Première transatlantique pour Mission Océan
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Nous avons traversé l'Atlantique un peu plus tard que prévu sur notre planning, car le temps au Cap-Vert était délicieux, et nous nous sentions si bien que partir n'était plus vraiment une priorité. Au bout d'une semaine à Lomba, sur l’île de Brava, il nous a fallu prendre la décision de nous diriger vers les Caraïbes. En janvier, les alizés sont bien établis, et le risque d'une météo changeante est moindre. Nous avions un téléphone satellite, mais avec quelques problèmes pour télécharger des fichier grib, nous avons donc décidé d'envoyer notre position GPS et un petit mot aux parents de Laura, qui en plus de pouvoir donner des nouvelles sur les réseaux sociaux, pouvaient également regarder l’évolution de la météo. Tous les quatre jours nous les appelions pour faire le point et avoir une tendance. Le vent a été plutôt régulier, un peu plus soutenu au début pour finalement réduire à 15 kn sur la fin.
C'est cette sensation d’être tout petit parmi les éléments qui est la plus désagréable au début car on sait qu'en cas de tempête, on ne pourra pas faire grand chose hormis suivre un plan maintes fois exécuté dans sa tête. Nous nous étions préparé à avoir des déferlantes ou casser un hublot par exemple. Pour cela nous avions préparé le matériel, fait des plaques en bois à la bonne dimension pour les obstruer, nous avions pris de l’époxy à prise rapide et sous l'eau de West System. Des bouts lestés étaient prêts à être lancé par l'arrière et nous ralentir. Et c'est à force d'en discuter que l'on a aussi trouvé la limite de notre préparation : il nous manquait une ancre flottante par exemple.
Notre choix pour traverser était d’être quatre, en cas de défaillance totale du pilote automatique, et surtout pour maintenir une veille permanente. De nuit, le port du gilet auto-gonflant avec un AIS personnel était obligatoire, et uriné par-dessus bord interdit. A plusieurs reprises, il a fallu faire une piqûre de rappel aux équipiers sur les consignes de sécurité. Chaque bateau est opéré différemment bien entendu, et nous avons choisi de suivre les standards de la grande plaisance.
Loin de pouvoir dire que nous sommes des marins aguerris, nous sommes surtout des marins prudents, n’hésitant pas à naviguer un peu sous-toilé même si cela rallonge la traversée. Au début, le vent était trop fort pour le spi et il n'a pas résisté deux jours aux averses, se déchirant en trois. Nous savions qu'il ne durerait pas éternellement, ayant déjà 23 ans, et en plus nous l'avions déjà utilisé régulièrement ces derniers mois.
Déchirer le spi de nuit a été un moment fort en stress ! Le vent souflait à 15-20 kn, la houle était faible, et heureusement nous n'avions pas la GV, car le bateau s'est arrêté immédiatement et il a été très facile de remonter à bord les deux morceaux dans l'eau sans aucun dommage pour le bateau, ni de bout dans l’hélice. Enfin, j'ai toujours eu une certaine appréhension avec l'empannage, et nous avons donc décidé de descendre plein vent arrière avec deux voiles d'avant.
Nous n'avions pas encore utilisé la GV du parcours, et le vent virant au NNE, les deux génois ne tenaient plus en ciseaux, donc 48h avant d'arriver nous l'avons hissée afin de reprendre un peu de vitesse, ce qui n'a pas suffit pour arriver de jour. Nous ne savions pas qu'il y aurait autant de casiers à l'approche de Sainte-Anne en Martinique ! Nous avons mouillé assez loin avant de rentrer au port du Marin le lendemain.
Au total, la traversée aura duré quinze jours avec un Venezia 42, et sans forcer. Nous sommes arrivés sans dégâts, ni blessures, et avec le moral au beau fixe grâce à de bon petits plats cuisinés par Laura, notre Crew Chef, qui a réussi à faire de chaque repas une nouvelle expérience, s'inspirant des plats locaux, et des ingrédients et épices achetés dans les marchés.
Voilà pour nous une transat réussie !