
Une population largement attirée par la mer
La France compte un peu plus de 57 millions de personnes de plus de 15 ans. Au sein de cette population, la plaisance rassemble plusieurs profils très différents. On y trouve environ 2,3 millions de navigateurs réguliers, rejoints par près de 9,7 millions de pratiquants occasionnels, ceux qui sortent en mer une ou deux fois par an lors d’une location ou d’une sortie entre amis.
À côté de ces publics déjà actifs, un groupe beaucoup plus massif se distingue : près de 28 millions de Français déclarent être intéressés par les loisirs nautiques sans en pratiquer aujourd’hui. Au sein de ce groupe, 3,6 millions se montrent particulièrement réceptifs à l’idée de commencer, tandis que 17 millions affirment ne pas du tout être attirés par la navigation.
Ce panorama montre que la plaisance bénéficie d’un fort potentiel : une majorité de Français rêve de naviguer, mais seul un quart d’entre eux franchit pour l’instant le pas.
Le vrai enjeu : fidéliser les pratiquants occasionnels
L’étude révèle que la clé du développement de la plaisance ne réside pas tant dans la conversion des non-intéressés que dans l’accompagnement des "évadés", ces millions de Français qui naviguent ponctuellement. Ils connaissent déjà le plaisir de la mer, mais n’ont pas encore trouvé les conditions pour en faire une activité régulière.
Ce sont eux qui peuvent, avec un peu d’accompagnement, devenir les futurs marins fidèles : ceux qui louent plusieurs fois par an, adhèrent à des clubs, se forment et, parfois, deviennent propriétaires. Les professionnels du nautisme sont donc invités à considérer chaque location estivale non comme un acte isolé, mais comme la première étape d’un parcours de plaisancier.
Les motivations : nature, grand air et liberté
Quand les Français expliquent pourquoi les activités nautiques les attirent, leurs réponses convergent nettement. Le premier moteur, ce sont les paysages et la beauté des environnements littoraux. Juste derrière, l’envie d’être dehors, de respirer le grand air. La sensation de liberté arrive ensuite, suivie par la recherche de déconnexion.
La plaisance s’inscrit ainsi dans un mouvement plus large : le besoin de nature, d’espace et de respiration, particulièrement fort depuis plusieurs années. Elle se positionne au même niveau que d’autres loisirs outdoor comme la randonnée, le VTT ou le trail.
Les jeunes veulent naviguer... mais sans contrainte
L’étude met en lumière un changement générationnel très net. Les jeunes adultes se montrent très attirés par la navigation, mais rejettent massivement les contraintes associées à la propriété d’un bateau : entretien, manutention, place de port, réparations, logistique administrative.
Ils sont en revanche beaucoup plus intéressés que leurs aînés par les solutions plus souples : bateaux électriques ou hybrides, offres de location régulière, services d’abonnement, mutualisation des usages ou accompagnement clé en main. Plus l’âge baisse, plus l’intérêt pour ces solutions augmente.
Pour toucher cette génération, la filière doit s’adapter. La propriété classique, qui a structuré le modèle économique du nautisme pendant des décennies, n’est plus la porte d’entrée naturelle. Ce que les jeunes recherchent avant tout, c’est la liberté d’usage, pas la propriété.
Des freins forts qui empêchent le passage à l’acte
Si tant de Français sont attirés par la navigation mais ne passent pas à l’action, c’est que les obstacles perçus restent nombreux. Trois freins dominent largement : le coût, la charge mentale et les difficultés d’accès aux infrastructures nautiques.
Le coût est le premier blocage. Non seulement l’achat d’un bateau représente un investissement important, mais la location elle-même peut sembler onéreuse pour ceux qui n’ont pas encore pris l’habitude de sortir en mer.
La charge mentale arrive juste derrière : organiser une sortie, gérer le matériel, vérifier la météo, encadrer l’équipage, anticiper les imprévus. Même chez les plaisanciers expérimentés, ce facteur pèse lourd, parfois davantage que le budget.
