Une réserve marine géante en gestation dans l’Atlantique
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Les experts la surnomment la forêt tropicale dorée de l’océan Atlantique. Mais la mer des Sargasses, décrite pour la première fois par Christophe Colomb à son retour du Nouveau Monde et revisitée à sa façon par le Capitaine Nemo, est en danger.
A l’instar des gouvernements australien et britannique qui ont créé des parcs marins pour sauver la mer de Corail et l’archipel Chagos dans l’océan Indien, le gouvernement bermudien s’est associé à plusieurs organisations internationales, avec le soutien des Nations Unies, pour créer la plus grande réserve marine de l’océan Atlantique. Car la mer chaude des Sargasses, merveille écologique, est menacée par la pollution, la pêche illégale, la surpêche et le changement climatique. Pourtant, elle abrite plus de deux cents espèces, dont certaines endémiques, et sert de havre de reproduction et de migration à des dizaines d’autres. Parmi celles-ci, le cachalot, le marlin bleu, les requins tigre et taupe, en déclin, ou encore la tortue de mer caouanne, qui juste après être née sur les plages des continents alentour, vient grandir quelques années dans ses algues loin des prédateurs. La plus mystérieuse, l’anguille, parcourt des milliers de kilomètres depuis les rivières d’Europe, d’Amérique et d’Afrique pour y pondre avant de mourir.
« Telle était cette région que le Nautilus visitait en ce moment, narrait Jules Verne dans Vingt mille lieues sous les mers. Une prairie véritable, un tapis serré d’algues, de fucus natans, de raisins du tropique, si épais, si compact, que l’étrave d’un bâtiment ne l’eût pas déchiré sans peine »
Selon un rapport de la Sargasso Sea Alliance fondée en 2010, l’espèce a quasiment disparu dans certaines régions. La mer des Sargasses, six fois plus grande que la France, est délimitée par les grands courants marins de l’Atlantique : Gulf Stream à l’ouest, courants nord atlantique au nord, des Canaries à l’est, de l’équateur et des Antilles au Sud. Une consultation populaire aura lieu en septembre dans l’archipel des Bermudes pour donner suite au projet de réserve marine, soutenu par l’océanographe Philippe Cousteau, petit-fils de l’explorateur.
Le plan “Blue Halo” prévoit de créer initialement une zone protégée à partir de 80 kilomètres des côtes des Bermudes et jusqu’à la limite des eaux internationales à 320 kilomètres. Chris Flook, expert à Pew Environement Group, rappelle que la mer des Sargasses possède, grâce à une combinaison de facteurs inhabituels, l’un des cycles de carbone les plus riches de la planète. “Un cinquième de l’air que nous respirons vient de cette mer. Un Américain de l’Oklahoma n’a peut-être jamais vu l’océan de sa vie mais il respire grâce à la mer des Sargasses. Elle nous unit tous et nous avons le devoir de la protéger pour les générations futures”, explique-t-il aux Bermudes. Un parc marin autour de l’archipel permettrait de développer l’éco-tourisme et d’accroître les réserves de poissons, une perspective susceptible d’apaiser les craintes des pêcheurs locaux.
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