Tranches de vie dans l’océan Indien

Course au large
Par Figaro Nautisme

Les écarts n’ont guère évolué ce lundi au sein de la flotte. L’occasion de recueillir les témoignages des solitaires dont la vie à bord est bien différente d’une extrémité de l’Indien à l’autre.

Les écarts n’ont guère évolué ce lundi au sein de la flotte. L’occasion de recueillir les témoignages des solitaires dont la vie à bord est bien différente d’une extrémité de l’Indien à l’autre.

Lundi au classement de 16 heures, Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) ne pointait plus qu’à 15 milles de François Gabart (Macif). Dans un vent de secteur ouest d’une vingtaine de noeuds, les deux leaders remontaient l’océan Indien à 15-16 noeuds de moyenne vers la porte des glaces Australie-Est. Derrière, à 396 milles, Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) suivait la même cadence en bénéficiant de conditions météo équivalentes. Toujours aux prises avec des vents instables et coincés au niveau du 41° parallèle Sud, Alex Thomson (Hugo Boss) et Bernard Stamm (Cheminées-Poujoulat) éprouvent les pires difficultés pour progresser actuellement à plus de 11 nœuds, et surtout plonger dans le sud pour se raccourcir enfin la route. A pratiquement 1 500 milles de Macif, pas de changement, Jean Le Cam (SynerCiel) prend la mesure sur Mike Golding (Gamesa) et Dominique Wavre (Mirabaud).

 

Gabart et les grains

 

Vu les écarts très importants existants entre les 13 solitaires encore en course, profitons-en pour connaitre la vie à bord, d’un bout de l’océan Indien à l’autre. Pour commencer, François Gabart qui découvre le grand Sud. « C’était assez instable aujourd’hui. Je ne m’attendais pas trop à ça, à cet endroit-là. Ce n’est pas plus mal que ce soit instable entre 10 et 30 nœuds plutôt qu’entre 20 et 50. Ça fait quelques jours que dans les grains on a de la grêle principalement et des flocons de neige en fin de grain. On sent vraiment la différence au niveau température entre avant les grains et après, où il fait vraiment plus froid ».

 

Stamm et les petits airs

 


879 milles en retrait, ambiance différente pour Bernard Stamm. « C’est calme au portant. Il y a 10-11 nœuds de vent. C’est tranquille. Ça laisse l’occasion de bricoler. Là il ne fait pas froid du tout, il doit faire 15° degrés. Il y a des situations où tu ne sais pas de quoi va être faite l’heure qui suit. Là, j’avais tout en vrac sur le pont et derrière moi, un orage ».

 

Le Cam et les caramels

 

Encore plus loin derrière, Jean Le Cam prend le temps de nous décrire la situation. « Ça va, il fait de plus en plus froid et on a des vents assez soutenus. On passe de pas de vent à beaucoup de vent. Là on a un ciel de traîne avec une mer formée. Il y a de grosses vagues, on est un peu sous-toilé parce qu’on a des vents soutenus - 33-38 nœuds - mais là ça mollit un peu et je suis à 80 milles de l’entrée de la porte (ndlr : Australie Ouest). Comme ça c’est fait, on fait une petite croix sur le calendrier. Devant ils nous mettent un caramel, derrière on leur met un caramel, au final tout le monde met un caramel à tout le monde. Les écarts qu’il peut y avoir sont assez étonnants ».

 

Golding et les surfs

 

Même ambiance pour le poursuivant immédiat du Finistérien, à savoir Mike Golding. « Il y a beaucoup de rafales donc c'est difficile d'avoir le plan de voilure optimum. J'ai vu 37 et 39 noeuds, mais ensuite on est vraiment sous toilé entre les rafales, donc pour moi c'est solent et deux ris dans la grand-voile. La mer est sérieusement en train de se former et on fait de bons surfs de temps en temps. Ça a l'air d'être plutôt clément devant ».

 

Sanso et les vagues

 

Neuvième à 2000 milles de Macif, Javier Sanso (Acciona 100% EcoPowered) a vécu des moments difficiles. « De nouveau une nuit compliquée, mais moins que la dernière. J’ai dû hisser les voiles depuis quelques heures déjà, mais la mer est très formée, avec des vagues de tous les côtés. De temps en temps, elles viennent s’écraser contre l’étrave et m’envoient valser. Le bateau tape tellement que j’ai parfois l’impression qu’il va se briser en deux. Du coup, je ne peux pas aller à ma vitesse maximale jusqu’à ce que ces vagues croisées ne cessent. J’essaye d’avancer mais je suis stoppé à chaque fois. C’est assez frustrant. J’ai essayé plusieurs fois mais quand le bateau tape à 18 nœuds, j’en perds presque mes dents. Mais bon, ça ne durera pas éternellement ».