À cela s’ajoutent le manque d’expérience, le manque de temps, l’éloignement des zones de navigation ou encore la complexité d’accès aux équipements. Pour élargir la pratique, tout l’enjeu est donc d’alléger cette complexité perçue.
Les vocations naissent tôt : famille, entourage et écoles de voile
Une donnée mérite d’être soulignée : la plupart des plaisanciers actuels ont été initiés très jeunes. Beaucoup expliquent avoir appris "depuis toujours", souvent grâce à un proche ou à une activité familiale. L’entourage joue ici un rôle décisif, bien plus que les démarches personnelles initiées tardivement.
Les écoles de voile apparaissent comme un autre pilier essentiel. Elles constituent l’un des lieux d’entrée les plus structurants dans la pratique, notamment pour les enfants et les adolescents. C’est en grande partie dans cette période que se construisent les bases techniques, la confiance et l’envie de passer du rivage au large.
Les offres d’usage, véritable moteur de démocratisation
Au cœur de l’enquête, un message revient avec insistance : pour toucher plus de monde, le nautisme doit s’appuyer sur des modèles alternatifs à la propriété. Les solutions centrées sur l’usage plutôt que sur la détention répondent à la majorité des attentes exprimées.
Parmi les avantages les plus cités figurent la maîtrise du budget, l’absence de gestion quotidienne du bateau, la liberté de naviguer dans différentes zones, la diversité des unités disponibles et l’accompagnement proposé. Autrement dit : tout ce qui réduit la charge mentale.
Le document montre également que beaucoup de Français connaissent mal ces solutions. L’information manque encore, notamment auprès des seniors, qui se montrent pourtant curieux dès lors que les offres sont expliquées simplement.
La réalité économique : des budgets très contrastés
Les dépenses annuelles consacrées au nautisme varient fortement selon les catégories sociales, allant d’un peu plus de 2 000 euros à près de 10 000 euros par an. Ces différences rappellent que la plaisance peut être un loisir raisonnable ou coûteux selon la manière dont on pratique : location à la journée, croisière encadrée, entretien d’un bateau personnel, équipement, formation...
Pour la filière, cette diversité est une opportunité : chaque profil peut trouver sa place, à condition que les offres soient suffisamment claires et modulaires.
Deux univers nautiques à reconnecter
Le document oppose deux grandes "France de la mer".
La première rassemble les plaisanciers : compétents, initiés tôt, attachés à leurs habitudes, mais confrontés à des contraintes qui s’accumulent.
La seconde regroupe le grand public intéressé : attiré par la liberté et les paysages, mais freiné par le coût, la complexité et le manque d’information.
L’enjeu pour les professionnels est de construire un pont entre ces deux mondes. Cela passe par des offres plus lisibles, plus souples, plus pédagogiques et plus accessibles, qui permettent à un néophyte de se projeter dans une pratique durable et non dans une expérience isolée.
Une filière à un tournant stratégique
L’enquête dessine un message clair : la France veut naviguer. L’envie est là. Les imaginaires sont puissants. Les jeunes sont réceptifs. Mais la filière doit encore faire tomber plusieurs barrières pour transformer cette aspiration en pratique réelle.
Cela implique :
o de simplifier le parcours d’entrée ;
o de rendre visibles les offres d’usage et leurs bénéfices ;
o d’alléger la charge mentale ;
o de valoriser la formation précoce ;
o de proposer des expériences variées, écologiques et flexibles.
Si le nautisme réussit cette transformation, il pourra non seulement fidéliser les millions de pratiquants occasionnels, mais aussi ouvrir la mer à cette immense majorité de Français qui rêvent de prendre le large sans savoir par où commencer.
La prochaine révolution de la plaisance ne viendra peut-être pas d’un nouveau type de bateau, mais d’une nouvelle manière de permettre à chacun d’en profiter.
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