement grevant le devis de poids, rend donc la navigation plus sûre et plus confortable. Si nous ne naviguons pas tous en 60 pieds, voire plus, c’est parce qu’il y a bien sûr des raisons d’encombrement mais aussi de budget. Non seulement avec la longueur le prix augmente de façon exponentielle en rapport avec la surface voire le volume développé, mais au-delà de 50 pieds, cette croissance se fait encore plus forte. La technologie pour tenir structurellement et pour manœuvrer de tels navires est en effet onéreuse. Elle est parfois issue de la course au large qui a, à la fois accompagné et favorisé cette croissance : structure carbone, pilotes automatiques infaillibles, enrouleurs, emmagasineurs, chaussettes de spis, lazy-bag, ris automatiques, winches électriques, nous assistent pour notre plus grand plaisir, confort et sécurité. Mais cela a un coût.
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Convergence des coques
Alors quand hier, pour les précurseurs, les 40 pieds étaient inenvisageables, aujourd’hui la production des grands chantiers se concentre entre 45 et 55 pieds. Comme dans tout projet à vocation commerciale c’est une affaire de compromis. Entre 14 et 16 mètres, catamarans et trimarans peuvent encore être menés en équipage réduit par des propriétaires privés, certes aguerris, mais encore amateurs au sens non-professionnel du terme. Le budget est certes élevé mais pas encore dans la pente forte de la courbe. Beaucoup programmes y trouveront leur bonheur, du 4 cabines / 4 salles d’eau de location, à la version propriétaire qui verra une coque entière dédiée à ce dernier avec salle d’eau digne d’un hôtel de luxe, dressing, et lit queen size, de quoi envisager une vie de Robinson version quatre étoiles. Parce que cette longueur pourra accueillir tout l’équipement indispensable aux circumnavigateurs du XXIème siècle sans devenir une usine à gaz nécessitant la présence permanente d’un équipage professionnel chargé de sa maintenance. La liste de ces équipements s’allonge pourtant d’année en année : dessalinisateur, panneaux solaires en nombre, annexe semi-rigide bien motorisée, planches de kite, de paddle, antenne satellite…
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Au bonheur des alternatives
Et pourtant, ne dit-on pas « petit bateau, petits problèmes » ? La planète ne nous pousse-t-elle pas à un peu plus de raison et de sobriété ? Le bonheur n’est-il pas avant tout de naviguer ? Petit trimaran transportable, catamaran de 35 pieds que l’on pousse à la main pour quitter le ponton, catamaran de sport en camping côtier, le bonheur en mer ne dépend pas du nombre de pieds. Alors des constructeurs refusent la course à l’inflation et se persistent à offrir des tailles raisonnables dans des budgets abordables. C’est d’autant plus vrai pour les trimarans, dont le volume de la coque centrale permet d’aménager plus tôt qu’en catamaran un aménagement décent. Leur architecture à bras repliables ou télescopiques leur permettant en plus d’être transportables, ils permettent de changer de plan d’eau toutes les saisons.