Renaissance du plus vieux bateau cousu main, le Zambratija, découvert en Croatie

Par Figaronautisme.com

Les côtes de l’Istrie et de la Dalmatie en Croatie ont été le théâtre de nombreuses fouilles archéologiques, notamment grâce à la collaboration franco-croate. Cette collaboration a permis la découverte et l'étude de l'une des plus remarquables épaves cousu à la main, le bateau de Zambratija.

La découverte de l'épave

L'épave a été découverte en 2008 en Istrie dans la baie Zambratija, à 150 mètres du rivage et à 2,5 mètres de profondeur. Une première expertise a eu lieu en 2009, suivie d'une intervention de protection en 2010. Il y a maintenant 11 ans qu'elle a été entièrement dégagée dans le but de réaliser un relevé des vestiges pour en faire son étude. Les scientifiques pensaient dans un premier temps qu'il s'agissait d'un bateau de l'époque romaine construit selon une technique ancienne. Cependant, les analyses au carbone 14 ont révélé que le bateau avait plus de 3 000 ans. Les planches de bois ont ainsi passé les millénaires recouvertes d'algues et de sable, formant une boue marine qui les a protégées : anoxique, c'est-à-dire sans oxygène, qui ne permet pas le développement des bactéries détruisant le bois.

"On savait depuis des décennies qu'il était là, nous y plongions quand nous étions enfants" raconte Sasa Radin, qui a grandi dans le village de Zambratija, "Mais nous ne savions pas qu'il était si vieux."

Cette découverte a suscité l'émerveillement des chercheurs, montrant une prouesse technique exceptionnelle.

"Déjà, avoir un bateau, un vaisseau, à cette époque, était certainement un prestige pour une communauté tribale", explique à l'AFP Ida Koncani Uhac, l'archéologue sous-marine qui a mené les recherches. "Mais parvenir à construire un bateau comme celui-là, si l'on transpose ça à aujourd'hui, c'est comme réussir à construire un vaisseau spatial !"

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L'archéologue sous-marine Ida Koncani Uhac et la restauratrice Monika Petrovic devant un bassin spécial de dessalage contenant les restes du bateau "Zambratija",© PHOTO AFP / Denis LOVROVIC

Giula Boetta livre en 2016 ses recherches d'archéologie navale en Adriatique orientale, évoquant notamment l'épave "protohistorique de Zambratija". Le bateau était constitué d'une pièce monoxyle de bois, avec un assemblage réalisé avec des ligatures en fibres végétales. Selon une reconstitution hypothétique avec un logiciel 3D, qu'elle a réalisée accompagnée de Pierre Poveda, il semblerait que le bateau fasse 9,11 mètres de long, 2,28 mètres de large et 66 centimètres de creux. Pour réaliser cette restitution, les chercheurs se sont appuyés sur l'hypothèse d'un bateau symétrique bâbord/tribord et avant/arrière.

Selon les archéologues, le bateau de Zambratija était probablement une barque utilisée pour la navigation rapide le long de la côte et dans les détroits fluviaux du Nord de l'Adriatique. Il était propulsé par sept à neuf rameurs et était idéal pour des manœuvres rapides en mer. Au fil des siècles, les Histris, la tribu autochtone de la région, auraient utilisé de telles embarcations pour des actes de piraterie en interceptant les bateaux romains transportant du grain pour leurs troupes.

Une collaboration franco-croate

En février 2018, une collaboration franco-croate a été lancée, donnant naissance à une exposition intitulée "Zambratija, un bateau cousu préhistorique", inaugurée le mardi 27 février 2018. Cette exposition a été réalisée en coopération entre le Musée archéologique de Zagreb, le musée archéologique d'Istrie et l'ambassade de France en Croatie, avec la participation du Centre Camille Julian, dirigé par Giulia Boetto. L'exposition a permis de mettre en avant différentes épaves de bateaux cousus découvertes en Istrie, y compris des morceaux de l'épave de Zambratija. Cette initiative a contribué à sensibiliser le public à l'histoire maritime fascinante de la région.

La coopération franco-croate va maintenant donner naissance à une véritable "renaissance" de l'épave de Zambratija en mai 2024 dans le but d'être par la suite exposée dans un musée dédié au patrimoine naval istrien à Pula. L'épave sera transférée de la Croatie vers la France afin d'y être minutieusement restaurée. Celle-ci permettra de préserver ce trésor archéologique unique et de témoigner de la remarquable technicité de l'antique tribu de l'Istrie.

Renaissance de l'épave

L'opération de sortie d'eau a été particulièrement délicate. Le bateau a d'abord été protégé par une coque métallique spécialement conçue à cet effet. En juillet dernier, le Zambratija, démonté en 15 morceaux, a été ramené à la surface. Chaque fragment a ensuite été méticuleusement nettoyé, analysé et marqué avant d'être placé dans une piscine spécialement construite pour le dessalage. La restauratrice, Monika Petrovic, a déclaré : "Nous mesurons la salinité de l'eau, et d'ici deux mois environ, le Zambratija sera prêt pour la prochaine phase de conservation, à Grenoble." Une fois cette dernière étape achevée, le Zambratija devrait retourner chez lui pour être exposé près de la mer qui l'a protégé pendant tant de millénaires.

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Chaque partie du bateau sera restaurée et consolidée avant d'être rendu à la Croatie. © PHOTO AFP / Denis LOVROVIC

L'épave de Zambratija continue de captiver le monde par son histoire exceptionnelle et sa renaissance passionnante, permettant de faire revivre un pan oublié de l'histoire maritime préhistorique de l'Istrie.

 

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Nathalie Moreau
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Gilles Chiorri
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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