
Les origines du système et son évolution
Précédemment appelé OSCAR, SEA.AI a été conçu par le franco-allemand Raphaël Biancale. Avant de se concentrer sur ce projet, il a consacré sa carrière à la recherche et au développement dans le domaine des systèmes automobiles intelligents. L'inspiration pour SEA.AI lui est venue alors qu'il se trouvait au milieu de l’océan, de nuit et par mauvaise visibilité. Il s'est vite rendu compte qu'il n'existait pas, dans le monde marin, de systèmes d'aide à la navigation du type de ceux qu'il développait pour les voitures. Pour remédier à cette situation, il a créé OSCAR, devenu SEA.AI, qui associe la technologie des capteurs optiques à l'intelligence artificielle, non seulement pour détecter, mais aussi pour identifier les objets dans l'eau qui pourraient représenter une menace de collision pour un navire.
Qu’apporte ce système par rapport au radar et à l’AIS ?
Le radar a encore de beaux jours devant lui. Il permet de détecter des objets de taille relativement importantes. Quant à l’AIS, il identifie les navires qui en sont équipés, mais c’est loin d’être le cas de tous les navires. SEA.AI va bien au-delà de ce qu’apporte le radar et l’AIS. Il détecte en permanence, de nuit comme de jour, des objets dans l'eau quelle que soit leur taille. Par exemple, des rondins de bois, des conteneurs, des bouées, des animaux marins de grande taille, des petits navires tels que des bateaux de pêche locaux, des icebergs, etc. Objets qui peuvent être capables d'endommager un bateau. Pour la sécurité (navigation en équipage, ce qui n’est pas le cas dans la Route du Rhum), il peut détecter un homme tombé à la mer y compris de nuit.
Comment ça marche ?
SEA.AI est constituée d’une unité de vision montée en tête de mât et d’une unité de traitement située en bas. La première, d’un poids de 750 gr, porte un ensemble de caméras capables de capturer des images optiques de jour, en haute résolution et même en basse lumière ainsi que des images thermiques 24h/24. Ces images sont ensuite transmises à l'unité de traitement où l'algorithme de SEA.AI les compare à sa base de données massive et en constante expansion afin de déterminer si un objet dans l'eau représente ou non une menace de collision. La base de données est la mémoire du système, elle n'a cessé de croître depuis la création de OSCAR (maintenant SEA.AI) en 2018. Pour aider son développement dans le domaine maritime, il a été créé BSB Marine avec la collaboration de Gaëtan Gouerou (ancien directeur général de l'IMOCA et co-créateur du Chantier CDK spécialisé dans les bateaux de course) ainsi que du soutien de plusieurs skippers (François Gabart, Armel Le Cléac’h, etc.) et à l’occasion de grande course comme le Vendée Globe, pour enregistrer des données et enrichir la base de données. Il en sera de même lors de cette édition de la Route du Rhum.

L’avis de skippers
Le skipper du Vendée Globe, Romain Attanasio utilise le système sur son IMOCA Fortinet-Best Western depuis trois ans : « C'est comme avoir un équipier supplémentaire pour faire le quart et plus, pour un équipier c’est souvent difficile de regarder constamment devant soi car il y a beaucoup trop de paquets de mer à déferler. SEA.AI, lui est là-haut, en tête de mât, toujours à l'affût. Franchement, je ne pourrais pas m'en passer. Le plus gros risque qu'on a en course, en mer, c'est les collisions, donc le plus important c'est de regarder devant. Je me souviens que dans le défi Azimut, j’ai évité deux chalutiers à seulement 50 m, grâce à l'alarme de SEA.AI. Lors du Vendée Globe, dans le détroit de Le Maire, peu après avoir passé le Cap Horn, la même alarme m'a averti de la présence d'un petit voilier ». Philippe Poupon qui navigue en famille dans des zones souvent hostiles, nous indique que pour lui c’est une sécurité importante, pour cette raison, il n’a pas hésité à en équiper son bateau Flo pour la Route du Rhum.

L’avenir pas seulement pour la course
La base de données d'images de SEA.AI continue à être enrichie, la capacité de l'intelligence artificielle à détecter et identifier les risques est sans cesse affinée et améliorée. Les modèles installés sur les voiliers de la Route du Rhum peuvent identifier avec précision des éléments relativement petits, telles qu'une bouée ou une personne, jusqu'à 150 mètres en avant. Le nouveau modèle, SEA.AI Sentry, conçu pour les navires commerciaux, les bateaux moteurs et la plaisance peut déjà identifier des objets similaires jusqu'à 700 m.
Les cibles AIS peuvent déjà être superposées sur les écrans radar ou introduites dans les logiciels de routage. Il est fort probable que la possibilité de superposer les objets flottants détectés par SEA.AI puisse être utilisée de manière similaire prochainement. Actuellement à l’étude, il y a la perspective que SEA.AI envoie des informations essentielles au pilote automatique du navire. Ainsi, dans le cas où un objet est identifié devant et que le skipper ne puisse pas réagir à temps, le pilote automatique pourrait décider de le contourner. Un système qui s’apparente au freinage d'urgence bien établi dans l'industrie automobile.