
Un navire conçu pour le transport de masse
Avec une capacité d’accueil de 2 100 passagers et 225 véhicules, le Hull 096 a été conçu pour le transport transfrontalier à fort volume. Il s’agit d’un catamaran à grande vitesse équipé de huit hydrojets entièrement alimentés par un système de stockage d’énergie (ESS) d’une capacité de 40 mégawattheures, soit 40 000 kilowattheures. Cela correspond à environ 666 batteries de Tesla Model 3 de type Propulsion.
Le choix d’une propulsion entièrement électrique s’est imposé en cours de projet. Initialement, le ferry devait fonctionner au gaz naturel liquéfié (GNL). Une discussion entre Juan Carlos López Mena, président de Buquebus, l’opérateur de la ligne, et Robert Clifford, président d’Incat, a conduit à reconfigurer le navire pour en faire un modèle à zéro émission. Cette décision a impliqué des modifications techniques majeures, notamment sur la répartition du poids, la gestion thermique et l’architecture électrique.
Une réponse aux évolutions réglementaires
Le transport maritime représente environ 3 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone, selon les chiffres relayés par l’AFP. Dans cette perspective, l’Organisation Maritime Internationale (OMI) prévoit l’instauration de normes environnementales plus strictes dès 2028, incluant une tarification carbone et des limites d’émissions pour tous les navires commerciaux. L’objectif affiché par l’OMI est d’atteindre des émissions nettes nulles dans le secteur d’ici 2050.
Pour Buquebus, ce nouveau navire répond à ces exigences futures tout en renforçant son image d’acteur engagé dans la transition énergétique. Du côté d’Incat, ce projet représente une évolution de ses activités, historiquement centrées sur les catamarans à grande vitesse, vers des technologies de propulsion sans émission.

Une plateforme d'observation technique et scientifique
Le Hull 096 suscite également l’intérêt des chercheurs. Selon le Dr Liam Davies, spécialiste de la mobilité durable à l’Université RMIT en Australie, ce ferry constitue un terrain d’expérimentation unique. Il permet d’étudier en conditions réelles les performances d’un navire électrique sur des trajets maritimes fréquents, avec des taux d’occupation élevés.
Les données issues de son exploitation - consommation énergétique, maintenance, cycles de charge et décharge, performances des hydrojets - seront précieuses pour évaluer la viabilité de modèles similaires à plus grande échelle.
Construit à Hobart, capitale de la Tasmanie, le navire représente l’un des projets industriels récents les plus importants dans la région. Le chantier naval Incat a mobilisé environ 450 emplois directs, et l’investissement total est estimé à 250 millions de dollars australiens. Le gouvernement de Tasmanie a soutenu le projet via un prêt à taux préférentiel de 60 millions de dollars australiens, attribué par le Tasmanian Development Board.
Le Premier ministre de Tasmanie, Jeremy Rockliff, a salué cette réalisation comme un exemple de production industrielle locale à haute valeur ajoutée, positionnant l’État comme acteur de la transition vers des technologies maritimes durables.

Des aménagements à bord et une entrée en service prévue fin 2025
Outre ses caractéristiques techniques, le Hull 096 propose à bord un espace de vente hors taxes de 2 300 m2, destiné à répondre à la forte demande commerciale sur la ligne Buenos Aires - Colonia del Sacramento - Montevideo. Ce type d’aménagement est courant sur les ferries à passagers de longue distance, mais rarement intégré à des navires propulsés entièrement par batterie.
Le navire est actuellement en phase d’aménagement intérieur. Les essais en mer sont prévus pour le second semestre 2025. Si les résultats sont conformes aux attentes, la mise en service commercial pourrait intervenir avant la fin de l’année.