 

De Broc et le quotidien

 

Et enfin à 2 874 milles de la tête de la flotte, Bertrand de Broc (FRA, Votre Nom autour du Monde avec EDM Projets) nous décrit son quotidien. « Je dors un peu plus la nuit que le jour. J’essaie de trouver le sommeil car il y a beaucoup de bruit sur le bateau. La vie à bord est assez irrégulière. J’essaie de coordonner les repas en fonctions des manœuvres, des empannages et tout ce qu’il se passe autour. Mais la vie à bord se passe plutôt bien. Il faut réussir à garder un certain équilibre. Il y a eu beaucoup de moments super sympas et d’autres très difficiles qu’on ne dévoile pas tout le temps. Il y a des images tellement différentes et incroyables. On vient aussi pour découvrir. Sur l’eau, on découvre tous les jours ». Aucun de ses navigateurs ne vit la même histoire, n’éprouve les mêmes sensations, mais tous ont le même objectif : finir leur tour du monde du monde.

 


LES VOIX DU LARGE

 


Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat)
: « Pour l’instant, j’ai récupéré la colonne de winch. Je ne t’explique pas le chantier. Les chaînes ont à moitié rouillé. Il y en a partout dans le cockpit là ! Il faut vite qu’il y ait du vent de nouveau et que la flotte vienne rincer tout ça. J’ai continué à réparer la colonne et finalement l’orage ne m’est pas venu dessus. J’ai mis un peu la course entre parenthèses pour profiter de la molle et faire le maximum de choses. Là, je ne suis pas loin d’empanner mais je ne sais pas quand je vais passer la prochaine porte ».

 

François Gabart (Macif) : « Ça va, on a des conditions plus faciles que lors des derniers jours. Depuis 24 heures, ça va beaucoup mieux, le bateau bouge beaucoup moins. Quand ça secoue, on arrive à se reposer, on prend sur soi, même si ce n’est pas simple. Les cinq derniers jours ne sont pas les jours où j’ai le plus dormi sur le Vendée Globe. On s’échange quelques mails avec Armel. Ça fait quelques heures, voire une journée, qu’on ne s’est pas envoyé quoi que ce soit. On ne s’est pas non plus envoyé des romans, c’est difficile de taper sur le clavier. On est allé à l’essentiel ».

 

Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) : « Je navigue dans environ 25 nœuds avec des claques à 30-35 nœuds. Je viens de passer un gros grain, c'était chaud ! Ça dépote pas mal à bord de Virbac-Paprec 3! Je vais tirer un grand bord dans le sillage des deux leaders pour rallier la prochaine marque de parcours. Je devrais manœuvrer d'ici moins de 24 heures pour mettre le clignotant à gauche direction la prochaine porte des glaces ».

 

Jean Le Cam (SynerCiel) : (sur l’issue de la course) Il ne faut jamais perdre espoir, surtout sur un Vendée Globe, on ne sait jamais ce qui peut se passer, je suis bien placé pour le savoir. Chacun fait sa course, on comptera les points à l’arrivée. L’important, c’est de finir. Bien malin celui qui dira qui peut gagner le Vendée Globe aujourd’hui. Celui qui se risque à ce genre de jugements est proche d’un imbécile ».

 

Jérémie Beyou (Maître CoQ) à la vacation radio de lundi : « Avant mon abandon, j’ai tapé quelque chose quelques jours plus tôt. Le vérin a fait office de fusible, ce qui signifie la fin de la course. C’est une grosse déception mais heureusement que cette pièce a cassé sinon ça aurait été la quille et ça aurait touché la structure du bateau. J’ai ramené le bateau en un morceau et j’ai la chance d’avoir des partenaires fidèles avec Maître CoQ. On était un peu en retard au démarrage pour ce Vendée Globe mais pour le prochain, on sera bien en avance. Mais ce n’est pas de moi dont il faut parler. Avec les photos et les vidéos que les skippers envoient, on ne se rend pas compte à quel point ça peut être pénible ».

 

CLASSEMENT

Positions du 17/12 à 16 heures : 1.François Gabart (Macif) à 12 685 milles de la ligne d’arrivée; 2.Armel Le Cléac´h (Banque Populaire) à 15,8 milles du leader; 3.Jean-Pierre Dick (Virbac Paprec) à 396,4 m; 4.Alex Thomson (Hugo Boss) à 834,7 m; 5.Bernard Stamm (Cheminées-Poujoulat) à 879,4 m; 6.Jean Le Cam (SynerCiel) à 1 494,6 m; 7.Mike Golding (Gamesa) à 1 651,1 m; 8.Dominique Wavre (Mirabaud) à 1 812,6 m; 9.Javier Sanso (Acciona 100% EcoPowered) à 1 991,2 m; 10.Arnaud Boissières (Akéna Vérandas) à 2 524,7 m; 11.Bertrand De Broc (Votre Nom Autour du Monde avec EDM Projets) à 2 874,9 m; 12.Tanguy de Lamotte (Initiatives-Coeur) à 3 234,6 m; 13.Alessandro Di Benedetto (Team Plastique) à 3 843,7 m. Abandons : Marc Guillemot (Safran); Kito de Pavant (Groupe Bel); Samantha Davies (Savéol); Louis Burton (Bureau Vallée); Jérémie Beyou (Maître CoQ); Zbigniew Gutkowski (Energa); Vincent Riou (PRB).
 

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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