
Figaro Nautisme : Comment êtes-vous arrivé à relancer en Algarve la construction des catamarans Punch, construits pendant de nombreuses années en Martinique chez Multicap Caraïbes ?
Julien Le Moigne Hernandez : L’histoire est finalement assez simple. J’avais 6 ou 7 ans lorsque nous sommes partis en famille en vacances en Martinique chez le frère de ma mère. Cet oncle, Christian Hernandez, était le constructeur des Punch, ces catamarans vraiment incroyables à l’époque. Je me souviens très bien de ma toute première navigation, sur un Punch justement : un souvenir vraiment très fort ! Puis la vie a suivi son cours, je n’ai plus revu mon oncle pendant... 25 ans.
J’ai grandi à Toulon, j’ai fait des études de géomètre et d’architecture et j’ai commencé à travailler dans un bureau d’études de géomètre expert.
Christian, qui s’était installé en Algarve pour sa retraite, m’a un jour annoncé vouloir relancer un chantier naval. Avec Alain Mortain - l’un des architectes des Punch - ils avaient constaté que sur les réseaux sociaux une communauté de Punchistes s était créé, des propriétaires convaincus et dynamiques en navigation sur toutes les mers du monde. C’est ce qui á conduit à passer de la simple prospective intellectuelle, a la recherche de moyens pour relancer cette gamme de Punch 2.0. Christian a relancé un chantier en Algarve, après 2 bateaux construits, il a voulu passer la main pour profiter de sa retraite. Il m’a proposé de me lancer et... je n’ai pas hésité longtemps, il n’était pas possible que l’histoire s’arrête, une histoire qui perdure depuis plus de 30 ans entre nos architectes Alain Mortain - Yiannis Mavrikios et Christian. Je suis moi-même passionné de bateaux depuis longtemps - j’en ai eu quand j’étais plus jeune, à moteur puis après quelques années, je suis revenu vers la voile. J’ai beaucoup navigué en Méditerranée mais également en Martinique où, petit clin d’œil du destin, j’avais été nommé pour une mission de 6 mois, juste avant mon arrivée en Algarve pour reprendre Multicat Alagrve et continuer l’histoire.
Figaro Nautisme : Quelle est la méthode de construction que vous utilisez aujourd’hui pour construire vos Punch « 2.0 » ?
Julien Le Moigne Hernandez : Notre philosophie de construction se résume en un mot : versatilité. On ne travaille pas sur moule. Les bateaux sont construits en méthode mixte selon les zones en formes ou non. Les fonds de coques sont construits en strip-planking, c’est une méthode qui permet de construire en forme avec un résultat technologique raffiné et des performances mécaniques qui sont de très haut niveau. Les parties développables peuvent être construites en contreplaqué résine époxy bio-sourcée ou en sandwich avec une mousse Airex recyclée et infusion sur résine époxy préférée aujourd’hui pour son rapport rigidité poids favorable. Cette approche offre une liberté quasi infinie pour répondre à chaque demande client. Chaque programme est unique, et cette capacité d’adaptation fait partie de l’ADN du chantier et des Punch. Nous y sommes très attachés. C’est notre force et notre expertise.
Figaro Nautisme : Quelles sont les différentes gammes des Punch « 2.0 » proposées par Multicat Algarve ?
Julien Le Moigne Hernandez : A ce jour nous avons plusieurs plateformes de catamarans allant de 12,70 à 21,10 mètres, avec des modèles intermédiaires de 13,70 - 15,10 et 17,10 m. Ces bateaux existent en version day-charter, moyen-charter ou long-charter pour la grande croisière et peuvent être adaptés à la location ou à d’autres programmes spécifiques. Nous recevons également des demandes pour des multicoques à moteur, catamarans et trimarans. Ce sont des projets qui nous passionnent tous ici, et nos architectes s’y plongent avec un vrai plaisir. Ce que nous aimons par-dessus tout, c’est donner vie aux projets de nos clients. Et, en ce moment, nous sommes comblés [rires !].
Pour cette nouvelle gamme de Punch, nous avons aussi souhaité adopter une démarche la plus écologique possible. Notre génération a, de ce point de vue, un rôle essentiel à jouer : nous travaillons sur les résines bio-sourcées, les mousses recyclées, et bien sûr sur des motorisations hybrides ou électriques.
Figaro Nautisme : Justement, comment imaginez-vous les évolutions des bateaux sur lesquels nous naviguerons dans 10 ou 15 ans ?
Julien Le Moigne Hernandez : Nous voyons déjà certaines tendances se dessiner avec de magnifiques bateaux comme Energy Observer ou encore le Mod X. Ces prototypes font rêver et ouvrent des perspectives. Mais je reste convaincu que la majorité des marins continuera à vouloir naviguer sur des voiliers proches de ceux que nous connaissons aujourd’hui. L’avenir du nautisme se dessinera surtout dans la diversité des programmes et la capacité que nous aurons, nous les chantiers, à y répondre.
Les utilisateurs sont aujourd’hui de plus en plus ouverts aux projets électriques. Je viens de lire une étude qui indique que 54% des propriétaires de bateaux aux Etats-Unis seraient prêts à s’équiper de ce type de motorisation... On va également s’orienter vers une utilisation bien plus écologique tant dans la construction que dans l’utilisation avec un objectif clair d’arriver à la neutralité carbone. Cette exigence, nous la partageons avec nos clients et toute l’équipe du chantier.
Figaro Nautisme : Multicat en chiffres ?
Julien Le Moigne Hernandez : Depuis la création du chantier Multicap Caraïbes en 1987, ce sont 100 bateaux qui ont été construits, dont une trentaine de catamarans Punch. Pour la petite histoire, le n°1 de la série, construit pour Philippe Harlé, l’architecte du bateau, navigue toujours aux Antilles... L’année dernière, nous avons mis 2 catamarans à l’eau 12.70 day-charter, 13.70 day-charter et, en 2026, nous finaliserons le 21 10 day charter et le 13 70 en version Signature avec une motorisation hybride pour un programme de tour du monde.
A noter qu’en termes de prix, nos catamarans Punch, restent dans les mêmes gammes de prix que les productions en série et sortent prêt à naviguer.
Figaro Nautisme : Votre dernière navigation et la prochaine ?
Julien Le Moigne Hernandez : Ma dernière belle navigation était en Martinique, sur le Sun Odyssey 40 d’amis sur lequel nous sommes partis en famille. L’occasion pour ma femme et moi, de renouveler nos vœux de mariage...
La prochaine sera - je l’espère en tout cas - la transat sur le Punch 21 10 pour l’emmener aux Antilles où il sera exploité en charter. Une navigation qui devrait se faire avec Christian Hernandez et les architectes...